Les insectes peuvent être d’excellents parents ! Si tu es convaincu d’être une bonne mère ou un bon père, et bien attends de voir ce dont ils sont capables. Je vais te démontrer dans cet article que d’excellents parents on en trouve aussi chez les insectes ! Alors comme à la bonne vieille époque de ma thèse de doctorat sur les comportements des insectes, je me suis plongé dans la littérature scientifique pour t’épingler quelques découvertes étonnantes. Si les soins parentaux sont en général très communs chez les animaux, ce n’est pas vraiment le cas des insectes. Ceux qui sont ovipares abandonnent aussitôt leurs œufs dans un coin alors que les vivipares donnent naissance à des petits bien formés mais qui n’ont qu’à tirer leur plan tout seul un fois nés. Ne leur en voulez pas, la pression de sélection naturelle les a forcés à favoriser la stratégie du nombre : c’est-à-dire à produire une grande quantité de descendants, mais à limiter les soins parentaux en espérant que sur les centaines de bébés, l’un ou l’autre parvienne à survivre. Résultat, pour vous dire la vérité, seulement 1 % des espèces d’insectes s’occupent de leurs jeunes. Mais pour ce 1% d'espèces d’insectes là, la stratégie est toute différente. Déjà bien souvent il y a moins de jeunes par parent, mais les parents s’en occupent, un peu, ce qui leur garanti de meilleures chances de survie. C’est ce qui est arrivé aux insectes soumis par exemple à de trop nombreux prédateurs. Produire 1000 œufs et les voir tous se faire dévorer, ça n’avait pas de sens. Donc pour ces insectes, il valait mieux n’en produire que 100 mais les protéger un tout petit peu. Les plus anciennes preuves de parentalité que l’on ait découvert à ce jour date d’il y a 520 millions d’années. D’ailleurs les animaux n’avaient pas encore colonisé la terre ferme. Ces preuves fossiles mettent en scène une créature primitive ressemblant à une grosse crevette qui nageait le long du fond sablonneux d'un océan. Si cette crevette avait été seule, il n’y aurait rien eu de fou à cette découverte, sauf qu’à ses côtés, plusieurs de ses petits ont aussi été fossilisés. Ils suivaient leur parent, père ou mère avant que tout le groupe ne soit enseveli dans des sédiments fins pour l’éternité. Aujourd'hui, ces traces fossiles qui datent donc d’il y a plus d'un demi-milliard d'années nous démontrent que ces tout premiers arthropodes fournissaient des premiers soins parentaux. Au moins protégeaient-ils leurs petits en les accompagnant pendant leurs premières heures de vie. Aujourd’hui cet ancêtre des insectes a donc de nombreux descendants parmi lesquels certains ont aussi cette caractéristique originale de s’occuper de leurs jeunes. C’est le cas des blattes siffleuses de Madagascar, dont le rôle de parent a été découvert il y a une 20aine d’années. Elles, elles se sont sans doute dit un jour qu’elles devaient être de meilleurs parents, et d’assurer au moins le service minimum. Et donc peu de temps après avoir expulsé les œufs, la femelle expulse de son corps une matière blanchâtre et translucide. Ce fluide reste collé à son corps et les larves qui émergent des œufs se jettent illico dessus pour s’en nourrir. Elles fournissent donc le premier repas à leurs bébés. Les perce-oreilles, qu’on appelle aussi les forficules, sont aussi d’excellents parents. Chez certaines espèces, les soins parentaux commencent avant même que les petits ne quittent l’œuf. Après la ponte, les futures mères surveillent les œufs et empêchent les prédateurs de s’en approcher. Elles les lèchent aussi pour les nettoyer, et en particulier pour éliminer les moisissures qui pourraient les faire pourrir. En plus, cette étude a démontré que la salive de cette jeune maman contient des bactéries qui vivent en symbiose avec elle. Alors une fois que les larves sortent des œufs, la maman les lèche à nouveau et ainsi dépose sa salive qui est à la fois antibiotique et antifongique. Résultat, alors que seulement 4 % des œufs de perce-oreilles éclosent lorsqu’ils sont laissés sans surveillance, 77 % des œufs léchés par la mère arrivent à l’éclosion. D’ailleurs les auteurs précisent que chez certaines espèces de perce oreilles, c’est le papa qui se charge du boulot. Chez certaines rares espèces, les parents et leurs enfants vivent même en famille. Et dans ces cas, les deux parents participent en fournissant protection et nourriture. Chez les punaises d'eau c’est le père qui charge les œufs fécondés sur son dos jusqu'à ce qu'ils éclosent. Les chercheurs démontrent que le transport des œufs rend le papa plus lent et plus vulnérable à la prédation. Il doit aussi dépenser plus d’énergie pour se trouver à manger et faire une croix sur tout autre accouplement tant que les petits ne sont pas nés. On vient de voir quelques insectes qui prennent soins de leur petits, mais dans la suite, on va découvrir bien mieux. En Australie, la guêpe Abispa ne se contente pas de nourrir ses petits, puisqu’elle leur fabrique aussi un nid d'argile. Une maison qui pèse -une fois terminée- jusqu’à un demi kilo tout de même, et qui va permettre d’accueillir