A l’image de la biodiversité, les populations d’insectes sont en déclin. On peut les aider mais pas n’importe comment. Et donc ici je vous ai rassemblé 4 gestes qui peuvent paraitre de bonnes idées, mais qui en fait n’en sont pas. Et je commence avec les hôtels à insectes. Ils ont une très belle image auprès de chacun d’entre nous. On nous les a présentés comme des outils formidables pour faire revenir la biodiversité entomologique. Des entreprises, des communes, des particuliers ont parfois dépensé des sommes folles pour verdir leur image et parfois en espérant contribuer à la biodiversité. Mais pour comprendre le problème, je vous propose une comparaison : imaginez que vous souhaitiez faire venir les touristes dans les régions sahariennes du Niger ou du Mali. Vous ouvrez un magnifique hôtel en plein désert. Des murs de marbre joliment décorés, des chambres spacieuses, une vue imprenable sur les dunes. Malheureusement, mis à part du sable, vous ne proposez rien aux visiteurs, aucune activité n’est organisée et les restaurants de l’hôtel sont vides. Vous avez beau avoir mis sur pied un hôtel grandiose, vous ne ferez jamais venir le touristes. Les hôtels à insectes non plus, ne font pas apparaitre comme par magie des visiteurs. ILS NE GÉNÈRENT PAS LA BIODIVERSITÉ, ILS LA SOUTIENNENT. En guise d’illustration, j’ai pris cette photographie près de chez moi. On se trouve dans une station essence. Et comme moi vous pouvez constater la fausse bonne idée. Cet hôtel à insectes est d’ailleurs resté désert pendant tout l’été. Et pour cause : c’est le désert biologique à des dizaines de mètres à la ronde. Uniquement du gazon régulièrement coupé, un gazon qui n’apporte aucune ressource pour aucune espèce d’insectes. Lorsqu’ils sont bien conçus, les hôtels à insectes offrent un abris pour l’hiver à quelques espèces et proposent des lieux de ponte pour d’autres. Je pense aux osmies notamment. Ces abeilles cherchent des endroits sûrs pour nicher. Si l’hôtel est fait de tubes en bambou, de tiges creuses ou des petits trous dans des morceaux de bois, alors les osmies peuvent y établir leurs nids. Ce qui est particulièrement bénéfique en ville ou dans des zones aménagées où les sites naturels de nidification sont rares. L’osmie femelle transporte du pollen, grâce à une brosse ventrale, et du nectar, dans son tube digestif. Elle se trouve un trou et tasse avec son front ce mélange pollen et nectar, qu’on appelle le "pain d'abeille". Après une 20aine de voyages, elle pond un seul œuf et reforme la cellule. Et elle recommence dans un autre orifice. Mais si l’hôtel à insecte est placé dans un endroit désert, où le pollen et le nectar est absent, ces abeilles ne seront pas présentes. Qui voudrait donner naissance à des petits dans un monde où il n’y a rien à manger ? L’explication serait la même avec les araignées ou les perce-oreilles, mais tu as compris l’idée je pense. Bon attention je ne suis pas contre les hôtels à insectes. Ils sont d’excellents outils pédagogiques, surtout à destination des enfants. Parce qu’ils favorisent la sensibilisation à la biodiversité, ils permettent de développer la curiosité et de mieux comprendre nos écosystèmes et leur fonctionnement. A condition de ne pas être placés n’importe où et d’être régulièrement entretenus. Les hôtels à insectes, il faut les voir comme la cerise sur le gâteau de vos efforts pour soutenir les insectes. Ils doivent venir appuyer les autres efforts que vous avez déployés. Et alors seulement, un hôtel peut-être une bonne idée. Abonnez-vous si ce contenu vous plait. Deuxième fausse bonne idée ! On l’a vu, il faut de la diversité végétale dans l’environnement directe de votre hôtel à insectes pour le rendre attractif. Mais il y a plantes et plantes. Il y a certainement des plats que vous préférez manger et d’autres moins. De même il y a des plats sans aucune valeur nutritive et d’autres bien meilleurs pour votre santé. Pour les insectes, c’est pareil. Installer dans votre jardin ou dans les parcs publics des plantes exotiques, cela peut souvent revenir au même que de nourrir vos enfants avec des nouilles instantanées … tous les jours. Et donc une seconde fausse bonne idée ce sont les jardins mal fleurit. Prenons juste un exemple : l’arbre à papillon. Cette arbuste est originaire de Chine, et a été introduit en Europe au dix-neuvième siècle. Alors déjà il est classé en France, en Belgique et en Suisse comme espèce envahissante, c'est-à-dire qu'il prend la place des espèces locales qui apprécient les mêmes sols. Sa couleur mauve et ses odeurs très fortes attirent beaucoup les papillons. Mais en fait, elle a un nectar pauvre en qualité nutritionnelle. Et ses fleurs agissent comme une drogue pour les papillons, qui vont pondre sur ses feuilles au lieu de rechercher leur plante-hôte habituelle. Résultat, les chenilles qui éclosent se nourrissent des feuilles de l’arbre à papillon et s’empoisonnent à cause de la présence de molécules comme l'aucubine. Cette particularité conduit donc à la diminution des populations de pollinisateurs et entraîne une perte de biodiversité. Tout l’inverse de ce que vous pensiez peut-être faire en plantant cet arbuste. Certaines espèces végétales favorisent la biodiversité, enrichissent les sols et offrent un habitat pour la faune locale. Un excellent bouquin pour faire cela c’est celui-ci « Un Jardin sauvage et coloré, ou comment aménager son jardin avec des plantes indigènes » de Simone Kern, aux éditions Delachaux Niestlé, je vous place un lien en commentaire. En plus, les espèces locales sont adaptées à nos climats et sols, nécessitent moins de ressources tout en soutenant la faune locale, notamment les pollinisateurs comme les abeilles et papillons. Des plantes mellifères comme la lavande, le trèfle ou encore le lierre garantissent un apport en nectar et pollen tout au long de l'année, ce qui est donc essentiel pour la reproduction de ces insectes. En plus de planter des plantes indigènes, je vous recommande de créer des strates végétales variées, car elles vont augmenter la capacité d’accueil pour les insectes, oiseaux et petits mammifères. Au sol des graminées, des fraisiers ou des courges. A l’étage intermédiaire une haie composée d’arbustes fruitiers comme des groseilliers ou des framboisiers. Et au-dessus des arbres comme les chênes ou tilleuls, qui eux aussi abritent une grande diversité de vie. Et à coté de tout ceci aménagez des habitats comme des tas de branches, des mares ou des espaces non fauchés pour favoriser l’installation de hérissons, de tritons ou de papillons. Toutes des espèces qui jouent un rôle crucial dans l’équilibre écologique. Ha !!! Et laissez des orties se développer. Ce sont de véritables bombes à biodiversité, tant elles accueillent quantité d’insectes et d’araignées, qui vous rendront service notamment en mangeant les petites bêtes indésirables qui veulent s’en prendre à votre potager ou vos parterres fleuris. Troisième fausse bonne idée : l’installation de ruches ! Non, introduire des abeilles mellifères n’est pas non plus un bien fait pour la biodiversité. C’est un peu comme si vous introduisiez des élevages de vaches partout et que vous prétendiez qu’ainsi il y a plus de mammifères dans l’environnement. L’abeille mellifère, Apis mellifera, n’est qu’une espèce d’abeilles, l’une des seules à avoir été domestiquée par l’Homme, pour son miel. A côté, dehors, il y a des centaines d’autres espèces essentielles à l’équilibre de nos écosystèmes et c’est d’elles que l’on parle quand il s’agit de sauvegarder la biodiversité. Mais introduire des ruches revient à introduire dans l’environnement de ces abeilles sauvages des compétitrices. Les abeilles mellifères vont leur piquer leur nourriture, et donc rendre leur vie un peu plus compliquée encore. Le rôle des abeilles mellifères en tant que pollinisatrices fait actuellement l’objet de débats dans la communauté scientifique. D’une part, tout le monde constate le déclin mondial des pollinisateurs, et donc il est du plus en plus difficile de produire certains des végétaux dont nous nous nourrissons et les ruchers d’abeilles domestiques sont alors fort utiles pour améliorer la production agricole. Alors que certaines recherches avancent que ces abeilles mellifères complètent les services de pollinisation fournis par les insectes sauvages, d’autres comme cette récente recherche conclue que : l’apiculture réduit la diversité des pollinisateurs sauvages, et par conséquence réduit la pollinisation de certaines plantes indigènes. Je ne tape pas sur le dos des apiculteurs amateurs. Car comme toujours c’est l’excès qui est nuisible. Une poignée de ruche n’aura pas d’impact significatif sur les pollinisateurs sauvages. Mais ce qui est certain, c’est qu’introduire des ruches pour promouvoir la biodiversité, c’est une fausse bonne idée. Et je termine avec les produits biologiques. François, si c’est bio c’est bon pour la santé. AAAAAAAAhhhh. Il n’y a rien de plus biologique que l’eau, et pourtant tu ne noie dans l’eau. Et si tu bois trop d’eau et bien tu peux en mourir. Ok, cette comparaison elle vaut ce qu’elle vaut, mais elle illustre mon propos : naturel ne veut pas dire bon pour l’environnement. La nature a créé une large variété de produits toxiques. Il suffit de penser aux venins des serpents ou à la nicotine produit par les plants de tabac. Oui la nicotine c’est avant tout un insecticide produit par les plantes pour se défendre contre les insectes qui machouillent leur feuilles. Un insecte qui mange de la nicotine voit son système nerveux se dérégler. Et la plante est protégée. Ce n’est qu’après que l’Homme l’a exploité pour en faire des cigarettes. Naturel ne veut pas dire bon pour l’environnement ou ta santé. Et donc ne te laisse pas séduire par les labels « Biologiques » ou « naturels » apposés sur des boutilles de pesticides. Ces produits sont là pour tuer la vie, et ne doivent pas te faire croire que tu la protège en les utilisant. Je prends un seul exemple : celui du spinosad. Le spinosad est un insecticide utilisé en cultures traditionnelles mais autorisé aussi en agriculture biologique. Oui, on utilise certains pesticides en agriculture bio, désolé si je viens de briser une vieille croyance. Laisse-moi un pouce bleu si c’est le cas. Le spinosad est une molécule naturellement sécrétée par un microorganisme qui vit dans le sol, une levure du nom de Saccharopolyspora spinosa. Ce produit est un neurotoxine, qui provoque en peu de temps chez l’insecte qui y est exposé une excitation de son système nerveux menant à des contractions musculaires involontaires et à des tremblements. L’insecte cesse de s’alimenter et la paralysie peut survenir en quelques minutes, la mort s’ensuivant rapidement. Ce produit tue ainsi les chenilles de papillon, les asticots de mouches et même les poux qui se promènent parfois sur la tête de nos enfants. Oui … certaines entreprises ont même fait des shampoing contenant cet insecticide. Un produit qui perturbe le système nerveux. Je laisse ça là … tu en fais ce que tu veux. Le Spinosad est un produit biologique autorisé en culture Bio, mais des chercheurs Suisses clament haut et fort depuis plusieurs années que ce produit est extrêmement toxique pour les abeilles. Des abeilles qui le ramènent à la ruche avec le pollen et le nectar qu’elles collectent. Le spinosad s’y accumule et finit par intoxiquer les larves et même par se retrouver dans le miel. Pourtant à des doses très faibles. Bref je le répète, ne nous laissons pas séduire par des label bio ou naturel. Les insecticides naturels sont des insectides, donc ils ne promeuvent pas la biodiversité. On est tous d’accord pour dire que la biodiversité est mise à terre et a besoin de tous les coups de main qu’on peut lui donner. Mais il y a des coups de mains plus utiles que d’autres. A bientôt les amis ! Ciao !
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La 5G serait néfaste pour les animaux sauvages. Des tortues marines se perdraient en cours de migration, des fourmis ne trouveraient plus de quoi manger, des chauves-souris ne parviendraient plus à attraper leur repas et même ton chien ne saurait plus comment se placer lorsqu’il doit déposer … sa grosse commission. Oui, les voix s’élèvent pour dénoncer l’impact potentiellement néfaste des ondes téléphoniques et plus globalement des champs électromagnétiques artificiels. Je me suis demandé si ces accusations étaient scientifiquement fondées et pour y voir plus clair, et bien oui, je me suis plongé dans l’épaisse littérature disponible et … il faut vraiment que je vous parle de ce que j’y ai découvert. En commençant à préparer cet article, je n’avais pas d’idée préconçue de la direction qu’elle allait prendre. Et pour tout vous dire, je voulais moi aussi découvrir la réponse à cette question. Je l’ai trouvée, mais on va devoir commencer par bien définir de quoi on va parler. Commençons par faire la distinction entre des ondes artificielles produites par l’Homme, et les ondes naturelles. Oui car avant même qu’on invente le feu, nous étions déjà soumis à des champs magnétiques. Le noyau externe de la Terre est composé de métal en fusion et produit naturellement un champs magnétique, comparable à celui d’un aimant. La Terre a donc un pôle nord et un pôle sud. Ce champ magnétique guide les boussoles et donc les navigateurs depuis des siècles, en pointant vers le nord magnétique. Il agit surtout comme une sorte de force invisible qui protège notre planète et ses habitants, des radiations dangereuses en provenance du soleil. Tous les êtres vivants ont donc toujours évolué dans ce berceau protecteur. Un berceau constitué d’ondes magnétiques de très faible fréquence. On parle d’environ 10 Hz. Soit la même fréquence que les ondes cérébrales observées dans TA tête … quand tu te perds dans tes pensées. On sait aujourd’hui que de nombreuses espèces animales utilisent les ondes électromagnétiques naturelles de la Terre pour leurs déplacements quotidiens, leurs migrations saisonnières, leur reproduction, leur recherche de nourriture et pour s’y retrouver au sein de leur territoire. Les animaux ont donc un 6me sens que l’on nomme la magnétoréception. Et ce n’est pas de la pseudo science. La magnétoréception permet aux animaux de détecter les champs magnétiques naturels dont je viens de parler. Ceci a été démontré pour la première fois sur des cellules de truite, dont l’épithélium olfactif héberge des cellules magnétoréceptrices. Et depuis on a démontré cette faculté chez de très nombreuses espèces animales. On sait aujourd’hui que c’est grâce à ce 6ème sens « magnétique » que les tortues marines s’orientent au cours de leurs longs voyages migratoires. Elles possèdent dans leur tête des récepteurs sensibles aux champs magnétiques, des récepteurs qui contiennent semble-t-il des particules magnétosensibles, comme la magnétite, composé principalement de cristaux de fer. Les ions de fer de ces cristaux s’orientent et s’alignent en réaction aux champs magnétiques, exactement comme lorsque tu fais bouger un clou à l’aide d’un aimant. Les cellules qui contiennent cette magnétite peuvent donc agir comme une boussole, et aider l’animal à toujours savoir où se trouve le Nord… ou le Sud. C’est ainsi que les tortues marines semblent capables de déterminer leur position géographique et de s’orienter, comme si elles lisaient une carte. Elles utilisent les variations dans l'intensité et l'inclinaison du champ magnétique terrestre pour se repérer et naviguer précisément vers leurs aires de ponte et d'alimentation. Le tout est complété par une sorte de mémoire géomagnétique, que les petits acquièrent dès la naissance. Ils se souviennent de l’environnement magnétique de leur lieu de naissance, comme toi, tu te souviens de la vue d’un beau paysage, de l’odeur de ta dernière préparation culinaire, ou du contact de la caresse de ton conjoint. Les tortues se souviennent où elles sont nées et donc où il faut revenir déposer leurs œufs. Jusqu’ici dans mon studio, je t’entends te demander : « et nous les humains, on possède aussi ce 6ème sens ? ». Et bien je retiens de mes diverses lectures que la réponse est toujours débattue dans la communauté scientifique. Dis, laisses moi un pouce bleu pour encourager mon travail ! Prenons une seconde pour résumer : Les espèces vivantes sont naturellement exposées depuis toujours au champs magnétique terrestre et donc à des ondes de très basses fréquences. C’est naturel, c’est utile et même essentiel à leur survie. Outre la protection comme les rayons nocifs du soleil, ces ondes de basses fréquences sont utilisées par les animaux dotés du sens de la magnétoréception durant leurs comportement quotidiens. Le problème, c’est qu’à côté des ondes naturelles, l’Homme a démultiplié depuis plusieurs décennies les sources d’ondes ARTIFICIELLES. Nos appareils électriques, les pylônes haute tension, les antennes radio, les modems wifi, ou les téléphones portables, tous produisent des ondes. Et on va le découvrir, certaines de ces ondes sont de très hautes fréquences. Et font l’objet de recherche depuis plusieurs années pour évaluer leurs conséquences potentielles pour la faune. Pour avancer, je dois à présent clarifier de quelle type d’onde on parle. Une onde électromagnétique, qu’elle soit naturelle ou artificielle, est une vibration qui se déplace à travers l'espace et qui est composée de deux éléments principaux : un champ électrique et un champ magnétique. Ces deux champs oscillent à la même fréquence. Contrairement aux ondes sonores, qui ont besoin d’un support, comme l’air ou l’eau, sur lequel s’appuyer pour se propager, les ondes électromagnétiques peuvent se déplacer dans le vide ou un support matériel. Une onde lumineuse est une onde électromagnétique, et sa longueur d'onde correspond au spectre visible. Il y a plusieurs types d’ondes