Nous sommes en 1895, dans la ville de San Marcos, dans l’État du Texas, au Sud des États-Unis. La commission nationale de la pêche vient de forer un puit en plein cœur de la ville. Les ouvriers ont creusé sur une profondeur de 188 pieds, soit environ 57 mètres. Le puit a expulsé à l’air libre de l’eau à des débits fous de plusieurs milliers de litres à la minute. Cette eau provenait d’un réseau de grottes souterraines, complètement immergées. Le personnel en charge du forage constate rapidement qu’avec l’eau, des animaux étranges étaient crachés depuis les entrailles de la terre. Ces petites bêtes gisent au sol, certaines sont minuscules, d’autres mesurent parfois une dizaine de centimètres de long. Si certaines de ces bêtes sont identifiées aisément par les hommes au travail, d’autres leur paraissent étrangères, et même fantomatiques. A cette époque, Léonhard Stejneger est responsable du département des reptiles et amphibiens au musée national d’histoire naturelle des Etats-Unis. Ce Norvégien, naturalisé Américain quelques années plus tôt, rentre d’une longue expédition sur les îles Komandorski, à l’extrême Est de la Russie, lorsqu’il reçoit un message l’informant de ce qu’il se passait à San Marcos. Malgré la fatigue liée à sa récente expédition, il décide de se rendre sur place sans attendre.
On le guide jusqu’au site de forage, et il se met au travail, recueillant autant de ces petits animaux que possible, avant de retourner dans son laboratoire de fortune improvisé sur place. Il identifie de nombreux petits mollusques et crustacés éjectés du puits. C’étaient les animaux les plus abondants, et bien que Léonhard Stejneger ne soit pas un spécialiste de ces animaux là en particulier, il se rend bien compte qu’ils étaient un peu différents des escargots et autres crevettes qu’il avait eu l’occasion d’étudier durant ses études. Il note notamment que tous, étaient aveugles. Les yeux habituellement observés sur la tête des crevettes, étaient ici, toujours absents. Il faudra quelques années de travail à d’autres scientifiques pour démontrer qu’il s’agissait en effet d’espèces nouvelles pour la science. L’attention de notre spécialiste des amphibiens est évidemment tournée vers les quelques salamandres éjectées avec l’eau du puit. Leur allure fantomatique l’intrigue : longues d’une douzaines de centimètres, leur peau est blanche, totalement dépigmentée. Leurs pattes sont courtes et frêles. Il n’en avait jamais observé de pareilles précédemment. Léonhard Stejneger l’affirme : des pattes si menues ne peuvent supporter le poids de leur corps. A l’inverse, toutes les mensurations de la queue étonnent le scientifique. Comme classiquement observé chez les salamandres, la queue est comprimée latéralement, mais sa longueur et son épaisseur surpassent tout ce qu’il a vu durant sa carrière. Dans ses premiers rapports, il affirme sans hésiter : « Les proportions extraordinaires de leur corps, absolument uniques pour l'ordre auquel elles appartiennent, suggèrent des conditions de vie inhabituelles ». Et il va plus loin : cette salamandre semble n’être jamais sortie de l’eau. D’autres surprises attendent Léonhard Stejneger. L’herpétologue sait qu’à l’état larvaire, les salamandres possèdent des branchies positionnées sur la tête. Ces dernières se retrouvent à l’intérieur de la tête une fois l’animal plus âgé. Puisque tous les individus qu’il a sous les yeux ont des branchies externes, il les suspecte tous d’être des juvéniles et en conclut que, malheureusement, aucun adulte n’a été remonté à la surface par le puits. L’homme est prévoyant heureusement, si bien qu’il avait emmené avec lui son matériel de dissection. Il décide donc d’ouvrir le corps d’une salamandre expulsé sans vie du puits. Et là, surprise suivante : il observe des œufs dans le corps d’une femelle. Le voilà obligé de revoir sa conclusion. Malgré leur allure de bébés, ces salamandres sont bien toutes des adultes, mais des adultes qui ont conservé un corps de jeune. On parle de néoténie. Le corps de cette nouvelle espèce de salamandre