la descendance, en leur offrant un toit. Les chercheurs de cette étude ont montré que la mère vouait sa vie à l’approvisionnement du nid en nourriture. C’est qu’elle ne chôme pas, des petits voient le monde continuellement. En plus des repas, elle nettoie la maison, fait les réparations, défend le nid contre la venue des prédateurs. Et le papa pendant ce temps-là, hum … il tourne juste autour du nid, et attend de pouvoir s’accoupler à nouveau. Chez les nécrophores, on passe au niveau supérieur. Déjà les œufs sont pondus dans un trou creusé sous terre à côté du cadavre d’un petit animal. Oui ils adorent l’odeur de ce voisinage et pour tout vous dire, la charogne en décomposition c’est ce qu’ils préfèrent manger. On appelle cela des nécrophages. Une fois les larves nées, les parents font des aller-retour entre la charogne et la crypte. Ils vont prendre une bouché de viande en décomposition avant de revenir voir les petits et la leur vomir dans la bouche une potée magique riche en bonnes choses pour leur santé. Et plus les petits supplient leurs parents, plus ceux-ci vomissent. S’il n’y a pas assez de charogne pour tout le monde, les parents éliminent les larves les plus exigeantes. Oui, ça peut paraître dur comme éducation, mais cela garantit la survie des frères et sœurs les moins nécessiteux. Note que les parents restent unis jusqu’à ce que leurs larves atteignent l’âge adulte. Avant de passer aux meilleurs parents de la classe des insectes, j’avais envie de souligner l’inventivité de certaines guêpes Polistes. Alors elles, elles ne savent pas comment on fabrique un nid et en fait elles n’ont absolument pas envie d’essayer, parce qu’elles n’ont aucun instinct maternel … ou paternel. Oui ni les mâles ni les femelles ne savent comment on s’occupe des enfants. Pourtant leur bébés ont besoin de soin, donc il est hors de question de les abandonner à la naissance. Alors un jour une femelle s’est dit: « et si j’allais les abandonner dans la maison des voisins ? ». Et là le futur père il a sans doute répondu « Oui bonne idée, mais comment tu vas rentrer chez eux ? Elles sont nombreuses les guêpes voisines, et leur maison est bien gardée. Tu vas te faire démolir si tu tentes de rentrer dans l’une de leur chambres ? ». On n’est pas très sûrs de ce qu’elle a répondu ce jour-là la femelle, mais ces chercheurs, eux ils ont montré que cette future mère avait choisi de se déguiser chimiquement. Elle fait en sorte d’avoir la même odeur que les guêpes voisines, et donc elle n’est pas identifiée comme un intru. Ainsi elle parvient à pénétrer incognito chez les futurs parents adoptifs, elle dépose quelques œufs et déguerpi rapidement sans se faire repérer. Et enfin le prix de meilleurs parents ‘catégorie insectes’ est remis conjointement à toutes les espèces d’insectes eusociaux : abeilles, fourmis, termites et tous les autres qui peuvent se vanter d’avoir atteint le niveau d’organisation sociale le plus élevé. Même nous les humains on n’a pas atteint ce dernier niveau, c’est vous dire ! Alors en quoi cela consiste-t-il l’eusocialité ? Et bien les espèces animales eusociales ont 3 caractéristiques essentielles : (1) elles vivent en groupe évidemment, un groupe au sein duquel vivent en harmonie jeunes et moins jeunes individus; (2) ces espèces prennent soins de leur petits et ces soins sont coopératifs, ça veut dire qu’ils ne sont pas nécessairement donnés par la maman ou le papa, mais par la communauté toute entière; et enfin (3) sont eusociales les espèces qui en plus de tout cela, divisent leur membre en castes, c’est-à-dire des groupes spécialisés de travailleurs au sein d'une colonie, chacun ayant des rôles spécifiques. Par exemple, dans une colonie de fourmis, il y a des ouvrières chargées de la collecte de nourriture, des soldats pour la défense, et une reine pour la reproduction. C’est ainsi que si on regarde de plus près une colonie d’abeilles, on constate à quel point tout est là pour parler de soins parentaux optimaux ! La reine pond et c’est la seule à le faire, elle est donc la mère de toutes les ouvrières de sa colonie. Mais elle ne s’occupera pas elle-même de ses petits. Chacun de ses enfants a sa propre chambre, puisqu’un œuf unique est pondu dans chacune des cellules en cire construite et façonnée par l’une de ouvrières de la colonie. Après l’éclosion, les larves restent dans leur chambre personnelle et des ouvrières leur apportent à volonté une bonne potée, qu’on appelle la gelée royale et qui est cuisinée par les ouvrières. Une fois un peu plus grande on leur apporte plutôt du miel et du pollen jusqu’à l’âge adulte. A l’âge adulte elles doivent à leur tous s’occuper de leurs petites sœurs, en les nourrissant puis en agrandissant le nid, en l’entretenant le nid ou en le ventilant. Il y a vraiment beaucoup à dire sur les abeilles, mais tu as compris que les soins sont ici aux petits oignons.
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AuteurFrançois Verheggen, Professeur de Zoologie, Université de Liège Archives
Septembre 2024
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