électromagnétique en fonction de leur longueur d’onde, leur fréquence et leur énergie, et les humains ont développés de nombreuses technologies sur base de ces différentes ondes, comme la radio, la télévision ou les téléphones portable.Pour la suite je vais te parler à plusieurs reprise de la fréquence des ondes. La fréquence, c’est le nombre de fois qu’une onde se répète, par seconde. Cette fréquence est exprimée en Hertz (Hz). Je te disais que le champs magnétique terrestre est caractérisé par des ondes de fréquences avoisinant les 10 Hz. Sur cette figure on voit que les pylônes électriques émettent des ondes de très basses fréquences, typiquement inférieures à 100 Hz, et donc comparables à ce que le champ magnétique terrestre émet. Les ondes de transmission de données, radio, télévision ou Wi-Fi ont des fréquences un peu plus élevées, et peuvent se propager sur de longues distances. On parle d’environ 100MHz. A des fréquences encore plus élevées, on retrouve nos fours à micro-ondes, et leurs ondes à 2,5GHz. Et quand on parle de téléphonie mobile, 4G ou 5G, on se retrouve dans des gammes de fréquence pouvant être encore plus importantes, au-delà des 30GHz pour la 5G. 30GHz, c’est donc une onde qui oscille 1 milliards de fois par seconde. J’ai conscience que j’ai simplifié fort les choses. Je peux à présent revenir à ma question de départ : Quels sont les impacts du déploiement de toutes ces sources de champs magnétiques artificiels sur la santé des animaux ? Il faut que je te parle des insectes, des amphibiens, des oiseaux, des reptiles, des mammifères et des humains … Alors, je commence par où ? Je commence par les insectes. Si tu me suis sur cette chaine, tu sais que ce sont mes petits préférés. Il y a quelques mois, je t’exposais les causes du déclin des populations d’insectes à l’échelle mondiale. J’avais noté 5 causes majeures, toutes liées à l’Homme : un, la perturbation des terres (urbanisation, agriculture intensive), deux, l’exploitation non durable des ressources, trois les changements climatiques, quatre les espèces invasives et cinq la pollution. Et par pollution j’entendais pesticides et autres contaminants chimiques qui s’accumulent dans l’environnement et qui touchent directement ou indirectement les insectes. Et je ne pensais absolument pas aux ondes. Mais aujourd’hui parmi les scientifiques, les voix montent pour affirmer que les ondes aussi sont une forme de pollution, qui nuisent aux insectes. Pour illustrer le problème, j’ai choisi un peu arbitrairement trois études pour vous. Une sur les guêpes, une sur les fourmis et une autre sur les papillons monarques. On commence par les monarques. Je te décrivais la fantastique migration de ces papillons dans une vidéo il y a quelques mois. Des papillons qui parcourent plusieurs milliers de kilomètres pour traverser les Etats-Unis, et rallier le Mexique au départ du Canada. Le nombre de monarques a chuté de plus de 90 % au cours des dernières décennies. Les causes sont connues : la perte massive de leur habitat, les incendies de forêt, les sécheresses, la férocité accrue des tempêtes et l’introduction dans les années 1990 des cultures « Roundup Ready » de Monsanto, des cultures capables de survivre au glyphosate, qui par contre tue les mauvaises herbes – y compris l’asclépiade, la seule source de nourriture de ces papillons durant leurs migrations. Et ces auteurs estiment que les champs électromagnétiques artificiels devraient être ajoutés à cette liste des causes de leur déclin. Car comme les tortues marines, les monarques possèdent des magnétorécepteurs, ici localisés dans leurs antennes qui leur servent à l’orienter lors de leur migration. Et les chercheurs ont découvert que ces ondes créées par l’Homme brouillent leur carte magnétique. Ce qui augmentent les chances que ces papillons se perdent en chemin et ne trouvent jamais les forêts d’Oyamel. Mais les champs magnétiques terrestres ne sont pas utilisés que pour les très longs voyages. Et justement il y a quelques jours mon attention est attirée par une découverte récente qui annonce que les fourmis utilisent également ces ondes pour mémoriser l’environnement direct de leur fourmilière, lors de leurs déplacements quotidiens. Les fourmis ont besoin de mémoriser la localisation des différentes sources de nourritures qu’elles peuvent exploiter. Et lorsque les chercheurs bloquent le champs magnétique naturel, ou qu’il le perturbe avec un champ magnétique artificiel, la mémorisation spatiale des fourmis est réduite, et donc elles ne parviennent plus à marquer leur territoire et donc à trouver leur nourriture. Les chercheurs pensent que l’organe qui permet de percevoir ce champ magnétique, est situé dans les antennes, mais il doit encore être décrit et bien compris. Et enfin, ces chercheurs-ci ont très récemment démontré que les guêpes sont chargées en électricité statique. Tu sais certainement que les guêpes sont des prédatrices, des insectes très utiles puisque grâce à elles tu as moins de pucerons sur tes rosiers, moins de chenilles sur tes choux ou moins de moustiques dans ta chambre. Les scientifiques ont découvert que les chenilles de certains papillons sont capables de détecter l’arrivée d’une guêpe grâce aux ondes qu’émettent les guêpes. Les chenilles parviennent ainsi à éviter les attaques de guêpes qui arrivent à proximité en se laisser tomber au sol par exemple. Les chenilles perçoivent l’électricité statique libéré par les guêpes grâce à des soies fines qui recouvrent leurs corps. Les scientifiques tirent donc la sonnette d’alarme : les ondes de basses fréquences artificielles, comme celles générées par les pylônes électriques perturbent les interactions entre les guêpes et leurs proies. Avant de quitter les insectes, je fais tomber tout de suite une fake news que j’ai lue : non, les ondes artificielles n’augmentent pas la température corporelles des insectes. En tout cas pas dans les conditions que nous les utilisons. Des insectes, je passe à d’autres invertébrés de petites taille : les nématodes. Eux aussi, ils sont essentiels à l’équilibre de nos écosystèmes. Il s’agit de vers microscopiques que l’on retrouve par millions dans un m3 de sol en bonne santé. Et …. Ils n’apprécient pas non plus les champs électromagnétiques artificielle de faible intensité, car j’ai lu qu’ils vivent moins longtemps lorsqu’ils y sont exposés. Voilà, pour l’échantillon d’études consacrés aux invertébrés. J’aurai pu ajouter que des observations comparables ont été réalisées sur Mollusques, sur crustacées ou sur vers plats. Voyons à présent le cas des animaux qui, comme nous, sont pourvus de vertèbres. Car oui, de nombreux vertébrés perçoivent aussi les ondes électromagnétiques. C’est le cas des oiseaux, dont les yeux et les becs sont particulièrement magnéto-réceptifs, avec notamment les récepteurs à magnétite dont je t’ai parlé juste avant. Les fréquences communes des téléphones portables produisent des décharges anormales dans plusieurs types de neurones du système nerveux chez des pinsons et les auteurs concluent que cela pourrait expliquer pourquoi les oiseaux peuvent être attirés par les tours de téléphonie cellulaire, et parfois venir s’y écraser. Toujours chez les oiseaux, il y a des études qui m’ont fait frémir, et parmi celles-ci il y a celle de Di Carlo et ses collègues qui ont constaté qu’une exposition de plusieurs jours à des ondes comparables à celles émises par des téléphones portables avait des conséquences sur la survie des embryons de poules. Les chercheurs n’hésitent pas à conclure à la fin de leur travail que : « une exposition quotidienne, telle que celle que peuvent subir les utilisateurs de téléphones portables, pourrait augmenter la probabilité de cancer et d'autres maladies ». Mais comme souvent dans la recherche scientifique, tout n’est pas tout blanc ou tout noir, et certaines études comme celle-ci ont démontré l’effet inverse sur des œufs de cailles, qui affichaient même une meilleure santé après une exposition aux ondes émises par un téléphone portable. A l’instar de la migration des insectes, les migrations des oiseaux pourraient tout à fait être affectés par ces ondes. Mais pour le vérifier il faudrait mener des recherches couteuses et indépendantes. Entreprises par des scientifiques sans aucun intérêt direct dans les résultats, ce qui n’est pas toujours une priorité pour les agences gouvernementales ou l’industrie des télécommunications. Comme de nombreuses espèces d’oiseaux et d’insectes, les amphibiens et les reptiles perçoivent les champs géomagnétiques de la Terre notamment grâce à la magnétite. Ces animaux utilisent les champs électromagnétiques naturels pour leur reproduction et leur orientation. Ils sont potentiellement affectés par les ondes électromagnétiques artificielles. D’autant que le corps de ces animaux est souvent totalement plaqué au sol et donc sont exposés de manière unique aux courants terrestres, en particulier les nuits pluvieuses lorsque l'eau peut augmenter l'exposition, puisque l’eau est un excellent milieu conducteur. Mais c’est vrai, les spécialistes acceptent que nous ne comprenions pas encore dans quel ordre de mesure ces animaux sont affectés par les champs électromagnétiques artificiels. C’est que les études sont moins nombreuses sur ces groupes d’animaux. Je retiens malgré tout cette phrase extraite de cet article : « Les ondes 5G ont potentiellement un impact important sur de multiples aspects du développement des amphibiens et des reptiles ». Et l’un des exemples les plus étudiés à ce sujet c’est celui des tortues marines et leurs migrations, qu’on a déjà décrit précédemment. Bon, parlons des mammifères à présent. Il existe de nombreuses études sur les vaches laitières et c’est bien normal, puisqu’elles sont abondantes et facile d'accès pour mener ce type d’étude. Et oui, elles semblent particulièrement sensibles aux champs électromagnétiques associés aux radio-fréquences. Ces chercheurs-ci figurent parmi les premiers à avoir documenté le phénomène. A l’origine, ils ont observé un comportement anormal dans un troupeau situé à proximité d'un émetteur de télévision et de radio. Ils ont constaté une diminution de la production de lait, des problèmes de santé et des anomalies comportementales chez plusieurs vaches. Ils ont cherché la raison, ils ont éliminés une série de causes potentielles, puis ils décidé de transféré certaines vaches au comportement anormal dans une autre étable située à 20 km de l'antenne, et ils ont laissés les autres dans leur pâture habituelle. Les vaches qui ont été changées d’étable ont vu leur comportement se normaliser en cinq jours. Les chercheurs ont alors redéplacé ces vaches qui allaient mieux vers la pâture problématique localisée près des antennes, et les symptômes sont réapparus. Si ces ondes radio impactent nos vaches, alors il est très probable que les grands ruminants sauvages, comme les rennes, pourraient voir leur migrations impactées par les champs magnétiques artificiels, même si cela reste à démontrer. L’étude suivante m’a interpellé aussi. Car il semble que même nos chiens sont sensibles aux petites variations de l’orientation du champ magnétique terrestre. Car les chiens utilisent le champ magnétique terrestre pour décider de la position qu’ils adoptent lorsqu’ils doivent s’agenouiller et déposer leur grosse commission. Lorsqu’ils sont uniquement exposés au champ magnétique terrestre, les chiens font caca en s’alignant dans l’axe nord-sud. Par contre, lorsqu’ils sont exposés à des perturbations électromagnétiques, c’est-à-dire dans n’importe quelle situation de la vie de tous les jours, alors ils perdent cette habitude. Ne me demande pas pourquoi naturellement ils s’orientent dans une certaine direction, je n’ai pas la réponse. Mais l’étude démontre une chose : des ondes artificielles sont perçues par les chiens, et modifient leurs comportements. Ce texte est sans doute déjà fort long, et je ne t’ai pas encore parlé de l’impact sur les humains. Mais je voudrais déjà souligner que je n'ai fait qu'effleurer cette très large thématique de recherche. J’ai voulu te proposer un petit tour d’horizon, certainement subjectif, avec cette sélection de quelques études qui m’ont personnellement interpellé. C’est difficile de synthétiser ce sujet, car il y a une multitudes d’espèces animales étudiées, une multitudes de types d’ondes, d’environnements et d’effets observés. Il y a donc des centaines d’études et je ne peux pas te les résumer toutes. Mais ce que je retiens de toutes mes lectures c’est que toutes les fréquences et tous les taxons zoologiques sont affectés, avec des perturbations associées notamment à l'orientation et la migration, la recherche de nourriture, la reproduction, l'accouplement, la construction de nids et de tanières, l'entretien et la défense du territoire, ainsi que sur la vitalité et la survie. Si tu veux toi-même approfondir le sujet, et que tu parles anglais, alors je te recommande cet article scientifique passionnant qui résumait la situation à la lumière des connaissances accumulées jusqu’en 2021. Son titre parle pour lui « comment les animaux interagissent avec les ondes électromagnétiques naturelles et artificielles ? ». Tu vas me dire que j’ai parlé beaucoup de basses fréquences et pas de 5G et c’est en fait bien normal, car on a peu d’info sur la 5G. La science a besoin de temps pour faire des découvertes. Et d’argent, et donc de la bonne volonté de nombreux acteurs à financer des travaux comme ceux-là. Pourtant la 5G est préoccupante à juste titre, car cette technologie utilise des ondes de fréquence plus élevées que la 4G, un plus grand nombre d'antennes émettrices (car leur portée est plus faible) et une concentration plus élevée d'énergie. Du côté sanitaire, ces trois paramètres suscitent des craintes quant à une exposition accrue aux champs électromagnétiques. Nous avons donc certainement besoin de plus de recherches, d'une plus grande sensibilisation et d'un engagement plus important envers la minimisation de notre impact sur le monde naturel afin de protéger sa précieuse biodiversité. Retenons qu’il y a beaucoup d’études scientifiques qui démontrent les effets des champs électromagnétiques naturels et artificiels sur les animaux. La toute grande majorité des études ont constaté des effets négatifs des ondes artificielles pour la santé de la faune. Je plaide donc pour le fait que les champs magnétiques artificiels soient ajoutés à la liste des causes de perte de biodiversité. Ils contribuent sans aucun doute plus que nous ne le pensons actuellement à la diminution et à l’extinction de certaines espèces vivantes. Et nous, les humains ? Quel est l’impact sur notre santé de ces ondes? Et bien les études sont très rares. On sait que notre horloge biologique à nous aussi est rythmée par les champs électromagnétiques naturels et autres champs de très basses fréquences. En avril 2021, l’agence française de sécurité de l’environnement et de la santé (l’Anses) publiait une évaluation qui concluait que la 5G ne présente pas de risques nouveaux pour la santé humaine au vu des données disponibles. Je souligne bien « au vu des données disponibles ». L’agence estime que le déploiement de la 5G dans la bande de fréquences 3,5 GHz ne devrait pas présenter de risques nouveaux, mais que les données disponibles actuellement ne suffisent pas pour conclure à l’existence ou non d’effets sanitaires dans le cas de la bande 26 GHz, qui complète actuellement le réseau pour la 5G. L’agence appelle à poursuivre les recherches dans ce domaine. Mais doit-on attendre de comprendre les conséquences néfastes ? Comme souvent, le principe de précaution ne devrait-il pas primer ? Toute cette histoire me fait en tout cas furieusement penser à la situation actuelle rencontrée avec les insecticides néonicotinoïdes, ces pesticides parmi les plus utilisés dans le monde, et qui viennent d’être majoritairement interdit en Europe suite à la démonstration de leur effet nocif sur les insectes, les oiseaux et peut-être bientôt notre propres santé. Les animaux ont-ils de la personnalité ? La réponse est oui. Dans cet article, il sera question d’oiseaux, de mammifères et même d’insectes qui ont du caractère. Chez ces espèces certains individus se montrent plus audacieux, moins sociables, plus agressifs ou moins persévérants que d’autres. Et on va voir que ces traits de personnalité ont des répercussions sur leur couple, leur alimentation ou même leur espérance de vie. Commençons avec une première étude datant de 2022 et menée par des chercheurs américains, qui nous racontent les observations réalisées sur une population de diamants mandarins, et plus particulièrement sur deux individus, qu’on a qu’à nommer Isidore et Robert. Ils se connaissent depuis trois ans déjà. Avec leurs compagnes respectives, ils se sont installés au sein d’une communauté de diamants, dans une zone buissonnante localisée à proximité d’un petit ruisseau. Leur quartier est si agréable qu’ils sont près d’une centaine de mandarins à y avoir élu domicile. C’est que rien ne manque dans ce parc naturel protégé du centre de l’Australie. Malgré l’aridité, ils vivent confortablement. Les graminées sont abondantes et offrent de quoi manger toute l’année. Les nombreux buissons offrent à chacun de quoi construire un nid douillet. D’ailleurs, seules quelques dizaines de centimètres séparent les domiciles des deux compères, si bien qu’ils se côtoient tous les jours. Isidore et Robert s’entendent relativement bien, malgré … des tempérament fort différents. Robert est un mâle que nos éthologues qualifient de dominant. Il n’hésite pas à se ruer sur la nourriture découverte par l’un de ses congénères pour la lui dérober. Il distribue aussi volontiers des coups de bec lorsqu’il le juge nécessaire pour rappeler qu’il est le plus fort. Robert est