témoigne d’un milieu de vie et de comportements aussi originaux que surprenants. Au lieu d’alterner entre milieu aquatique et terrestre, comme les autres salamandres, la fébrilité de leurs pattes suggère qu’elles passent leur vie exclusivement dans l’eau, où la pesanteur est un maigre problème à surmonter. Leurs pattes n’ont donc jamais à soutenir le poids de leur corps. La taille importante des branchies externes suggère au scientifique que les eaux souterraines dans lesquelles elles vivent sont très appauvries en oxygène. Quant aux yeux, ils sont complètement atrophiés, réduits à deux minuscules points noirs recouverts d’une couche de peau. Ce qui suggère que cet animal n’a jamais vu la lumière du soleil, ni lui, ni ses ancêtres, au cours des derniers millions d’années. Par ailleurs, son corps tout entier se trouve dépourvu de pigmentation : si bien que sa peau est translucide. Léonhard Stejneger nomme cette nouvelle espèce troglodyte la salamandre aveugle du Texas (Eurycea rathbuni). Il déclare « Ces animaux, par leur absence d'yeux et leur couleur blanche, se sont immédiatement proclamés habitants des cavernes, mais leurs proportions extraordinaires suggèrent des conditions de vie inhabituelles, qui seules peuvent avoir produit des caractéristiques physiques aussi prononcées ». Isolée, coupée du monde depuis des millénaires, cette salamandre peut aussi se targuer de se situer au sommet de la chaine alimentaire. Cette chasseuse se nourrit de toutes les petites bêtes qui ont aussi été éjectées par l’eau du puit, et qui elles aussi sont parvenues à survivre dans ce milieu hostile. Mais comment notre salamandre peut-elle chasser si elle n’a pas d’yeux ? Et bien elle a développé une technique de chasse originale et extrêmement efficace. L’évolution a doté sa peau d’une infinité de capteurs sensoriels qui lui permettent de percevoir le moindre mouvement d’eau induit par une crevette nageant à proximité. Une sorte de radar interne, bien nécessaire tant la nourriture est rare dans ces grottes submergées. Vous savez que les salamandres ont traditionnellement la faculté de régénérer un membre qui leur serait sectionné à la suite de l’attaque d’un prédateur. Et bien malgré le fait que notre salamandre aveugle n’ait eu à faire face à aucun prédateur au cours de ses millions d’années d’évolution souterraine, elle n’a jamais perdu cet héritage de ses ancêtres, et peut donc toujours régénérer un membre sectionné. Les partenaires ne sont pas moins rares que la nourriture. Pour trouver un mâle, une femelle a le nez fin. Elle se met en recherche d’un partenaire qui aurait laissé derrière lui, dans l’eau, des odeurs aphrodisiaques. La future mère suit cette piste olfactive et en recherche avidement le responsable. Alors que les odeurs se font de plus en plus fortes, sa peau commence à percevoir des mouvements d’eau inhabituels, d’une intensité telle que seul un organisme d’une taille comparable à la sienne peut en produire : un mâle se trouve à proximité ! Reste à présent à le séduire. Pour convaincre ce potentiel compagnon de lui céder ses spermatozoïdes, la femelle frotte son menton sur le dos de son partenaire. Elle balance son corps d'avant en arrière. Si le mâle est hésitant, elle prend le risque de lui mordiller le flanc tout en grattant le sol à l’aide de ses pattes. Et en dernier ressort, elle monte sur le dos du mâle et commence à s’y frotter. Il se fait désirer ce coquin, mais lorsqu’il finit par accepter, il dépose au sol une poche remplie de spermatozoïdes. La femelle y pose alors ses propres organes reproducteurs, et se retrouve fécondée, en l’absence d’un réel accouplement. La salamandre aveugle du Texas est un cas exceptionnel d’espèce endémique, puisqu’on ne la retrouve que dans ce réseau de grottes souterraines et inondées, localisée à proximité de la ville de San Marcos. Le nombre d’individus s’est terriblement réduit notamment à cause des divers polluants ruisselant de la surface jusqu’à son habitat. Le gouvernement américain la considère donc aujourd’hui comme espèce à protéger.