curieux, assez peu craintif et plutôt audacieux pour un oiseau de son espèce. Si bien qu’il se rapproche souvent sans hésiter de tout objet nouveau qui apparaitrait dans son environnement pour en découvrir la nature, et estimer s’il peut s’en nourrir. Isidore est très différent. C’est un timide, relativement pacifique. Il laisse toujours son ami Robert se nourrir avant lui. Il est d’un naturel prudent, et évite les prises de risque. Donc il ne s’éloigne jamais des buissons où il a élu domicile. Ne lui demandez donc pas de partir en reconnaissance pour explorer de nouvelles zones ! En revanche, Isidore est obstiné et a toujours eu un don pour la résolution de problèmes. Il ne les résout pas forcément rapidement, mais il finit souvent par y parvenir. Comme la fois où il a réussi -à force de persévérance- à accéder à un morceau de pain abandonné dans une boite abandonnée par des promeneurs. La boite était fermée par une ficelle nouée. Il avait fallu à Isidore de longues minutes de persévérance pour comprendre qu’en tirant sur la ficelle il libérait le nœud et avait accès au bout de pain contenu dans la boite. On comprend bien donc qu’Isidore et Robert ont des personnalités très différentes. Et c’est le cas pour les 41 oiseaux dont nos éthologues américains ont observé des traits comportementaux comme l’audace, la prise de risque, la peur de l’inconnu, l’agressivité ou encore l’obstination. Pour évaluer tous ces caractères, l’idée était toujours à peu près la même, les oiseaux étaient placés dans une cage dans des situations contrôlées par les chercheurs. Par exemple, pour évaluer le caractère de dominance, les oiseaux étaient placés par groupe de 10 mais avec une seule source de nourriture. Et les scientifiques regardaient qui jouait des coudes et finissait par manger le premier. Pour évaluer la peur de l’inconnu, l’oiseau était placé seul dans une cage et les chercheurs y introduisaient un objet que l’oiseau n’avait jamais vu, comme un jouet pour chat, de préférence de couleur flashy. Et ils regardaient si l’oiseau s’en approchait rapidement. Pour évaluer l’agressivité, ils placaient l’oiseau devant un miroir et ils comptaient le nombre de fois où il agressait son image à coup de bec . Parce que oui, ces oiseaux échouent au test du miroir, qui permet d’évaluer la conscience de soi. Il faudrait que je vous fasse un article sur ce thème un jour d’ailleurs. Nos chercheurs concluent également que la personnalité des oiseaux impacte directement leur vie au quotidien : par exemple, plus un oiseau est obstiné plus souvent il parvient à résoudre des problèmes. Ou encore : plus un oiseaux est dominé et plus il est lent dans ses tâches quotidiennes. Leur conclusion est claire : la personnalité est directement liée aux capacités intellectuelles de l’individu. Et la personnalité pourrait même avoir des répercussions sur la vie amoureuse de l’animal. C’est en tout cas ce que suggère cette autre étude. Pour mieux comprendre les conclusions de ce travail, poursuivons l’histoire d’Isidore et Robert. Nos deux lascars sont tous deux en couple depuis plusieurs années. Chacune des deux paires a des petits chaque année, des petits qui ont quitté le nid familial en fin de saison. La période de la reproduction approche à nouveau. Lorsqu’il était un jeune mandarin, Robert avait séduit sa compagne grâce à son chant particulièrement original, qui avait attiré à lui de nombreuses prétendantes. Robert peut aussi se vanter d’avoir de très larges taches colorées sur les joues, sans oublier la teinte orangée de son bec. Oui, Robert est ce que l’on peut appeler un « beau gosse », il a tout du mâle très séduisant. Isidore … disons qu’il a moins de qualités physiques que son ami, mais il est en bonne santé. L’année précédente, il avait participé à la couvaison des œufs et au nourrissage des petits et s’est donc montré un bon père de famille. Pourtant, cette année, le couple d’Isidore bat de l’aile. Depuis quelques jours, la communauté de mandarins a été rejointe par un petit groupe d’étrangers, des mandarins ayant quitté leur précédent domicile, sans doute à cause d’un prédateur ou parce que la nourriture s’y faisait rare. Les mandarins étrangers ont rapidement été accueillis au sein de la communauté à laquelle Isidore et Robert appartiennent. Et le lendemain de leur arrivée, la compagne d’Isidore avait été rejointe par l’un des mâles étrangers alors qu’elle était perchée sur une branche. Le visiteur s’était égosillé en sa direction avec tant de persuasion que Madame Isidore n’en est pas restée complètement indifférente. Pendant plusieurs jours, les deux amants se sont côtoyés régulièrement à la vue de tous. C’est que ce bel étranger à de belles joues colorées et chante vraiment très bien. Mieux qu’Isidore. Ce soir-là, sa compagne n’est pas rentrée au nid familial et a plutôt décidé de consacrer les prochaines semaines à consolider son nouveau couple. Si Isidore a en effet un caractère peu dominant, il a une qualité, on l’a vue, il est persévérant. Isidore ne se laisse donc pas abattre. Après s’être fait ainsi plumer, il décide de ne pas se prendre le bec avec les deux amants ni de les asséner des pires noms d’oiseaux (mimer batterie). Poussé par le même instinct reproducteur que son ex-compagne, il identifie une célibataire et multiplie envers elle les comportements volages. Cette célibataire est devenue son nouvel oiseau rare. Hors de question de rester le bec dans l’eau ! Malgré le coup dans l’aile qu’il vient de prendre, il choisit de se montrer fier comme un paon, gai comme un pinson. C’est vrai, il n’a pas le visage le plus coloré ou les talents de chanteur les plus aiguisés, mais il n’hésite pas à tenter sa chance. Il est timide, oui, mais il ne manque pas d’obstination. Si bien que ce qu’il lui reste de charme finit par faire mouche. Quelques jours plus tard, il est occupé à construire un nouveau nid en compagnie de sa nouvelle dulcinée. La personnalité des oiseaux est démontrée, tout autant que l’implication de la personnalité dans la survie et la reproduction des individus. Comme le disent très bien ces deux chercheuses allemandes: Isidore et Robert ont de la personnalité, car leurs comportements remplissent les trois conditions (1) ils se comportements différemment des autres membres de leur espèce (faire apparaitre les mots « Différences individuelles »); (2) leurs comportements à chacun sont stables au cours de leur vie (faire apparaitre les mots « Stabilité temporelle »); et (3) Ces traits de personnalités sont les mêmes dans les différentes situations de vie (faire apparaitre les mots « Stabilité contextuelle ») : face à de la nourriture, face à un partenaire potentiel ou face à un danger, par exemple. Laissons Isidore et Robert et parlons à présent des mangoustes. Non Louis, ça c’est la langouste. Mangouste. Voilà c’est ça. La mangouste rayée, c’est un petit mammifère carnivore d’Afrique au corps allongé qui creuse la terre à l’aide de très longues griffes. Ils sont très sociaux. Et ces chercheurs-ci se sont beaucoup intéressé à leur traits de personnalité. Alors comme pour l’histoire d’Isidore et Robert, intéressons-nous de plus près à Chantal. Chantal vit dans une communauté établie sous une ancienne termitière. Avec ses congénères, elle y avait creusé un réseau complexe de tunnels et de chambres à coucher abritant aujourd’hui vingt-trois habitants. La petite communauté est d’ordinaire très soudée mais ces deux derniers jours, les tensions s’accumulent. Les mâles se chamaillent. C’est que le grand jour approche ! Chantal, comme les quelques autres femelles adultes seront bientôt prêtes à se reproduire, un événement qui survient tous les trois mois environ. Bon inutile de vous faire un dessin, mais c’est la fête dans les tunnels obscures pendant quelques heures. Si bien que trois mois plus tard, les petits naissent et les adultes ne savent plus où donner de la tête. Chantal a donné naissance à 4 petits, et elle n’est pas la seule, si bien que le nombre de mangoustes a, en quelques heures à peine, quasiment doublé dans les galeries souterraines ! Chaque femelle ayant donné naissance participe à l’allaitement des dizaines de nouveau-nés. Aucune distinction entre les bambins : s’il reste une mamelle libre, tout nouveau-né peut s’y nourrir à satiété. De leur côté, les mâles -qu’importe qu’ils soient ou non l’un des pères de ces petits, participent à l’effort. Quelques-uns jouent ainsi le rôle de babysitteurs : ceux-là se retrouvent dans une chambre obscure, entourés de la marmaille, et ils veillent à ce qu’aucun prédateur ne vienne jeter son dévolu sur les petits. D’autres mâles se chargent d’emmener les jeunes en âge de se déplacer en promenade hors des galeries creusées. Une fois en surface, ils surveillent les environs et donnent l’alerte en cas de danger. Ils leur indiquent comment attraper des mille-pattes, ils les toilettent et ne ratent pas l’occasion de se lancer dans des jeux. Les nouveau-nés passent ainsi de femelles à mâles, alternant activités de nourrissage, de gardiennage et de promenade. Habituellement, lorsque Chantal ôte ses mamelles des bouches affamées d’un groupe de nouveau-nés, elle s’attend à ce qu’un mâle vienne les prendre en charge. Sauf que … certains congénères mâles manifestent un peu moins d’enthousiasme que d’autres à lui venir en aide. Et ce n’est pas du tout lié au fait qu’ils ont été choisis comme père ou non cette saison-ci. Ni d’une quelconque forme de rancune d’ailleurs. Non c’est juste qu’il arrive très souvent de voir un mâle, parfois père de nombreux nouveaux bambins, détourner la tête lorsque son tour de garder les enfants arrive. A l’inverse, un mâle non sélectionné comme géniteur peut tout à fait se montrer particulièrement investi dans la surveillance et le jeu avec les jeunes. Point question de fatigue temporaire non plus. Ce sont toujours les mêmes qui font preuve de manque d’investissement. Car oui, les éthologues à la base de cette étude le confirment : il existe au sein des communautés de mangoustes, comme ailleurs, des individus paresseux et d’autres beaucoup plus enthousiasmés à l’idée de s’occuper des enfants. Cela fait partie des traits de personnalité bien observés et caractérisés chez les mangoustes. La question de la personnalité chez les animaux se pose dans la communauté scientifique depuis près d’un siècle, mais a pris un coup d’accélérateur ces dernières années. Et c’est passionnant. Aujourd’hui on est convaincu que les vertébrés ont de la personnalité, on vient de le voir avec des oiseaux et des mammifères. Mais qu’en est-il des invertébrés : insectes, vers, araignées ou limaces ont-ils eux aussi de la personnalité ? Présentent-ils les trois critères de « Différences comportementales individuelles » de « Stabilité temporelle » et de « Stabilité contextuelle » ? Et surtout, à quoi cela sert de s’intéresser à cette question ? Figure-toi que j’ai été étonné de découvrir des centaines d’études sur cette question. La personnalité est démontrée chez presque tous les groupes d’animaux invertébrés : il y a des Bernard l’Hermite plus ou moins audacieux, des crabes plus ou moins agressifs, des pucerons plus ou moins prudents, des abeilles plus ou moins assertives. Je t’en épingle une seule, une dernière menée cette fois sur la personnalité des mouchettes qui tournent autour de votre corbeille à fruit en été. Ces mouches qu’on appelle des drosophiles volent habituellement en directement de la lumière quand elles sont dérangées. Mais il arrive que certaines d’entre elles en décident autrement. Des individus mouches sont peu attirés par la lumière, et prennent une direction hésitante, alors que d’autres encore sont carrément repoussées par la lumière lorsqu’elles se mettent en vol. Et les chercheurs reviennent à la définition que je vous ai données tout à l’heure de la personnalité : ils démontrent que ces traits de caractères sont stables dans le temps (une mouche qui fuit la lumière la fuit toute sa vie) et sont indépendants du contexte. CQFD, les mouches ont de la personnalité. Alors à quoi cela sert de s’intéresser à la personnalité chez ce minuscule insecte. Et bien l’avantage c’est que l’on peut étudier les bases génétiques de la personnalité. Car on ne sait finalement pas très bien si la personnalité est codée dans les gènes. Si tu es une personne prudente ou bien obstinée est-ce inscrit dans ton génome ? et d’où cela provient-il au cours de l’évolution. Comment la personnalité se traduit-elle en réaction chimique dans notre corps ou comment a-t-elle évoluée au cours des derniers millénaires, tout cela reste un mystère. Et étudier ces questions à l’aide d’insectes rend les choses beaucoup plus simples, car les insectes nécessitent peu de ressources pour les multiplier et les étudier. D’autant plus qu’ils se reproduisent rapidement, en grand nombre et leur génome est bien connu. La société Ynsect, le géant Français de l’élevage d’insectes, est menacée de faillite. Et en lisant cette info je me suis posé cette question : Pourquoi il n’y a toujours pas d’insectes dans ton assiette ? Au début du siècle, les plus grands spécialistes prédisaient pourtant qu’ils seraient présents dans chacun de nos repas. Il y a peu, des études concluaient que les européens étaient enfin prêts à accueillir les insectes dans leur alimentation. On a d’ailleurs vu apparaitre des plats à base de vers de farine dans les rayons de nos supermarchés. Des entreprises d’élevage d’insectes ont soulevé des millions d’euros d’investissement. Des initiatives citoyennes se sont organisées pour démystifier le grillon ou le criquet sur un toast ou une pâtisserie. Résultat ? … aujourd’hui tu n’en manges pas plus qu’avant, nos supermarchés ne vendent presque pas ces produits, et des sociétés high tech comme Ynsect peinent à remplir leur carnet de commande, jusqu’à se voir menacées de faillite. On peut peut-être commencer par-là justement. La société Ynsect est donc en grande difficulté. La nouvelle a fait les gros titres de toutes les pages ‘économie’ à la fin de l’été. Il s’agit de l’une des plus célèbres et emblématiques stars de la French Tech. Elle produit des aliments à base d’insectes, destinés à l’alimentation animale et humaine. Mais voilà, elle vient de se placer sous procédure de sauvegarde : elle a donc un an pour trouver une solution à ses problèmes financiers. Elle avait pourtant levé plus de 550 millions d’euros depuis sa création en 2011 et promettait à l’époque une rapide rentabilité, grâce à un carnet de commandes bien rempli. Sauf qu’en 2022, la société n’a vendu que pour 568 000 euros de produits finis et a enregistré près de 90 millions de pertes. Fini l’euphorie, place au dur labeur de la restructuration. Ynsect s’est notamment spécialisé dans la production en masse de Ténébrions meuniers, que l’on appelle aussi vers de farine, ou Tenebrio molitor en latin. On parle de 45.000 mètres carrés tout de même, soit environ 8 terrains de football dédiés à l’élevage d’insectes. Ce Coléoptère n’est pas choisi par hasard évidemment, car ses qualités sont multiples. La principale sans doute c’est que ses larves sont très riches en protéines : on parle d’un taux de 60 à 70%. Mais l’insecte se reproduit aussi très vite et n’a pas de folles exigences pour se sentir bien et se reproduire dans les locaux d’élevage industriel, donc ça ne coute pas trop cher de le multiplier. Pour le nourrir, on peut lui offrir de nombreux déchets végétaux, issus par exemple de l’industrie agroalimentaire, qu’ils vont donc convertir très efficacement en protéines. En plus il n’a pas besoin d’apport en eau, puisqu’il est capable de récupérer l’eau contenue dans l'air atmosphérique et dans ses aliments, même s’ils sont très desséchés. Le tout pour un élevage relativement peu gourmand en énergie. A côté du ver de farine d’autres espèces sont couramment étudiées ou élevées dans un but de consommation, en raison aussi de leur profil nutritionnel intéressant, de leur facilité d’élevage, et un peu aussi de leur acceptation croissante par les consommateurs et les autres acteur du marché. Je retiens le grillon domestique (Acheta domesticus) et son goût subtil, proche de la noisette, qui le rendrait adaptés pour des snacks ou des farines protéinées. Le criquet migrateur (Locusta migratoria) car il a lui aussi une haute teneur en protéines. Et un petit gout de poulet grillé. Le petit ver de farine (Alphitobius diaperinus) ou ver Buffalo, dont le gout est plus neutre et qu’on destine surtout aux compléments alimentaires pour animaux. Et enfin la mouche soldat noire (Hermetia illucens), principalement élevée pour la production d’aliments pour animaux, notamment pour les poissons et les volailles. Soyons de bon compte, cette espèce a du potentiel pour la consommation humaine en raison de sa croissance rapide et de sa capacité à se nourrir de sous-produits organiques. Mais si l’aventure de la société Ynsect bat de l’aile, ce n’est pas tant à cause de leur choix de l’insecte à élever que de l’absence de demande de la part du marché, et donc de toi et moi. Pourtant je te le disais en introduction, elles étaient nombreuses les études scientifiques à annoncer que le consommateur était prêt à manger des insectes. D’ailleurs penses-tu que des investisseurs fortunés aurait misé leurs billes dans une nouvelle société high tech si on ne leur avait pas apporté -à l’époque- plein de garanties de succès ? Selon cette étude de 2014, les belges étaient près à franchir le cap. Et même s’ils ont montré une certaine hésitation à gouter les plats à base d’insectes qu’on leur a proposé, une majorité écrasante a annoncé avoir envie de cuisiner et consommer des insectes dans un futur proche. Le problème il est bien sûr dans la tête des européens. Car à l’échelle du globe, c’est 80% des humains qui mangent des insectes. En fait, tout le monde adore manger des insectes. Avec les nords-américains, on est littéralement les seuls à ne pas les considérer comme des aliments haut de gamme. Je t’assure, j’ai personnellement vécu deux situations qui le prouvent. Il y a quelques années j’ai eu l’occasion de gérer un beau projet de développement à Madagascar. Les Malgaches ont sur leur territoire plusieurs espèces de vers à soie. Les chenilles de ces papillons tissent leur chrysalide à l’aide d’un fil de soie. Autrefois l’extraction de la soie et la confection de tissus était une activité rentable qui permettait principalement aux femmes de retirer une source de revenu non négligeable. Mais en quelques décennie, l’insecte avait largement disparu des forêts des hauts plateaux. La faute bien sûr à la réduction des surfaces forestières mais aussi à la consommation des chenilles par les habitants. Alors que les parents partaient aux champs, les enfants étaient envoyés dans les forêts de Tapia pour collecter les chrysalides dans les arbres, chrysalides qui sont ensuite cuisinées ou revendues à prix d’or. Car ce sont de véritables délicatesses. Si le thème t’intéresse j’ai écrit un livre gratuit intitulé les « Vers à soie malgaches ». Au Mexique j’ai eu l’occasion d’observer la même adoration pour un insecte délicieux. Oui oui, je l’ai gouté. Dans le Sud du pays, les habitants attendent avec impatience la période d’essaimage de la fourmis Atta mexicana. Mâles et femelles prennent leur envol pendant 2 ou 3 jours par an pour se reproduire, avant de retomber au sol. Et là je t’assure que c’est chacun pour soi, tout le monde veut en récolter un maximum pour les manger ensuite en famille. Certains stockent même ces fourmis en sachets au congélateur, pour les revendre plus tard, quand plus personne n’en aura sous la main. Ils les font revenir dans une poêle avec un peu d’huile, de sel et de citron, et là c’est festin. D’ailleurs mon petit conseil : tiens-les par la tête et mange reste du corps. Dans la tête il y a les mandibules et c’est un peu coupant et ça reste entre les dents. Voilà je pourrais te citer des milliers d’exemples comme ces deux-là, car selon cette étude, on estime que sur Terre, 3000 groupes ethniques consomment en tout 2000 espèces d’insectes différentes. C’est beaucoup plus que les quelques espèces de mammifères que nous consommons en masse, comme la vache, le cochon ou le mouton. Il existe donc une énorme variété d’aliments que nous n’exploitons pas. Et ces gens, au Mexique, à Madagascar, au Laos … ils ne mangent pas des insectes parce qu’ils doivent, mais parce qu’ils les considèrent comme des mets délicieux et précieux. Les insectes en Europe ou aux USA, on en mange peut-être pas … juste par principe. Et bien selon Marcel Dicke, un collègue entomologiste et professeur à l’Université de Wageningen aux Pays-Bas, chaque année, chacun d’entre nous consommerait déjà, sans le savoir, environ 500 grammes d’insectes. Oui, un demi-kilo. Ces insectes se retrouvent coincés dans de nombreux aliments de notre quotidien : jus de fruits, légumes, farine, pain, gâteaux… mais c’est vrai, surtout dans des produits transformés ou emballés, plutôt que dans des produits frais et biologiques. Par exemple, un verre de jus d’orange peut légalement contenir quelques mouches des fruits, et un sachet de légumes surgelés peut contenir quant à lui contenir quelques dizaines de pucerons, voire quelques larves de chenilles. Les aliments en conserve, comme les tomates, contiennent des fragments d’insectes (pattes, têtes, thorax). Bien que ces résidus puissent surprendre, je te rassure, ils sont sans danger et même nutritifs. Tu vas me dire que c’est par accident, et je te répondrais que tu manges déjà des insectes volontairement. Des confiseries, du surimi ou l’alcool Campari. De nombreux aliments de couleur rouge sont ainsi colorés avec un petit insecte que l’on nomme cochenille. Le surimi c’est du poisson de couleur blanche qui est coloré avec du carmin, le colorant obtenus grâce à ces insectes qui vivent sur des cactus, et qu’on produit en centaines de tonnes au Pérou. Ce ne sont pas ceux qui mangent des insectes qui sont bizarres, mais nous en Europe, qui refusons d’en manger. La question qu’il faut se poser à présent c’est peut-on s’en passer ? Je ne t’apprends rien si je te dis que la population mondiale augmente. Et ce n’est pas linéaire. Ce n’est pas progressif. Non. C’est exponentiel. Début du 20ème siècle, nous étions 2 millions sur terre. 50 ans plus tard nous avions dépassé le 3 millions. En l’an 2000 nous étions à 6 millions d’humains, et on en prévoit 10 millions en 2050. En passant de 2 à 10 millions, notre population sera multipliée par 5 en 150 ans. Nous avons plus de bouches à nourrir et donc aussi, de moins en moins d’espace pour produire notre nourriture. Sans compter qu’on vit mieux et plus longtemps qu’il y a un siècle ou deux. On a aussi tendance à manger plus de viande. On estime qu’un américain mange en moyenne 120 kilogrammes de viande par an, dans les autres pays dits développés la moyenne se situe autour des 80 kilogrammes, alors que ce chiffre n’est que de 25 kg dans les pays en développement. Mais cette consommation explose aussi là-bas. Par exemple le chinois moyen est passé de 20 à 50 kg de viande par an en 20 années. Donc si tout le monde continue d’augmenter sa consommation de viande, alors on a un soucis. Aujourd’hui, 70% des surfaces agricoles dans le monde sont utilisées pour produire de la viande. Les prairies bien sûr, mais aussi les surfaces destinées à l’abatage, et la transformation de la viande. Mais cette surface va devoir augmenter donc. Que fait-on ? Doit-on continuer de déforester l’Amazonie pour agrandir les pâturages ? Même en sacrifiant la forêt amazonienne on n’y arrivera pas ! Car la demande en viande explose, et la population humaine aussi ! Il faut donc produire de la viande autrement. Oui parce que cet article n’est pas là pour faire l’apologie du végétarianisme, mais pour réfléchir à l’avenir de la production et la consommation des insectes. Avec 10 kg de ressources végétales, vous produisez 1kg de bœuf, 3 kg de porc, 5 kg de poulet et 9 kg de criquets. Avec 10 on pourrait faire 9, mais on décide de faire 1. On décide de ne pas saisir le bonus pour le moment. Donc si tu étais un entrepreneur, comme ceux qui ont créé la société Ynsect, qu’aurais-tu fait ? Tu aurais toi aussi opté pour le meilleur rendement, celui qu’offre les insectes. Et puis vient la question environnementale. Si on prend 10 kilogrammes de nourriture, et qu’on fabrique avec ces 10kg, 1 kg de bœuf, alors par logique nous produisons 9 kg de déchets. Des crottes de vaches en l’occurrence. Les insectes produisent donc peu de déchets, peu d’ammoniac et moins d’émission de gaz à effet de serre. Enfin on pourrait se demander si cette faillite à venir serait liée à la mauvaise qualité de la viande qui est produite par les insectes. Mais toutes les études démontrent le contraire. En termes de protéines, de types de graisses, de vitamines ou de calories, la viande d’insectes est comparable à la viande que nous consommons aujourd’hui. La chaire du vers de farine par exemple est riche en oméga 3, oméga 6 et en vitamine B12. On a parlé des maladies, véhiculées par les insectes, mais là encore l’argument ne tient pas. Car il est évident que les risques d’épizooties transmissibles à l’homme sont infiniment plus probables avec des élevages d’autres mammifères, comme le cochon ou la vache, qu’avec un insecte, qui ont beaucoup moins de chance de pouvoir accueillir des parasites qui peuvent nous infecter nous, à cause de leur grande distance phylogénétique avec les humains. Est-ce que c’est la législation européenne qui empêche le développement d’Ynsect, et globalement de l’entomophagie ? Non plus. Début 2021, l’EFSA, l’autorité européenne de sécurité des aliments avait conclu que les larves du vers de farine pouvaient être consommées sans danger « soit sous forme d’insecte entier séché, soit sous forme de poudre ». A la suite de ce feu vert, le 4 mai 2021, la Commission européenne a autorisé l’utilisation du ver de farine comme denrée alimentaire dans l’Union européenne, sous forme de poudre ou d’insectes séchés. C’est le premier insecte à bénéficier d’une telle autorisation. D’autres recevront aussi cette autorisation un peu plus tard, comme le grillon ou le criquet migrateur. Rappelant que comme tous les autres aliments, leur présence doit obligatoirement être mentionnée dans la liste d’ingrédients. Dans un dernier élan de contestation, tu pourrais me dire que tu n’en manges pas, car ils ne sont pas encore disponibles dans le commerce. Pourtant un peu partout en Europe, à l’image de la société Ynsect en France, la recherche avance, les entrepreneurs se multiplient, et les produits se développent et trouvent leur place dans certains rayons. D’ailleurs, dans la foulée de l’autorisation de l’usage du vers de farine dans l’alimentation humaine, Ynsect signait un partenariat avec une importante chaine de supermarchés autrichiens. Ikea compte bien en profiter aussi et innove dans certains de ses restaurants en proposant des aliments du futurs, où les insectes côtoient par exemple de la spiruline. Les arguments en faveur de la consommation d’insectes sont nombreux, et je ne te les ai sans doute pas tous cités. Si tu en avais d’autres en tête n’hésite surtout pas à les partager en commentaire pour en faire profiter tout le monde. Mais donc j’en reviens encore à cette question de départ, pourquoi la société Ynsect est en difficulté ? Pourquoi nous ne consommons pas d’insectes ? C’est culturel disent les spécialistes, depuis des décennies. C’est une question d’habitude, qu’il faut simplement parvenir à changer. D’ailleurs, nous mangeons déjà des aliments proches des insectes et que nous considérons comme des produits de luxe. Je te rappelle que les insectes font partie des Arthropodes, un embranchement d’animaux pourvu de pattes articulées, et d’une cuticule épaisse. Tout comme les crevettes, les homards, les écrevisses, les crabes … tu as une idée du prix au kilos de ces proches cousins des insectes ? Les criquets ne sont finalement que des crevettes terrestres si on les compare un peu. Sans doute qu’avant de voir des insectes entiers dans nos assiettes, nous verrons de plus en plus de protéines à base d’insectes faire leur place dans nos aliments transformés. Cette conversion se fait certainement à un rythme trop lent, et c’est ce qui plombe certainement les comptes des entreprises pionnières dans le domaine. Finalement, la seule raison qui nous rende frileux à l’idée de manger des insectes, c’est notre état d’esprit. Nos habitudes. Nous n’y sommes simplement pas habitués. Beaucoup d’insectes jouissent d’une mauvaise réputation. Peut-être parce que le cafard ou le moustique te dégouttent, ou t’agacent. Et cette image déteint sur tous les autres, en ce compris ceux qui s’insèreraient parfaitement dans notre alimentation. C’est sans doute aussi pour cette raison que sur cette chaine, je prends plaisir à te présenter les insectes sous leur beau jour, leur diversité, leur beauté, leur complexité et leur importance au fonctionnement de notre planète. Car sans les insectes nous ne serions pas présents sur cette planète, et je ne serais pas là à te faire cet article. S’ils disparaissent, nous disparaitrons. Par contre si nous disparaissons, eux continueront de vivre encore heureux. Donc nous devons nous faire à l’idée de manger des insectes. Les insectes nous ont permis de voir le jour sur cette planète et ils seront certainement aussi ceux qui nous permettront d’y rester encore au cours des siècles à venir. Voici ton histoire, et celle de toute l’humanité. Le Big Bang. Un cataclysme que l’on situe à -13,8 milliards d’années. Une éternité passe avant que des nuages de gaz et de poussières s’agglomèrent pour former la Terre et toutes les autres planètes du système solaire, il y a 4,5 milliards d’années. Aucune forme de vie n’est alors présente. Notre toute jeune planète est très différente du monde que nous connaissons : il n'y a pas d'océan et son atmosphère est totalement dépourvue d'oxygène. La Terre est sans cesse bombardée par des matériaux issus de la formation du système solaire. Ces bombardements provoquent des activités volcaniques permanentes. Les éléments les plus lourds s'enfoncent au centre de la planète pendant que les plus légers remontent à la surface. La Terre acquiert peu à peu la structure interne qu'on lui connaît aujourd'hui. Après une longue phase de refroidissement, les océans se forment. Mais il faut des centaines de millions d’années pour que les conditions deviennent propices à l’apparition de la vie. Qu’est-ce qui a déclenché le processus de combinaison des molécules inertes pour former des organismes vivants ? Le mystère n’est pas totalement élucidé. Selon l’une des théories, les molécules présentes sur Terre se seraient combinées selon leurs affinités chimiques et auraient donné naissance à des assemblages de molécules plus complexes. Ces assemblages se seraient associées pour former des acides aminés, eux-mêmes étant les éléments constitutifs des protéines. Puis ces éléments chimiques se sont retrouvés enfermé dans des cellules primitives, isolées dans des membranes simples. Quand seraient apparus ces premières formes de vie ? Les scientifiques débattent toujours sur cette question. On enseignait communément que les premiers êtres vivants seraient apparus entre - 3,8 et - 3,5 milliards d'années. Mais une étude toute récente datant de l’été 2024, avance l’âge de 4,2 milliards d’années pour LUCA, ou Last Universal Common Ancestror, dernier ancêtre commun universel. LUCA, c’est le nœud de l'arbre de la vie, à partir duquel deux groupes – deux domaines - de cellules procaryotes divergent : les Archées et les bactéries. Il s’agit évidemment d’un organisme important pour comprendre l’évolution de la vie sur terre et notre origine à nous également, car plantes et animaux proviennent probablement de l’évolution des archées. Des cellules dépourvues de noyau qui n’avaient à l’époque pas besoin d’oxygène pour se reproduire. Toutes ces bactéries sont donc les premiers êtres vivants à coloniser la Terre par les océans. Parmi elles, les cyanobactéries vont changer complètement la face du monde. Elles acquièrent la capacité de transformer le dioxyde de carbone de l'atmosphère en oxygène. Grâce à elles, l’atmosphère de l’époque se rapproche de l'atmosphère actuelle. Les premières cellules pourvues d’un noyau, qu’on appelle les eucaryotes, seraient apparues il y a 2 milliards d’années. Ces êtres unicellulaires évoluent progressivement vers des organismes complexes composés cette fois de plusieurs cellules et vivant bien sur toujours dans les océans. Au fil du temps, la taille de ces organismes augmente, avec une véritable explosion de diversité : méduses, algues, éponges, vers et champignons peuplent les océans il y a 600 millions d’années. Lors du précambrien, il y a environ 540 millions d’années, se produit un chamboulement énorme pour la vie animale. Sans doute la période la plus importante. On parle de l'explosion cambrienne. Explosion. Pour souligner à quel point l'apparition de nombreuses formes de vie animale sera rapide, à l’échelle de l’histoire de notre planète bien sur. En quelques millions d’années apparaissent les premiers animaux dotés de pattes articulées et ceux doté d'un squelette. Les premiers vertébrés apparaissent sous la forme de poissons primitifs. Il faudra attendre 100 millions d’années de plus pour voir apparaitre les premières traces de plantes et d'animaux terrestres, terre ferme que les insectes et les acariens vont coloniser. Il y a 250 millions d’années apparaissent les reptiles, et à partir des reptiles apparaissent peu après les premiers mammifères, dont le sang est chaud et le corps recouvert de poils. Le soucis, c’est qu’à cette époque, ce sont les dinosaures qui sont les rois et qui monopolisent toutes les niches écologiques. Les mammifères restent donc cantonnés dans les rares niches laissées libres en attendant leur heure. Ils se sont montrés patient les petits mammifères de l’époque, car le règne des dinosaures a duré 200 millions d’année, jusqu’à leur extinction il y a 65 millions d'années. La place était libérée, et il faudra peu de temps aux mammifères pour prendre peu à peu possession du terrain, et engendrer les primates et les premiers singes vers -55 millions d'années. De grands bouleversements climatiques surviennent alors et affectent la Terre. Les primates disparaissent des continents de l'hémisphère Nord, et seuls ceux provenant des régions tropicales du globe survivent aux changements de température. Vers –35 millions d'années, les premiers singes modernes apparaissent. Grâce à leur capacité d'adaptation, ils évoluent en de multiples espèces qui finissent par occuper plusieurs niches écologiques. Parmi eux, on trouve les hominoïdes, ancêtres communs aux hommes, aux chimpanzés et aux gorilles. Entre -20 et -10 millions d'années, on les nomme notamment proconsuls. Ils sont pourvus d’une épaisse fourrure et sont parfaitement adaptés à une vie arboricole. Leur poids avoisinait les 18 kilos, et sur base de leurs dents on déduit qu’ils se nourrissent principalement de fruits, qu’ils attrapaient grâce à leurs très longs bras. Même s’il n’est pas exclu qu’ils mangeaient aussi des petits animaux. A cette époque déjà, ces singes n’avaient plus de queue. Ils ne pouvaient donc se suspendre aisément aux branches et préféraient rechercher leur nourriture en s’y déplaçant à quatre pattes. Ces grands singes se dispersent hors d'Afrique, vers -16 millions d’années. À la suite d’un nouveau changement climatique, les hominoïdes des zones tropicales sont les seuls à s'accommoder des nouvelles conditions de vie. Pour s’adapter ils doivent apprendre à se déplacer au sol et à y chercher leur nourriture. Je vous parlais justement dans une récente vidéo de leur rencontre avec l’alcool, et des adaptations qu’ils ont dû subir pour survivre. Il y a 8 millions d'années, les grands singes hominoïdes vivent à l'est du continent africain, dans une région largement boisée. Cette région entre alors dans une instabilité géologique du fait des pressions exercées sur les plaques tectoniques. Les climats des deux côtés du rift sont complètement différents : humide avec des forêts à l'ouest, plus sec avec la formation des savanes à l'est. Cette séparation serait-elle à l’origine de la séparation des lignées des Hommes et celles des grands singes ? Comme souvent, il reste des inconnues. On nomme en tout cas cette hypothèse l'East Side Story. Elle a été popularisée début des année 80 par le Français Yves Coppens et elle suppose que les ancêtres des grands singes sont nés à l'ouest dans les arbres, et ceux de l'homme à l'est dans la savane. Ce modèle est cependant bouleversé par les découvertes d'Australopithecus bahrelghazali (qu’on surnomme Abel) et de Sahelanthropus tchadensis (qu’on surnomme Toumai). Ces deux squelettes sont retrouvés au Tchad début des années 2000. On est à 2500 km à l'ouest du rift. Des préhumains à l’ouest, ça met du plomb dans l’aile de la théorie de Coppens. L’East Side Story est mise à mal. Toumai vivait en Afrique il y a 7 millions d’années. Son squelette justifie qu’on le considère comme appartenant à la branche humaine, et non celle des chimpanzés ou des gorilles. Aujourd’hui, les nouvelles théories repoussent beaucoup plus loin la séparation des lignées hommes et grands singes, au lieu de -8 millions d’années, on serait plutôt autour des -13 millions d'années. Si Toumai appartenait au genre Sahelanthropus, Abel lui était un Australopithèque. Il s’agit de singes bipèdes, qui se dressent donc en permanence sur leurs membres inférieurs. Les premières traces des australopithèques datent de 4 millions d'années. On en reconnaît plusieurs espèces, typiquement de 6 à 8, car toutes ne sont pas acceptées par les chercheurs. Lucy, ou Australopithecus afarensis, l’un des fossiles les plus célèbres au monde, a longtemps été considérée comme un ancêtre directe de l'Homme, mais ce n’est plus du tout accepté aujourd’hui. Les Australopithèque sont aujourd’hui considérés comme une lignée très proche mais parallèle à celle des humains modernes. L'acquisition de la bipédie représente en tout cas une belle première étape de l'hominisation. Viendra ensuite la seconde, celle de l'accroissement du cerveau qui caractérise le genre humains. Les Australopithèques utilisaient des outils de pierre pour casser des noix, mais il semble qu’ils ne taillaient pas intentionnellement les pierres pour s'en servir. Vers -2,8 millions d'années, des changements climatiques et environnementaux -encore- marquent la disparition des australopithèques et l'émergence parallèle des paranthropes et surtout, des premières espèces du genre Homo, notamment Homo rudolfensis et Homo habilis. Ces derniers sont toujours bipèdes, mais leurs jambes sont courtes donc ils n’étaient sans doute pas de bons marcheurs. Rapidement ensuite arrive sur scène Homo ergaster. Voilà trois espèces du genre Homo qui cohabite donc, ce qui démontre que l'évolution de l’Homme est buissonnante et non linéaire. Ergaster lui est souvent perçu comme un conquérant qui découvre le monde. Il vivait en Afrique entre -1,9 et -1 million d'années avant notre ère. Il présente de nombreux caractères qui annoncent l'homme moderne et s'affranchit véritablement du monde des arbres. C'est un bipède accompli et lui est un excellent marcheur capable de courir sur de longues distances. Au gré de ses déplacements et des glaciations, le corps d'Homo ergaster évolue et s'adapte aux voyages. Il se distingue comme un bon chasseur, capable de traquer et de tuer du gros gibier. C'est d’ailleurs le premier homme à être équipé d'une panoplie d'armes de chasse. Les plus anciens de ces outils taillés sur leurs deux faces se trouvent en Afrique et datent de - 1,6 million d'années. On les nomme des bifaces, ce sont les premiers silex entièrement façonnés avec soin, de façon symétrique. La maîtrise de ces outils et son envie de consommation de la viande poussent Ergaster à s'aventurer dans des territoires inconnus. Homo ergaster est sans doute à l'origine du peuplement d'Homo erectus en Europe et en Asie. Homo erectus apparaît sur la scène de l'évolution il y a 1,7 million d'années. Son corps et les proportions de ses membres ont beaucoup de similitudes avec ceux de l'homme moderne. Ce nouvel Homme se tient bien droit, son allure générale et sa démarche ne sont pas très différentes des nôtres. Homo erectus est un cueilleur de fruits et de racines. Il est aussi charognard, mais sa principale ressource en viande reste la chasse. Au fil des millénaires, Homo erectus améliore ses techniques de taille des pierres et étend la gamme de ses outils : il réalise par exemple les premiers hachereaux. II peut également confectionner des lieux de vie, avec des branchages recouverts d'un revêtement de feuilles et de peaux de bêtes. Homo erectus est le premier homme à avoir domestiqué le feu. Grâce à lui, ses conditions de vie s'améliorent, il peut cuire les aliments et utiliser le feu pour se protéger du froid ou des prédateurs. Trois grandes populations d'Homo erectus se partagent la Terre il y a 800 000 ans. L'une est installée en Afrique, une autre en Asie et une troisième en Europe. Laissons Homo erectus sur le côté un instant si tu veux bien, car il y a environ 300.000 ans les hommes de Neandertal apparaissent sur la scène de l'évolution, en parallèle donc des espèces de pré-humains. Depuis la découverte des premiers néandertaliens en 1856, leur statut a souvent varié : un temps considéré comme une sous-espèce d'Homo sapiens et nommé donc à une époque Homo sapiens neanderthalensis. Il est aujourd'hui considéré comme une espèce à part entière nommée Homo neanderthalensis. Les hommes de Neandertal semblent être issus du métissage de différentes formes d'erectus africains ou asiatiques. Ils ont un visage différent de celui de l'homme moderne. Le crâne apparaît plus bombé au niveau du front, le visage est plus large et accentué par un front fuyant et un menton presque absent. La charpente osseuse de Neandertal est robuste. Pour la chasse, ils utilisent de lourds épieux en bois, longs de 2 m, et parfois garnis de pointes en pierre ou bien durcis par le feu à leur extrémité. Les Hommes de Neandertal se répandent progressivement dans toute l'Europe et l'Asie occidentale environ 200 000 ans avant notre ère. Mais arrivés au Moyen-Orient, les néandertaliens ne sont pas seuls. Ils rencontrent d'autres hommes, les prédécesseurs directs des hommes de Cro-Magnon, appelés les « proto-Cro-Magnon ». Ils ont des cultures assez proches et de nombreux points communs, comme la chasse et les autres moyens de subsistance. Si on a peu d'indices sur la nature de la cohabitation entre les deux espèces, il n'est pas difficile d'imaginer que ces deux espèces soient entrées en concurrence. Et cette concurrence a sans doute été l’un des facteurs de la disparition des Néandertaliens, il y a 35 à 40 milles ans environ. Il y a quelques semaines, une nouvelle recherche menée par le français Ludovic Slimak nous présentait 31 dents et plusieurs morceaux de mâchoire, ayant appartenu à l’un des derniers néandertaliens à avoir vécu sur le continent européen. Ils l’ont baptisé Thorin, en référence au personnage du roman de Tolkien Bilbo le Hobbit. Ludovic Slimak justifie cet hommage en déclarant "Le Thorin de Tolkien est un des derniers rois nains sous la montagne, un des derniers de sa lignée. Le Thorin que nous avons découvert, lui, figure parmi les derniers néandertaliens." Je reviens à Homo erectus à présent. Il a émigré de l'Afrique vers l'Asie il y a 2 millions d'années. Puis une deuxième vague d'immigration s’est produite vers l'Europe 1 million d'années plus tard. Tout le monde n’est pas d’accord lorsqu’il s’agit de reconstituer un scénario plausible, de l’émergence de l’Homme moderne dans le temps et aussi dans l’espace. Je parle donc bien d’Homo sapiens, l’espèce à laquelle nous appartenons. Plusieurs théories s’affrontent depuis des décennies pour expliquer les origines de l’homme moderne :
Il y a environ 100 000 ans, les hommes sont donc présents en Afrique, en Asie et en Europe. Chaque population présente des différences locales, mais elles sont toutes comparables les unes aux autres. Au fil de leurs voyages, ces humains rencontrent des populations dispersées et peu nombreuses. Ils les supplantent facilement grâce à leur organisation et leurs aptitudes morphologiques. On estime que les premiers hommes sont arrivés sur le continent américain il y a environ 35 000 ans par voie terrestre. 20 000 ans plus tard, l'Amérique est peuplée du nord au sud. Il y a 20 000 ans, les Homo sapiens finissent par habiter sur tous les continents. Ils ne diffèrent pas plus entre eux que les différents hommes actuels qui peuplent notre planète. En Europe, c'est l'homme de Cro-Magnon qui s'installe vers -40 000 ans. Cro-Magnon est un homme anatomiquement moderne, de grande taille, on estime qu’il vivait jusque l’âge de 30 ou 35 ans. Il est sans doute le premier à se donner le temps de développer la dimension culturelle de la vie. C’est à lui que l’on doit les premières expressions d’art pariétal, notamment observables aux grottes de Lascaux ou de Chauvet. Ses outils et armes sont variées : grattoirs, burins, pointes de projectiles, armatures. Il incorpore l'os et l'ivoire dans de petits objets domestiques. Il développe sa maîtrise du feu, en maîtrisant les températures de combustion et en variant ses utilisations pour la cuisine. Il occupe des grottes lorsqu'il en trouve, ou bien il aménage des tentes ou des huttes dans des sites de plein air. La suite de l’histoire est pleine d’innovations culturelles et technologiques, dont on peut parler une prochaine fois si cela t’intéresse. Voici un pinson. Et c’est un vampire. Ses ancêtres, sans doute, ont été amenés sur cette île par de forts vents tempétueux … il y a plusieurs siècles. Comme la plupart des pinsons, ils se nourrissent de graines, de nectar et d'insectes. Mais sur ces terres-ci, il y a fort peu de nourriture. Et comme ils ne sont pas assez forts pour quitter l'île, ils ont dû exploiter des sources de nourriture … fort inhabituelle pour ce groupe d’oiseaux. Ils dépendent d'un autre habitant de l'île. Les fous de Nazca.
On va découvrir ensemble 3 espèces animales qui ont inventé l’agriculture et l’élevage bien avant les humains. Voilà, nous ça fait 10.000 ans, mais eux ça fait sans doute plusieurs millions d’années. Ces animaux font de la sélection variétale, ils défrichent, irriguent, stimulent, protègent leurs plantes ou leur bétail. J’ai épluché la littérature scientifique pour toi, et je te raconte ces découvertes tout de suite ! Et je commence par une découverte étonnante qui date de 2022, réalisée par deux éthologues américains dans l’état de l’Alabama, dans le Sud des Etats-Unis. L’animal étudié c’est le gaufre. Désolé si je t’ai donné faim, mais rien à voir avec la pâtisserie sur laquelle tu répands de la chantilly ou du chocolat fondu. Non le gaufre à poche c’est un rongeur, d’une 20aine de centimètres et qui a l’allure d’un hamster. On l’appelle comme ça car il possède de grandes poches situées de chaque côté de sa bouche, des poches qu'il utilise pour transporter de la nourriture pendant qu’il creuse le sol. Car oui, cette petite bête vit principalement sous terre. Résultat, l’évolution ne lui a laissé que de toutes petites oreilles et de tout petits yeux. Il creuse des réseaux de tunnels relativement complexes grâce à ses pattes et ses très longues incisives, qui ont la particularité de pousser continuellement, pour compenser l’usure. Des tunnels pouvant faire jusqu’à deux mètres de longs. Et selon des chercheurs américains, il s’agirait du premier mammifère non humain à avoir adopté des techniques agricoles. C’est d’ailleurs bon que je rappelle que l’agriculture, nous, on l’a inventée il y a environ 10.000 ans, à peu près simultanément en plusieurs endroits du monde, à une période où on a troqué nos habitudes de chasseurs cueilleurs nomades pour une vie plus sédentaire. On estime que l’agriculture apparait dès l’instant où hommes et femmes plantent en terre, volontairement, les graines des plantes qu’ils souhaitent voir germer. Au Proche-Orient, les humains font pousser l’orge et le blé ; plus tard le maïs apparait au Mexique, alors qu’en Chine débute la culture du millet et du soja. Puis avec le temps nos techniques se perfectionnent, nos outils deviennent de plus en plus volumineux, mais aussi plus efficaces. Je ferme la parenthèse et je reviens à notre rongeur tellurique. Le gaufre est un solitaire, et plutôt casanier, parce qu’il n’aime pas du tout sortir de ses galeries. Mais soucis : dans ses galeries, la nourriture est rare. Et lui il a faim, car remuer et déplacer de la terre demande de gros efforts et donc une alimentation riche et abondante. Il pourrait sortir à la surface et y chercher à manger, disent les scientifiques, qui ont d’ailleurs estimé que creuser une galerie pour rechercher de la nourriture c’est 3000x plus couteux en énergie que de se promener à l’air libre. Alors pourquoi reste-t-il sous terre ? Et comment comble-t-il ses besoins alimentaires ? Il reste sous terre déjà parce que dehors il y a plein de prédateurs qui ne demandent pas mieux que de l’attraper. Mais surtout, parce que le gaufre tire une bonne partie de ses ressources dans l’agriculture. A chaque fois qu’il découvre un nouveau lot de racines à l’allure appétissantes, le rongeur doit prendre la même décision difficile : les consommer directement, ou bien les cultiver pour en tirer -à terme- un repas plus consistant et durable. Il ne choisit pas les racines qu’il cultive au hasard, non, il sélectionne celles qui ont le plus de potentiel ! Ensuite, il passe sa journée à aménager une grande salle de culture tout autour des racines qu’il vient de découvrir. Au lieu d’une galerie étroite, la salle devient suffisamment large que pour permettre au gaufre de se retourner et même de se dresser sur ses pattes. Les racines découvertes finissent par pendre au plafond de cette belle grande salle. Le rongeur se rend ensuite dans les galeries voisines et gratte les parois de celles-ci pour les élargir un peu plus qu’à l’accoutumée, et faire en sorte que la chambre de culture soit bien aérée, ce qui favorise la minéralisation des nutriments et donc croissance de ses précieuses racines. Mais ce n’est pas tout ! Contrairement aux autres rongeurs telluriques qui lui ressemblent, le gaufre lui, ne s’aménage pas de toilettes dans ses galeries. Non, il préfère déposer ses excréments dans sa salle de culture, afin de fertiliser le sol et de doper la croissance de sa culture de racines. Autre pratique étonnante, il prélève régulièrement une petite part de sa production pour sa consommation personnelle. Mais en coupant ainsi de petits morceaux de racines, ce qu’il fait c’est qu’il stimule le développement de nouvelles radicelles et encourage le végétal à lui produire encore plus de nourriture. Bien sûr, sa production n’est pas suffisante pour couvrir l’ensemble de ses besoins nutritionnels. Mais on pourrait dire qu’elle ajoute du beurre à ses épinards et réduit la nécessité de devoir se rendre à la surface pour prélever de quoi manger. Nos deux scientifiques estiment que la production agricole du gaufre couvre de 20% à 60% de ses besoins nutritionnels. Et le reste alors ? Et bien il le prélève en mangeant certaines racines et tubercules très nutritifs, qu’il va chercher près de la surface et qu’il tire vers ses galeries. Les gaufres sont à ce jour, les seuls mammifères non humains connus à pratiquer l’agriculture. Par transparence, je précise que certains scientifiques critiquent cette affirmation, et pensent qu’on ne peut pas vraiment parler d’agriculture, car les gaufres ne sèment pas eux-mêmes leurs graines. Dis-moi en commentaire si tu penses qu’on peut parler d’agriculture dans ce cas-ci. C’était mon premier agriculteur du jour. Ne bouge pas, car les deux suivants valent aussi le coup. A présent, on quitte l’Alabama et on se rend au Texas. Un état où le coton, le blé et le maïs poussent un peu partout. Mais, des milliards d’agriculteurs vivent et pratiquent leur métier sous terre à nouveau ! Il s’agit des fourmis champignonnistes, de l’espèce Atta mexicana. Tout débute par une reine qui s’attèle à la construction d’un ranch souterrain. En début de saison, elle n’a aucun sujet sur qui régner, mais bientôt elle aura sous ses ordres des dizaines de milliers de soldates et d’ouvrières. En attendant elle creuse seule les premières galeries dans le sol, et dépose ses premiers œufs dans une chambre aménagée spécialement pour les accueillir. Sa descendance, la reine devra très bientôt la nourrir. Pour cela, elle mise tout sur le trésor qu’elle conserve dans une poche localisée près de sa bouche. Car en quittant la colonie qui l’a vue naitre, il y a quelques jours à peine, elle a pris soin d’emporter quelques spores d’un champignon à la valeur inestimable, sélectionné depuis des générations par ses ancêtres. Ces « graines » microscopiques nourriront bientôt ses milliers d’enfants, à condition de les cultiver avec soin. La reine des fourmis décide de ne pas manger ces spores, mais plutôt de les déposer dans une salle sous terraine qu’elle a spécialement aménagée au bout d’un couloir pour les accueillir. Pour ne pas laisser dépérir ce trésor vivant, la monarque quitte ses galeries et prend la direction d’un buisson voisin. A l’aide de ses puissantes mandibules, elle y coupe une jeune feuille qu’elle charge sur son dos. La reine tient fermement son butin en bouche, et se dirige en direction de l’entrée de son futur royaume. Son voyage retour est un peu plus lent que le trajet aller car le végétal qu’elle transporte pèse près de vingt fois son propre poids ! Elle retourne dans la salle de culture, elle découpe la feuille en plus petits morceaux, qu’elle dépose délicatement sur les spores du champignon. Et il n’y a plus qu’à attendre. Car bientôt, le champignon décomposera le végétal, en fera une bouillie riche en tous les nutriments dont la fourmi raffole. Mais à condition d’en prendre soin ! Il ne faudrait pas qu’une bactérie vienne infecter ce précieux champignon. Ce basidiomycète a beau avoir été domestiqué il y a fort longtemps par ses ancêtres pour son rendement et sa résistance aux maladies, la jeune reine ne souhaite prendre aucun risque. Si elle le perd, c’en est fini de ses rêves de grandeur et de monarchie. Alors elle fabrique et dépose ses propres substances antibiotiques qu’elle répand sur sa culture, la protégeant ainsi des infections. En quelques semaines, l’exploitation agricole des champignonnistes atteint une échelle industrielle ! La colonie compte des milliers d’individus. Des ouvrières collecteuses arpentent les buissons du voisinage pour découper les feuilles nécessaires à la culture fongique. Chargée des feuilles, elles pénètrent dans la colonie, sous l’œil attentif des soldates qui gardent l’entrée. Les collecteuses confient les feuilles aux cultivatrices, une caste de petites fourmis qui ne quittent jamais les salles obscures de cultures de champignons. Des salles qui sont d’ailleurs entretenue par d’autres ouvrières, des maçonnes, grâce auxquelles ces salles sont sophistiquées et climatisées, afin d’offrir un milieu de croissance idéal au champignon, le protégeant du chaud, du froid de l’humidité et des bactéries infectieuses. Malheureusement, cette activité agricole génère également de nombreux déchets. Ceux-ci sont donc pris en charge par des ouvrières plus âgées, qui les déversent au sein d’une décharge à ordures, installée à proximité de la colonie. Là-bas, les fourmis recycleuses sont chargées de mélanger constamment le tas de détritus afin d’accélérer leur décomposition. On a donc une espèce de fourmi qui a sélectionné une souche de champignon depuis des millénaires. Qui le fait pousser en lui offrant des fertilisants, qui maitrise les conditions de cultures et qui gère les déchets liés à la production. C’est pas mal non ? Je n’ai pas encore parlé d’animaux qui élèvent d’autres animaux pour en tirer des ressources, exactement comme on élève des vaches pour leur lait. Alors les amis voici un 3ème exemple d’espèce animale, qui pratique donc l’élevage. Si vous êtes fidèles à la chaine vous n’allez pas être surpris de la découvrir. Il s’agit d’une autre espèce de fourmi nommée fourmi de feu. Elle, on la retrouve à la surface installée sur un plant de coton. Car sur le plan de coton se développe de manière complètement anarchique une colonie de pucerons du coton ! Ces petits insectes boivent la sève qui coule dans les tiges et feuilles de la plante, pour collecter les nutriments précieux qui s’y trouvent et dont ils ont besoin. Ces gloutons produisent des tonnes de déjections qu’on appelle du miellat, un liquide très riche en sucres. Et les fourmis de feu raffolent de ces sucres. Si bien qu’au lieu de manger les pucerons (qu’elles raffolent aussi), elles préfèrent en faire l’élevage. Elles les protègent contre leurs prédateurs, comme les coccinelles. Elles entretiennent la propreté dans leur élevage de pucerons. Qui sont des gros dégueulasses. Et dans cette étude qui date de 2021, les chercheurs ont démontré que les fourmis produisent une phéromone -une odeur si tu veux- qui est perçue par les antennes des pucerons. Et lorsqu’ils sentent cette odeur de fourmis, les pucerons se déplacent beaucoup moins. Déjà qu’ils ne bougent pas beaucoup, mais là c’est une immobilité encore plus immobile. Ce qui fait l’affaire des fourmis, car un troupeau qui se disperse moins, c’est un troupeau plus facile à protéger. En plus, cette odeur pousse les pucerons à se reproduire encore plus rapidement qu’à l’accoutumée. Un bétail qui fait plus de bébé quand l’éleveur est dans le coin, que demander de plus ? Nos fourmis éleveuse collectent le miellat que leur bétail produit directement à la source, donc … à leur anus. Elles viennent tapoter sur le derrière des pucerons qui en réponse leur défèquent dans la bouche. Les fourmis stockent alors ce miellat dans leur système digestif et le ramènent à la colonie, pour nourrir toutes leurs sœurs qui y sont restées pour s’occuper des petits ou des tâches ménagères. Avec les gaufres à poches et ces deux espèces de fourmis, on vient de découvrir des animaux qui ont développé il y a des millions d’années, des techniques agricoles sophistiquées, et ce, bien avant la sédentarisation de l’Homme. La démocratie aurait-elle été inventée par les humains il y a 2500 ans ? Et bien non. Car pour certaines espèces animales, consulter l’avis des autres membres du groupe avant de prendre une décision importante, c’est non seulement naturel, mais aussi très efficace. On va découvrir ensemble des communautés animales organisées comme des dictatures, mais d’autres aussi qui fonctionnent comme des démocraties. On verra que pour certaines, les groupes sont dirigés par des despotes, qui se font tout de même conseiller avant de prendre leur décision. Pour d’autres animaux, les décisions sont prises collectivement via l’organisation d’un scrutin. Et que chez certaines espèces il existe des influenceurs, qui mènent campagne afin d’impacter l’opinion et le vote de leurs congénères. Je parlais à l’instant de despotisme. Un système despotique impliquerait un groupe dans lequel un ou quelques dominants seraient les seuls à décider de tout. Cela ne fonctionnerait pas car les autres membres du groupe finiraient par quitter. Sauf bien sûr s’il y a des punitions ou des châtiments infligés aux individus dissidents. Et c’est exactement ce qui se passe dans une colonie de rat-taupe nus. Le rat-taupe nu (Heterocephalus glaber) est un animal fascinant qui vit dans les régions arides de l'Afrique de l'Est, principalement en Éthiopie, au Kenya et en Somalie. Ce petit mammifère fouisseur a une apparence peu conventionnelle, car il vit sous terre dans de vastes réseaux de tunnels qu’il creuse avec ses dents puissantes. Sa peau presque translucide et dépourvue de poils lui a valu son nom singulier. Le rat-taupe nu se nourrit principalement de tubercules et de racines, qu'il trouve en creusant dans le sol. L’une des particularités les plus remarquables de cet animal est l’organisation de sa colonie, qui fonctionne de manière similaire à celle des insectes sociaux comme les abeilles ou les fourmis. La colonie est dirigée par une seule femelle reproductrice, la reine, qui est la seule à se reproduire. Tous les autres membres de la colonie sont répartis en castes, avec des ouvriers qui s’occupent des tâches quotidiennes, et des soldats chargés de défendre la colonie. Ce système hiérarchisé strict et centré autour de la reine est un parfait exemple de despotisme animal, où un individu domine tous les autres. La reine maintient sa domination de plusieurs manières. Par la force physique tout d’abord, puisqu’elle se montre agressive envers les autres membres de la colonie, qu'elle bouscule et mord pour réaffirmer sa position dominante. Mais selon les chercheurs, elle est plus douce envers les membres de sa famille, ou envers les membres de sa colonie qui travaillent dur. Ensuite elle émet des phéromones, des substances chimiques odorantes qui inhibent la reproduction des autres femelles. En d'autres termes, tant qu'une femelle reste exposée aux phéromones de la reine, elle ne peut pas se reproduire. Cela garantit que seule la reine a des descendants. Les ouvriers et les soldats sont donc majoritairement ses descendants et lui sont plus fidèles. Mais dans certains groupes d’animaux, on peut retrouver de meilleurs leaders, qui écoutent l’avis des autres. Des leaders qui en quelques sortes s’entourent d’un groupe restreint de conseillers qu’ils se choisissent. C’est le cas des gorilles, chez qui la structure sociale repose en grande partie sur un leadership centralisé incarné par le dos argenté. Il s’agit d’un mâle qui dispose d’une bande argentée sur son dos à mesure qu'il vieillit, un signe de maturité et de statut élevé. Le dos argenté joue un rôle central dans la vie du groupe, car il décide quand et où le groupe se déplace pour chercher de la nourriture, se reposer ou se protéger. Les autres membres du groupe suivent. Le pouvoir ne va pas sans des responsabilités, si bien que ce grand mâle est le principal défenseur du groupe. Si des menaces extérieures, comme des prédateurs ou d'autres groupes de gorilles, s'approchent, c'est lui qui décide de la réaction du groupe, et qui se retrouve aux premières lignes du combat. Et enfin il est chargé d’apaiser les tensions qui apparaissent parfois entre membres. Bien que le dos argenté soit l'autorité principale, les comportements de déplacements du groupe sont décidés après consultation d’un groupe de femelles adultes qui peuvent parfois influencer ses décisions. Les chercheurs ont démontré que le dos argenté adapte ses décisions de leader en fonction des grognements formulés par ces femelles. A côté de ces systèmes despotiques on retrouve plusieurs espèces animales qui organisent fort bien leur décisions collectives sans avoir besoin d’aucun leader. Mais ça ne veut pas toujours dire que c’est optimal ni que ce serait efficace pour toutes les espèces animales. Prenons l’exemple des harengs (Clupea harengus). Les harengs forment d'immenses bancs, parfois composés de milliers voire de millions d'individus. Lorsqu'ils se déplacent en groupe, ils ne suivent pas un leader. Au lieu de cela, chaque poisson ajuste son comportement en fonction des poissons qui l'entourent. Ce processus est guidé par trois règles simples : (1) Chaque poisson reste proche de ses voisins immédiats ; (2) Les harengs ajustent constamment leur direction en fonction de la moyenne des orientations des poissons autour d'eux. Ce qui donne l'impression d'un mouvement fluide et synchronisé.et (3) les harengs font en sorte d’éviter les collisions en gardant toujours une petite distance avec le voisin. Résultat, une auto organisation qui aident ces poissons à se protéger contre leurs prédateurs, parfois impressionnés par le nombre, mais aussi qui réduit l’énergie dépensée pour se déplacer car les poissons profitent de l'effet de réduction de la résistance de l'eau générée par les mouvements des autres poissons. Mais ce serait mentir que de parler d’un système démocratique chez ces poissons. Pourtant des groupes d’animaux où les membres expriment constamment leur opinion et impacte la décision collective, il y en a plein ! Les éthologues ont notamment observé cela chez les cygnes, les lycaons, les macaques, les zèbres ou encore les bisons. Avec, à chaque fois, des méthodologies spécifiques d’expression des opinions. Mais chez toutes ces espèces il y a un point commun : pour prendre une décision collective il faut atteindre un quorum, un seuil qui varie selon la taille du groupe et le nombre de choix existants. On va donc découvrir ensemble les systèmes démocratiques mis en place par certains animaux : Comment votent-ils ? Quel quorum doivent-ils atteindre ? Et quel est le rôle joué par les influenceurs ? On a longtemps cru que la démocratie était l’apanage de l’espèce humaine. De grands penseurs de la Grèce antique ont formalisé les premières ébauches de démocratie pour nos sociétés il y a plus de 2500 ans. Résultats, aujourd’hui nos décisions collectives sont souvent prises selon un système démocratique où chacun exprime son avis qui est pris en compte par la collective. Qu’il s’agisse d’élire le président de la République ou de choisir un restaurant pour un dîner entre amis. Pourtant il apparait clair pour les spécialistes du comportement animal que des processus semblables existaient bien avant cette époque pour plusieurs autres espèces animales. On n’était clairement pas les premier à inventer le vote démocratique, qui n’est donc pas la démonstration de notre très haut degré de civilisation. Il s’agirait plutôt d’une tendance naturelle, voire animale ! Il faut dire que pour les animaux sociaux, rester groupés est une question de survie. On l’a vu plus tôt, être nombreux présente l’avantage de diminuer nettement le risque de prédation. Même si cela comporte aussi quelques inconvénients, comme la transmission des maladies ou la compétition pour les ressources. Agir seul, à part du groupe, sans tenir compte des avis des autres, c’est s’exposer à de nombreux risques. Dans les sociétés libérales humaines aussi, les individus ont le droit de faire leurs propres choix concernant leur vie, tant qu'ils ne nuisent pas aux autres. L’enjeu individuel, dans la vie en société, c’est de réussir à répondre à ses propres besoins tout en bénéficiant de la présence des autres et des avantages qu’offre la structure du groupe. Et la tentation est forte, pour les humains comme pour les autres animaux, à faire bande à part. Selon les éthologues, les rebelles qui tenteraient de ne pas suivre la tendance générale ont plus à perdre qu’à gagner. Si bien que le mot d’ordre est de rester soudés. Et le meilleur moyen d’y parvenir, c’est la satisfaction de la majorité des individus. La base précisément du principe du système de vote démocratique. Les cygnes chanteurs sont selon moi l’un des plus magnifique exemple de système démocratique (Publication Cygnes). Imagine la scène : un étang sur lequel atterrissent bruyamment une 50 aine de ces cygnes (Cygnus cygnus L.). Leurs cris s’atténuent progressivement. Chacun des oiseaux débute sa recherche de nourriture. Certains filtrent l’eau à l’aide de leur bec jaune et noir alors que d’autres préfèrent plonger jusqu’au fond de la mare pour en arracher des plantes aquatiques. La communauté compte de nombreuses petites familles, composés des parents et de leurs jeunes. Mais arrive un moment où certains individus ne trouvent plus aussi facilement de nourriture qu’en arrivant. Ils commencent à crier son envie de quitter les lieux. Il s’approche alors d’une petite famille, s’assure d’avoir leur attention puis clarifie ses intentions en balançant la tête. Les témoins s’accumulent autour de la scène. Ils écoutent ce qu’il a à dire. Un message, que l’on pourrait traduire par : « Chers amis, je ne trouve plus suffisamment de quoi manger dans cet étang, je suggère donc que notre groupe décolle et s’envole en direction d’une zone plus riche en nourriture ». Certains individus se laissent aisément convaincre par le beau parleur, et exhortent à leur tour les cygnes voisins de mouvements de tête identiques. De plus en plus de cygnes agitent la tête certains désapprouvent et décide de ne pas remuer la tête. Les opinions s’échangent et, parfois, se modifient. Chacun semble peser le pour et le contre, en fonction de son état d’affamement, des risques encourus, du choix opéré par ses proches, ou de ses propres souvenirs du dernier décollage collectif. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Mais lorsque le nombre de suffrages en faveur d’un départ semble s’approcher de la majorité, les premières ailes frappent la surface de l’eau. Et même les cygnes ayant voté contre cette partance se joignent au mouvement. Il est hors de question de rester seuls, c’est beaucoup trop risqué ! Avant d’aller plus loin, sache que cette histoire comme tout ce que je te raconte sur cette chaine, est tirée de travaux scientifique sérieux. Et d’ailleurs la question de la démocratie chez les animaux, je l’aborde dans mon dernier livre « La cigale et le Zombie : ces comportements que l’on pensait propres à l’Homme ». Je te mets un lien dans la description si tu veux le découvrir. Il n’y a pas que les cygnes qui votent. Les lycaons expriment leurs opinions et leurs envie en éternuant. Les abeilles votent en dansant, et oui il y a différentes danses, certaines étant plus ou moins convaincantes. Les gorilles ont l’a vu c’est par des grognements, alors que les cerfs votent en levant leurs bois. Les décisions collectives se prennent souvent à la majorité, même si les chercheurs l’affirment, cette majorité n’est pas toujours atteinte et une décision est parfois prise avec seulement 40% des individus qui y sont favorables. Cela s’explique par la présence d’influenceurs, qui mènent campagnes pour faire connaitre leurs idées et rallier les autres. Ces « campagnes politiques » s’observent particulièrement chez les espèces dont les individus ont les relations de parenté, des liens affiliatifs ou les dominances existantes au sein du groupe. À l’instar des faiseurs d’opinions, certains individus, de par leur comportement ou leurs caractéristiques, vont avoir plus de poids que les autres lors des débats et du vote final. Ces leaders d’opinion influencent leurs congénères. Chez les girafes, les orques ou les éléphants, ce sont les femelles âgées qui jouent ce rôle, du fait de leur expérience et de leur connaissance de l’environnement. Mais la personnalité des individus joue aussi, les plus audacieux initiant plus de déplacements que les autres. Il arrive que des décisions de groupe ne plaisent pas à un grand nombre d’individus, c’est le cas quand deux influenceurs s’opposent, chacun ralliant sa communauté autour de lui. Das ces cas-là, le groupe peut se scinder temporairement le temps de résoudre leurs divergences d’opinion sans pour autant rompre définitivement la cohésion sociale de la communauté. C’est par exemple le cas des gnous, qui n'ont pas de leader fixe lors de leurs migrations, si bien que les mouvements du troupeau sont dictés par des signaux collectifs et instinctifs. Lorsque des sous-groupes de gnous perçoivent différentes trajectoires comme plus avantageuses (par exemple, un groupe suit une piste humide tandis qu'un autre suit un cours d'eau), alors ils peuvent temporairement se scinder avant de se rejoindre plus tard. On observe la même chose chez les éléphants d’Afrique. Ces animaux sont très sociaux t vivent en groupes matrilinéaires, généralement composés de femelles apparentées et de leurs petits. Cependant, il y a parfois des divergences d'intérêts entre deux matriarches, comme lorsque l’une d’elle veut se diriger vers une source d'eau alors qu’une autre préfère rester dans une zone de pâturage, alors le groupe peut temporairement se séparer en sous-groupes. L’organisation et l’exercice du pouvoir sont indissociables des sociétés complexes. Si les sociétés de certaines espèces peuvent aisément se comparer à des formes de dictature, tant leur dirigeante unique et autoproclamée concentre tous les pouvoirs de décision, d’autres choisissent des alternatives « politiques » plus démocratiques. La démocratie n’est donc pas le fruit d’une culture sophistiquée que seul l‘humain peut se targuer d’avoir atteint. Non. La démocratie, c’est une pratique… toute naturelle. Oublie tout ce que tu penses savoir sur le loup ! Aujourd’hui j’avais envie de reprendre les 7 principales fausses idées auxquelles presque tout le monde croit sur les loups et de les confronter à ce que la littérature scientifique démontre. Et je pense que je vais réussir à te surprendre plus d’une fois. Depuis quelques années les loups sont protégés en Europe mais certains entretiennent leur mauvaise réputation, à l’instar de la présidente de la Commission européenne qui a proposé de réautoriser sous conditions la chasse de cet animal protégé. Pourtant le loup a été pourchassé et abattu à travers le territoire de l’Europe pendant des décennies. Des mesures de protection ont permis son retour dans plusieurs pays européen, dont la France ou la Belgique. On va voir ensemble pourquoi la préservation des loups est importante et je vais rétablir quelques vérités à propos de leurs comportements, le tout avec la marque de fabrique de cette chaine : des informations basées sur la science. On commence avec le premier mythe ! Il est commun de dire que les chiens descendent des loups et que cette domestication aurait eu lieu en Asie. Mais les choses sont un peu plus compliquées que cela. C'est le loup aurait été le tout premier animal à avoir été apprivoisé et domestiqué. On retrouve des restes canins associés à une présence humaine il y a 26.000 ans en République tchèque, et 30.000 ans en Sibérie ! Difficile de dire si ce sont encore des loups apprivoisés ou déjà des chiens ? Le débat n'est pas tranché. Certains avancent même la date de 40.000 ans pour marquer le début de la domestication. Il n’y a pas de consensus. Par contre tout le monde semble d’accord pour dire que les loups ont été domestiqués pour la chasse. Les premiers loups se sont sans doute rapprochés des Hommes pour se nourrir et, petit à petit, ont été totalement apprivoisés. Sur un site archéologique situé en Jordanie, on a retrouvé de très nombreux ossements d'animaux, dont une grande proportion marquée par des traces d’usure, qui témoignent d'un passage dans un tube digestif. Des os trop gros pour avoir été avalés par l'Homme et donc, concluent les auteurs, digérés par des chiens/loups. Les chiens sont donc l’une des rares espèces animale à avoir été domestiquées pour une autre raison que l’agriculture. Oui même ton chat il a été domestiqué pour protéger les grains des rongeurs. Dans une étude très sérieuse publiée dans le journal Science de 2016, des chercheurs ont analysé l’ADN de centaines de chiens appartenant à des races différentes et ont retracé leur origine. Tordant le cou à quelques idées fausses au passage. Premièrement ils affirment que « le chien n’est pas un descendant du loup actuel. Les chiens ont été domestiqués à partir d’une espèce apparentée au loup que nous connaissons, mais aujourd’hui éteinte, et qui était génétiquement plus diversifiée que les populations de loups actuels. Deuxième conclusion de leur travaux, les chiens peuvent se diviser en deux groupes: des races aux origines asiatiques, et des races aux origines européennes. Mais la question qui demeurait, c’est est-ce que tous ces chiens descendent du même ancêtre ? ou est-ce que les chiens ont été domestiqués deux fois ? La réponse doit être nuancée. Quand les chercheurs décryptent les gènes des chiens du monde entier, au premier regard il ressort qu’ils descendent tous d’une espèce de loup, quelque part autour de -14.000 ans en Asie. Puis auraient été retrouvé en Europe à une période incertaine, entre -14000 et -6400 ans. Mais des preuves archéologiques démontrent que les chiens étaient déjà présents en Europe il y a plus de 15.000 ans. C’est-à-dire plus de 1000 ans avant cette migration des chiens asiatiques vers l’Europe. Sur leur carte, les chercheurs ont placé l’âge des restes de chiens pour les différents sites où ces restes ont été retrouvés. Deux spots rouges sont visibles : un en Europe et l’autre en Asie, qui correspondent aux restes agés de plus de 12.000 ans d’Age. Ces résultats suggèrent donc qu’il y a eu une seconde vague de domestication, en Europe cette fois. Mais les chiens domestiqués en Europe auraient largement disparu lors de l’importation de chiens asiatiques. Il reste des fragments de cette domestication européenne dans les chiens actuels, mais la toute grande majorité de ceux-ci peuvent tracer la plus grande partie de leur ADN ancestral jusqu’en Asie. En conclusion, on peut dire que deux lignées ancestrales de loups, aujourd’hui éteintes, ont conduit à la domestication des chiens. Mais je précise que des études sur ce thème sortent très régulièrement et que ces conclusions peuvent encore subir des adaptations. Allé on avance, car je dois encore te parler du fameux « mâle alpha », ou du rôle joué par le loup sur la biodiversité et nos paysages. Deuxième mythe à propos du loup, il tue pour le plaisir, pour le jeu, il tue pour s’amuser. Et bien non, le loup n’a pas le même comportement qu’un chat ou qu’un renard. Les renards, comme les chats, s'engagent parfois dans ce qui semble être un jeu avec leur proie avant de la tuer définitivement. Ce comportement peut paraitre absurde mais rempli plusieurs objectifs: (1) Jouer avec sa proie permet d’affiner ses compétences de chasse. Le jeu les aide à améliorer leur coordination, leur timing et leur capacité à maîtriser efficacement des proies vivantes à l'avenir. (2) Ce jeu permet aussi d’épuiser une proie avant de la tuer définitivement. Le renard ou le chat réduit ainsi le risque de blessure, surtout si la proie est capable de se défendre. (3) et enfin chez ces animaux là, ce jeu permet de réduire le stress dans certaines situations, en évacuant le trop plein d'excitation. Bien qu’il appartienne à la famille des canidés comme le renard roux, les loups ne jouent généralement pas avec leurs proies. Ce sont des animaux de meute qui s'appuient sur des techniques de chasse très coordonnées et efficaces pour abattre leur cible. Une fois celle-ci acculée ou épuisée, ils la mettent à mort sans prendre le temps de jouer avec elle. Et il y a plusieurs raisons à cela : (1) Les périodes de chasse des loups sont très organisées et directes. Leur objectif est d'abattre leurs proies le plus rapidement possible pour éviter de se blesser ou de gaspiller de l'énergie, ce qui est crucial pour la survie de la meute. (2) Aussi, contrairement aux deux autres, les loups ont tendance à chasser des animaux plus gros et potentiellement dangereux, pouvant donc les blesser. Adopter un comportement ludique serait non seulement inefficace mais aussi dangereux face à des animaux qui peuvent se défendre. Cela dit, les loups ont des comportements ludiques au sein de leur meute, en particulier entre les plus jeunes. Ce jeu social permet de renforcer les liens, de pratiquer les techniques de chasse et d'établir des hiérarchies, mais il est généralement réservé à l'interaction au sein de la meute plutôt qu'avec les proies. Ce qui m’amène au mythe suivant : si on laisse faire les loups, ils décimeront les troupeaux. Ce mythe est quelque part lié au précédent, car lorsqu’un éleveur retrouve une grosse partie de son troupeau mis à mort par une meute de loups, cela donne l’impression que le prédateur a tué pour le plaisir de jouer. Car oui cela arrive qu’un nombre excessif de bêtes soient mises à mort. La nervosité, les comportements des proies ou une mauvaise compréhension de la situation peuvent conduire une meute à mettre à mort plus d’animaux qu’ils n’en ont besoin. Je rappelle que les loups sont aussi des charognards, donc une meute peut profiter de la présence de plusieurs proies faciles pour constituer des réservoirs de nourriture sur lesquels ils reviendront jour après jour se nourrir. Sauf si entre temps bien sur l’éleveur a démontré qu’il était fâché, en faisant du bruit et en étant fort présent sur la parcelle où a eu lieu l’attaque, les loups auront alors vite fait de comprendre qu’il ne faut plus revenir. Même si les loups préfèrent s’attaquer à des proies sauvages, ils n’hésiteront pas à se rapprocher des humains pour se servir de proies faciles. De plus en plus d'éleveurs et d’éleveuses misent donc sur les mesures préventives, qui fonctionnent ! Ce qui prouve ainsi qu’il est possible de cohabiter avec les loups, moyennant les adaptations nécessaires. Il existe des solutions beaucoup plus efficaces et durables que la chasse des loups pour gérer les conflits entre les loups et le bétail. De nombreux propriétaires de bétail ont fait des efforts pour rendre leurs clôtures plus dissuasives pour les loups. Souvent ils bénéficient de soutien gouvernementaux. Les résultats venant d’Allemagne et de Slovénie prouvent que cette méthode est la meilleure garantie d’une cohabitation apaisée avec les loups. Ces mesures préventives, combinées à des conseils concrets sur leur mise en place et à un entretien régulier des clôtures, garantissent une diminution des dommages. Et cela même lorsque le nombre de loups augmente ! Mythe suivant : LES LOUPS SONT TOUT EN HAUT DE LA CHAINE ALIMENTAIRE Évidemment, je n’inclus pas de l'homme comme prédateur de loups. Et d’ailleurs je reviendrai dans un instant sur le statut de protection dont bénéficie le loups en Europe. Mais en effet tout le monde part toujours du principe que les loups ont le dessus. Mais si c’est en effet le cas en Europe, ce n’est pas toujours le cas aux Etats-Unis. L’état de Washington compte une grande population de Loups estimée à une 40aine de meutes. Mais dans cet état du Nord-Ouest américain, le service public de la faune a documenté la mise à mort de plusieurs loups, représentant 30 % des morts naturelles de loups dans l’État tout de même. Les chercheurs ont cherché le coupable en utilisant les colliers GPS dont de nombreux loups sont équipés. Ce sont des colliers radios qui avaient été placés sur les loups et qui permettent de mieux comprendre leur déplacements et autres comportements. Mais quand un animal ne bouge pas pendant huit heures d’affilée, son collier envoie un signal aux scientifiques, qui se démènent alors pour récupérer le collier et pour reconstituer le fil des événements. Cadavre du loup dissimulé, deux trous dans le crâne, et les scientifiques peuvent ainsi soupçonner le puma comme coupable. Puisqu’il s’agit de la technique couramment employée par ce grand félin américain. Mais c’est de bonne guerre, car comme le disent ces chercheurs, les loups s’attaquent parfois aux petits des pumas. Mais finalement bonne nouvelle pour les deux prédateurs, car là où les loups ont été réintroduits, les populations de pumas et de loups ont globalement augmentées. On continue avec ce mythe célèbre : LES MALES ALPHA CHEZ LES LOUPS Le loup alpha c’est une figure qui occupe une place importante dans notre imaginaire. L’idée d’un chef de meute suprême qui s’est battu pour dominer les autres loups de sa meute. Un gros mâle qui se réserve ainsi l’accès à la reproduction et à la nourriture, alors que les autres membres doivent le suivre, se soumettre et lui obéir. Et bien tout ceci est FAUX ! Mais si vous y croyez, alors vous êtes pardonné, parce que ce sont les scientifiques eux-mêmes qui sont à la base de cette croyance. En 1947, Rudolf Schenkel de l'Université Suisse de Bâle réalise des observations sur les comportements de loups gris en captivité. Et il conclue pour la première fois que les meutes de loups se composeraient d'individus rivalisant entre eux pour la domination, les loups dominants étant appelés mâle et femelle « alpha », puis les seconds sont les « bêta » … je ne ferai aucun jeu de mot nul sur ceci. Il décrit de violents combats entre mâles qui mèneraient à l'élection d'un « mâle alpha », seul autorisé à se reproduire avec la « femelle alpha », et tous deux conservaient leur place par l'intimidation agressive des autres membres de la meute. L’un des problèmes majeurs des études de Schenkel sur les loups est qu’elles n’impliquent aucun loups dans la nature. Cette notion de « loup alpha » a été ensuite renforcée, en grande partie, par un livre à succès du biologiste David Mech sorti en 1970 et intitulé Le loup, écologie et comportement d’un espèce menacée. Il y a tellement de bêtises dedans que son auteur s’est battu des années pour empêcher l’éditeur de continuer d’en imprimer et d’en vendre. Durant les années suivantes, les chercheurs vont révéler que la meute est en réalité une famille !! Une famille composée d'un couple fondateur et de sa progéniture des 1 à 3 années précédentes. Parce que vers l’âge de 2 ans les loups quittent la meute pour s’en créer une. Les prétendus « alpha » sont en réalité les parents du reste de la meute, et l'agressivité avait essentiellement un rôle pédagogique, les parents s'arrogeant la primeur des proies. Le concept de mâle alpha chez les loups a cependant connu un tel succès auprès du public, qu'il s'est largement exporté, et en particulier hors du champ de la zoologie et notamment ceux de la politique et de la sociologie. Et les mythes perdurent puisque vous avez peut-être déjà ce genre d’image où on voit des loups marcher l’un derrière l’autre. Je fais une parenthèse : on dit qu’ils marchent à la queue leu-leu. Leu veut dire loups en vieux français. Ils marchent donc à la queue loup loup. Sur cette image très populaire sur les réseaux sociaux on a dit mille et une bêtises : Le dernier loup de la file serait le mâle alpha, le leader qui s'assure qu’aucun membre ne soit laissé derrière. Les trois à l'avant seraient les vieux et les malades, qui marchent en avant pour régler le rythme du groupe de sorte qu'ils ne restent pas derrière. Les prochaines sont les plus forts, les dominants, ils sont chargés de protéger les devants en cas d'attaque. Les cinq du fond sont forts et chargés de protéger l'arrière en cas d'attaque. Ce sont que des bêtises. Retenons donc que le concept de mâle alpha n’a aucun sens chez les loups. LES LOUPS ATTAQUENT LES HUMAINS Dans les films pour enfants comme La Reine des Neiges, le petit chaperon rouge ou La Belle et la Bête, les loups sont un danger pour les humains. Pourtant l’espèce a fait son retour en Allemagne depuis plus de 20 ans et il n’y a jamais eu d’attaque sur l’humain, alors qu’on estime qu’il y a plus de 1 500 individus dans le pays. Il y a des exceptions, je ne vais pas le nier, comme au mois de Juillet dans la Région d’Utrecht aux Pays-Bas, où une fillette a été mordue par un gros chien, qui s’est avéré être un loup après des tests ADN. La vérité c’est que les loups sont plutôt craintifs et fuient les humains. Ils vous entendent et vous sentent bien avant qu’ils ne soient à portée de votre vue et sont si méfiants que la plupart des gens ne les voient pas. Il y a des facteurs qui aggravent le risque évidemment, un enfant en promenade seul dans les hautes Fagnes la nuit sera vu par une meute comme une proie facile. Ce que je veux dire avec cet exemple absurde, c’est qu’il est essentiel de réapprendre à vivre avec les loups et donc d'adopter une attitude responsable et prudente. Les rares cas d'attaques se sont produits dans des circonstances particulières, par exemple si un loup est malade ou affamé, ou s'il a perdu une partie de sa peur des humains à cause d'une trop grande proximité avec eux (comme cela peut arriver avec des loups nourris par l'homme, volontairement ou non). Dernier mythe : LES LOUPS SAUVENT DES ÉCOSYSTÈMES Alors, oui et non. Le oui tout d’abord : si le loup a été réintroduit et est protégé en France, en Belgique et dans toute l’Union, c’est parce qu’il il a de magnifiques fonctions de régulateur de nos écosystèmes. Les proies de prédilection du loup sont les sangliers, les chevreuils ou encore les cerfs. En de nombreux endroits en Europe, il y a une forte densité d’herbivores, ce qui a un impact sur la régénération forestière. La présence du loup modifie le comportement de ses proies, il les force à se déplacer davantage ou à éviter certaines zones. Cela permet alors à la forêt de se régénérer plus facilement. Les loups agissent comme des régulateurs naturels des populations de petits prédateurs, comme les martres, les renards et les ratons laveurs qui sont donc régulé. En régulant ces populations, le loups permet indirectement d’aider d’autres petits animaux à prospérer, comme les tétras lyres. En plus les herbivores plus faibles, comme les animaux malades, se laissent aussi plus facilement attraper par le loup qui joue donc un rôle sanitaire important dans l’écosystème, puisque des scientifiques ont montré qu’il limite la transmission de maladies chez certaines espèces dont l’homme ! Et enfin puisqu’ils laissent leurs proies sur place, cela crée une source de nourriture pour d'autres animaux, ce qui favorise la biodiversité. Par exemple, plusieurs espèces de petits passereaux viennent picorer les restes de graisse ; une aide non négligeable pendant l’hiver. Mais il y a aussi les abus de langage. Vous avez peut-être déjà vu le joli film « Wolves change rivers » ou lu des textes à propos de cette réintroduction des loups dans le Parc de Yellostone aux États-Unis, qui aurait été suivi par un chamboulement énorme sur la régénération forestière, les populations de mammifères herbivores, les oiseaux, les carnivores et finalement les loups auraient changé le cours des rivières du parc. C’est un exemple classique de ce que l’on nomme les cascades trophiques, on touche à un maillon de la chaine, et cela impacte tous les autres maillons. La présence des loups, modifie le comportements des grands herbivores, qui exercent moins de pression sur la régénération des forêts, qui se développent et font revenir les oiseaux, etc etc. Dans le cas de Yellowstone, les loups ont certes joué un rôle important dans la régénération du paysage, mais ils ne sont pas les seuls responsables, et la réalité est comme souvent beaucoup plus complexe. Je vous explique tout cela plus en détail dans mon premier livre « Un Tanguy chez les hyènes : 30 comportements surprenants des animaux ». Fin 2023, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a proposé, comme d’autres chef d’états, d’abaisser le statut de protection du loup en Europe. Le prétexte ? La cohabitation avec les élevages, qui peut s’avérer être un défi. Pourtant, l’Asie vit bien avec le tigre, l’Afrique avec le lion, et l’Amérique du Sud avec le jaguar. Et d’où nous nous trouvons, personne n’accepterait que l’on décide d’éradiquer ces magnifiques animaux, sous prétexte qu’ils peuvent représenter un danger pour les éleveurs. Au-delà des considérations éthiques d’éliminer un animal dès qu’il pose problème, il y a aussi la question écologique, on vient de le voir, le loup est un prédateur qui a de nombreuses fonctions bénéfiques au sein de son écosystème. Je l’ai dit plus tôt, mais la clé elle réside à réapprendre à vivre ensemble avec les loups, ce qui passe par des mesures de soutien aux éleveurs. Car le fait de faire passer le loup d’un statut de « strictement protégé » à simplement un statut d’« espèce protégée », impliquerait que la chasse aux loups dans l’UE deviendrait plus accessible légalement. Et je pense que la protection des loups en Europe n'est pas seulement une question d'importance écologique, c’est aussi le reflet de notre engagement en faveur de la biodiversité. Le raton laveur arrive certainement près de chez toi ! J’ai rassemblé tout ce qu’il faut savoir à son sujet dans cet article. Car il a beau avoir une tête de peluche adorable, c’est un animal très intelligent avec lequel la cohabitation peut vite tourner au cauchemar. Le raton laveur vandalise tes poubelles, rentre dans ta maison et pille tes réserves de nourriture. Il grimpe sur les toits, s’incruste dans les greniers et fait tellement de bruit la nuit qu’il réveillera toute ta famille. Ah ! Et s’il peut te refiler des parasites, à toi, tes enfants ou tes animaux, eh bien il n’hésitera pas. Au programme : comment le reconnaître, où l’observe-t-on et quand prévoit-il de poser ses bagages chez toi ? Ce qu’il mange, pourquoi on l’appelle LAVEUR, et surtout comment gérer sa présence autour de ton habitation. Accroche-toi, voici des infos solides qui pourraient bien t’être utiles, aujourd’hui ou très bientôt. Le raton laveur provient d’Amérique du Nord, ce qui nous change des espèces invasives d’origine asiatique dont je te parlais récemment. Les tout premiers individus sont arrivés chez nous dans les années 30, en Allemagne d’abord, dans le cadre du développement d’élevages destinés à récupérer sa fourrure. Mais son installation a sans doute été causée par ceux qui en ont ramené pour en faire des animaux de compagnie. Cela s’est particulièrement produit dans les bases de l’OTAN, qui ont éclos un peu partout en Europe après la Seconde Guerre mondiale. C’est vrai que les petits ratons sont assez facilement apprivoisés et, aux États-Unis, il n’est pas rare que les gens les utilisent comme animaux de compagnie. Malheureusement, à l’âge adulte, ces ratons laveurs vivant autour des fermes d’élevage ou dans ces bases de l’OTAN se sont rapidement évadés, poussés par leur instinct de vie sauvage. Selon la région où tu habites, ils sont peut-être déjà nombreux autour de chez toi, ou peut-être qu’ils vont bientôt arriver. Voici la carte actuelle de la répartition du raton laveur dans le monde. Son aire d’origine est en orange, et recouvre notamment les pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Nord. En Europe, la bête est omniprésente en Allemagne et se propage rapidement sur les territoires belges et français. Il faut dire qu’à en croire ces chercheurs, le climat européen actuel, comme futur, lui plaît beaucoup. En France, les premières introductions datent des années 60. Des ratons laveurs qui étaient détenus comme animaux de compagnie ont été relâchés par des troupes américaines et canadiennes basées dans l’Aisne. Cette population a considérablement grossi pour se répandre sur les départements limitrophes et, de proche en proche, vers l’est, le nord de la France ainsi que vers l’ouest, en direction de la région parisienne. Cette population semble désormais en contact avec la population belge, qui elle, est probablement issue des toutes premières introductions ayant eu lieu en Allemagne. En Belgique, d’ailleurs, le raton est observé pour la première fois dans les années 80. Aujourd’hui, il est partout en Wallonie et remonte rapidement vers la Flandre. Un deuxième foyer français est apparu en Auvergne, et une troisième population s’est ensuite installée en Gironde en 2007. En dehors de ces foyers, on en observe régulièrement sur l’ensemble du territoire. Ce sont soit des individus échappés de parcs zoologiques, soit des abandons intentionnels de particuliers qui les détiennent illégalement, vu que ces animaux deviennent imprévisibles et agressifs une fois adultes. Peut-être vis-tu dans une des zones que je viens de citer et pourtant, tu n’en as jamais croisé un ? Et c’est normal, car le raton laveur a ses préférences, notamment pour les bords de cours d’eau et les forêts de feuillus parcourues par des ruisseaux. Ça ne veut pas dire qu’on ne le retrouve jamais en milieu urbain, car le bougre s’adapte très rapidement. Et puis, si tu ne l’as encore jamais vu, ça ne veut pas dire qu’il n’est pas là. Ta poubelle renversée, ce n’était peut-être pas un chat. Des indices à proximité pourraient te renseigner, comme les traces de ses pattes, où l’on distingue clairement ses cinq longs doigts munis de longues griffes et étalés à la manière des doigts d’une main. Le risque de confusion est possible avec les empreintes du rat musqué, mais celles-ci sont plus petites et souvent associées à une traînée laissée par la queue. Il laisse aussi des traces de sa présence comme des tiges rompues dans les champs de maïs ou des amas de coquilles de palourdes sur la rive d’un cours d’eau. Si tu en croises un, tu peux rendre service en signalant sa présence. En France, tu peux utiliser l’application INPN Espèces, INPN pour Inventaire National du Patrimoine Naturel. Il suffit de prendre une photo, de renseigner le lieu d’observation de l’animal, et c’est envoyé aux experts qui peuvent ainsi mieux agir. En Belgique, tu peux rapporter leur présence sur le site Observations Biodiversité. Le raton laveur est un mammifère gris de la taille d’un gros chat. Son visage est blanc mais porte une bande noire sur le nez ainsi que de larges taches noires autour des yeux qui lui donnent cette forme de masque. Sa queue épaisse porte cinq à sept anneaux noirs. Tu ne le confondras pas avec le putois, beaucoup plus élancé et dont la queue ne présente pas d’anneaux, ni avec le blaireau, qui n’a pas de masque sur le visage, qui est plutôt zébré de noir et de blanc et dont la queue est courte et non annelée. Finalement, il ressemble surtout au chien viverrin, qui est une autre espèce invasive dont le visage masqué et la taille sont proches du raton. Mais son pelage est plutôt gris que brun. Et c’est un Canidé, cousin de nos chiens donc, avec une queue courte et non annelée, et des doigts plus courts. Les ratons laveurs, eux, font partie d’une autre petite famille de mammifères carnivores qu’on appelle les Procyonidés, et qui inclut aussi les Coatis, qu’on ne retrouve qu’en Amérique centrale et en Amérique du Sud, comme le coati roux. Difficile de ne pas voir un petit air de famille avec le raton. Le raton laveur est un ramasseur-cueilleur… opportuniste et omnivore. Il se nourrit principalement de végétaux (fruits et céréales) et d’invertébrés comme les insectes, les vers ou les mollusques. Grâce à sa fourrure, il est protégé contre les piqûres et donc, il s’attaque par exemple aux colonies d’abeilles. Mais il chasse également des amphibiens, des poissons, des œufs et des poussins d’oiseaux ainsi que des micromammifères. Il est plutôt un collecteur-cueilleur qu’un véritable prédateur. Il consomme en fait la ressource la plus disponible et la plus accessible. S’il vit près de l’eau, il mangera avec plaisir des palourdes d’eau douce ou des batraciens. En été et en automne, il privilégie le maïs, les fruits, les baies, les glands et les noix. Et ce dégoûtant peut aussi manger des charognes. À la fin de l’été et en automne, il emmagasine des réserves de graisse pour se préparer à la saison froide et peut ainsi atteindre jusqu’à deux fois son poids d’origine. En hiver, le raton laveur n’hiberne pas, mais entre dans une période d’inactivité et de dormance, sauf dans les régions du Sud où l’animal continue d’être actif. On l’appelle raton laveur, non pas parce qu’il lave précautionneusement ta voiture pendant la nuit, mais parce qu’il a l’habitude de tremper son aliment dans l’eau et de le frotter entre ses mains comme pour le pétrir. Il peut ainsi déterminer si ce qu’il a trouvé est comestible. Et s’il n’y a pas d’eau, il frotte son futur repas précautionneusement dans ses petites mains. Avec son visage masqué et ses habitudes nocturnes, on aurait pu se douter qu’il avait tout du parfait petit brigand. Il est très anthropophile, ce qui signifie qu’il aime vivre à proximité des humains. Et il cause bien des ennuis. Par exemple, c’est un expert en ouverture de poubelles. Si tu pensais que tes déchets étaient en sécurité dans une poubelle verrouillée, détrompe-toi. Rien ne l’arrête : poignées ou couvercles lourds, il a tout vu et tout ouvert. Il en va de même pour ton poulailler, même fermé par une porte. Pas de problème, il se dresse sur ses pattes et tourne la poignée avec ses mains agiles. Et hop, l’insolent rentre et se sauve avec un œuf, quand il ne donne pas carrément un coup de griffe mortel à l’une de tes poules. Et ne parlons pas de sa capacité à s’inviter chez toi. Tu te dis que laisser une fenêtre légèrement ouverte en été, c’est parfait pour faire entrer une petite brise fraîche. Eh bien, pour un raton laveur, c’est une invitation VIP à entrer et à fouiller dans ton frigo. Surtout s’ils sont nombreux dehors et qu’ils ont faim. Ainsi, tu te réveilles le matin et tu te demandes pourquoi il y a des empreintes boueuses sur ton canapé, un pot de confiture vide sur le sol et les gamelles du chien et du chat vidées. Surprise ! C’est ton nouvel ami masqué qui s’est servi pendant que tu dormais. Le raton laveur est aussi un expert en escalade. Oui, s’il peut grimper aux arbres, il peut aussi gravir les murs de ta maison si ça lui chante. Il est agile et descend aisément d’un tronc la tête la première, en tournant ses pattes arrière à 180 degrés. Tu pensais que ton grenier était un endroit sûr pour stocker tes affaires ? C’est une erreur ! Le raton laveur y voit une chambre d’hôtel de luxe avec vue sur ton jardin. Tu t’en rendras vite compte, car ils ne sont pas du genre silencieux une fois la nuit tombée. Et s'il a envie d'un bain, il pourrait bien faire un plongeon dans ta piscine. S'il a longtemps été considéré comme inoffensif pour la faune européenne, de plus en plus d'études montrent que ce prédateur opportuniste peut constituer une menace sérieuse pour de nombreuses espèces menacées en Europe, je pense à certaines espèces d’oiseaux, de chauves-souris ou de reptiles. C’est particulièrement vrai dans les environnements où ces proies ne sont pas habituées à un prédateur comme le raton laveur. Mais le raton entre aussi en compétition avec les espèces locales, comme la martre, qui consomment la même nourriture que lui ou qui utilisent les mêmes abris pour la nuit. Aujourd’hui, le raton laveur est considéré comme une menace pour la biodiversité et a été classé par le Conseil de l'Europe comme espèce invasive dont l’éradication est conseillée en raison de son impact sur la faune locale. Il joue aussi un rôle de réservoir de maladies en transmettant des parasites aux animaux qui subissent son arrivée. Et en parlant de parasites, tu es aussi concerné. Parce que le raton laveur, c’est un peu comme ta fille de 14 ans quand elle te dit « je t’aime mon petit papa », avec ses yeux attendrissants, pour te demander sans aucune subtilité un nouveau smartphone 10 minutes plus tard. Le raton, lui, te fait les yeux doux, avec son visage adorable. Toi, tu succombes à son charme, tu baisses ta garde, tu t’en approches, tu as envie de lui faire une petite caresse sur sa petite bouille adorable. Et en deux secondes, tu te retrouves mordu et griffé, et tu n’as pas assez de doigts pour compter le nombre de germes infectieux qu’il t’a injectés dans le sang. Car oui, le raton laveur peut te transmettre le virus de la rage, mais aussi de dangereux parasites. Donc si tu croises un raton laveur au bord d’un chemin, fais sérieusement attention, car il pourrait être porteur de ces maladies. Par exemple, depuis plusieurs années, les ratons laveurs situés en Allemagne sont porteurs de la baylisascariose, des vers parasites intestinaux. Les premiers cas ont aussi été rapportés en 2024 en Belgique. Les œufs de ce nématode parasite se retrouvent dans les déjections de l’animal, sur son pelage et dans son environnement direct. L’infection n’est pas mortelle pour les ratons laveurs mais peut se transmettre à l’être humain par l’ingestion accidentelle de terre ou d’autres matériaux souillés par les matières fécales des ratons contaminés. Ça arrive plus vite que tu ne le penses, par exemple si tes enfants jouent dans leur bac à sable, par où est passé le raton pendant la nuit. Les infections humaines peuvent se révéler très dangereuses : les larves ingérées traversent la paroi du système digestif et se répandent dans tout le corps via les vaisseaux sanguins. Elles touchent alors surtout les muscles, mais aussi le système nerveux et le cerveau, générant des dégâts irréversibles aux organes atteints. S’il est partout aux États-Unis et au Canada, il n’y pullule pas autant puisqu’il est régulé. Ses populations sont en équilibre avec des espèces de plus grands prédateurs comme le puma, le loup, le lynx ou la martre. Des animaux tout à fait respectables pour le coup. Ce n’est pas le cas en Europe de l’Ouest. Résultat : le raton laveur y est inscrit depuis 2016 dans la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union. Cela signifie que cette espèce ne peut pas être importée, élevée, transportée, commercialisée ou libérée intentionnellement dans la nature, et ce, nulle part dans l’Union européenne. Pour éviter tous les désagréments liés aux ratons laveurs, mieux vaut adopter quelques gestes simples. Premier conseil : ne succombe pas à son charme ! Ne t’approche pas d’un raton, ne le nourris pas et SURTOUT ne le touche pas ! Il y a plusieurs petits aménagements que tu peux mettre en place autour de chez toi s’il y a des ratons dans le coin. Enferme les poules à clé pour la nuit (ça les protégera du renard aussi), élague les branches des arbres situées contre la maison pour maintenir un écart de plus d’un mètre, limite l'ouverture des fenêtres en utilisant l’oscillo-battant et installe un dispositif pour empêcher l'escalade par les gouttières et l'accès au grenier. Pour l’empêcher d’accéder aux nichoirs, tu peux installer sur le tronc un dispositif l’empêchant d'y grimper. Les chatières doivent être bloquées durant la nuit, tout comme tes poubelles, que tu peux attacher au mur pour éviter qu’ils ne les renversent. Ne laisse pas de nourriture pour oiseaux ou animaux domestiques accessible à l'extérieur de la maison durant la nuit. Ferme à clé le bac à sable quand il n’est pas utilisé et surveille les enfants en journée pour qu’ils ne mettent pas de sable ou de terre en bouche. Pendant une balade, ne cueille pas de baies sauvages à moins qu’elles ne paraissent inaccessibles, c’est-à-dire sur tige à plus de 50 centimètres du sol. Lave systématiquement les fruits et les légumes, et cuis ceux qui proviennent du potager, des champs, des forêts ou des jardins potentiellement accessibles aux ratons laveurs. Les chiens doivent également garder leurs distances. Ce sont sans doute les meilleurs prédateurs du raton laveur, mais il faut toujours les tenir en laisse pendant tes balades dans les milieux forestiers, et vérifie que ton chien a bien reçu son traitement vermifuge. J’espère que tu n’auras jamais à faire face aux ratons laveurs, et si c’est le cas, n’hésite pas à revenir sur cette vidéo ci-dessous pour te rappeler les gestes à appliquer. |
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AuteurFrançois Verheggen, Professeur de Zoologie, Université de Liège Archives
Décembre 2024
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