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Dans cet article, je brise 10 légendes communes sur les animaux 1. Le nombre de points d’une coccinelle t’informe sur son âge : Vrai ou Faux ? Des coccinelles il en existe des centaines d’espèces. Exactement comme il existe plusieurs espèces de grenouilles ou de corbeaux. Et la plupart des espèces de coccinnelles ont un nombre de points fixe, déterminé dès la naissance et qui n’évolue pas au cours de la vie de la coccinelle. Il y a par exemple la coccinelle à 2-points, la coccinelle à 7-points, la coccinelle à 14-points et la coccinelle à 22 points . Bon par contre il y a des espèces qui viennent mettre le bazar dans mon explication, c’est le cas des coccinelles asiatiques, très présentes en Europe depuis une 30aine d’années, et qui peuvent avoir très peu de points ou au contraire beaucoup. 2. Le ver de terre peut régénérer après avoir été coupé Lorsque l'on scinde le corps d'un ver de terre en deux, on peut observer les deux parties se tortiller pendant un certain temps, donnant l'impression que le ver de terre coupé en deux a laissé place à deux êtres vivants. Malheureusement, la réalité est toute autre. Il ne peut pas reconstituer deux nouveaux vers. On n'en a pas forcément conscience en observant les lombrics à l'œil nu, mais le corps du ver de terre est organisé comme celui de nombreux êtres vivants, avec une tête à l’avant, et un derrière à l’arrière. A l'avant, on retrouve ses organes vitaux essentiels, comme le cerveau, ses quatre cœurs ou encore sa bouche et ses organes reproducteurs. Couper un ver de terre en deux va immanquablement blesser, voire tuer, l'animal. Mais si la coupure détache la partie arrière sans endommager les organes vitaux de la partie avant, alors le ver de terre a des chances de survivre. Il peut en effet régénérer ses tissus au niveau de la blessure. Mais ce n’est pas systématique. Donc oui, le ver de terre peut régénérer après avoir été coupé en deux. 3. Si tu touches un crapaud tu n'attraperas pas de verrues. De nombreuses grenouilles et crapauds ont des bosses sur la peau qui ressemblent à des verrues. Certaines personnes pensent que ces verrues sont contagieuses. Pourtant les verrues que tu as peut-être déjà eu sur tes pieds ou tes mains sont causées par un virus humain, qui est uniquement véhiculé par les humains, et non pas par le contact avec des crapauds. La question est de savoir comment cette croyance est née. Et la réponse semble ici assez évidente lorsque l’on observe la texture de la peau bosselée et verruqueuse de certains crapauds. Leur peau leur fournit protection et un excellent camouflage. Et certaines de ces « verrues » (faire signe guillemet avec les mains), notamment celles situées près de leurs yeux, contiennent une toxine laiteuse qui leur donne un goût nauséabond pour les prédateurs. Et qui peuvent aussi irriter ta peau. Je ne te conseille pas de les toucher bien sûr, mais ce qui est certain ce qu’ils ne te transmettront pas de verrues. 4. Les poux sont incapables de sauter. Ne les confonds pas avec les puces. Ces deux insectes apprécient les poils de toutes sortes, mais ils n’ont pas les mêmes techniques pour les coloniser. Les puces ont de très longues pattes postérieures, qui leur permettent de sauter très haut. On parle de 200 fois leur propre taille tout de même. Ce qui à échelle humaine équivaut à sauter au-dessus de la tour Eiffel. Par contre les poux eux n’ont pas ces pattes adaptées au saut. A la place ils ont des crochets pour rester solidement accrochés à tes cheveux, ce qui explique pourquoi il est si compliqué de les en détacher. Ils passent de tête chevelue à tête chevelue par contact de deux personnes. C’est pourquoi la transmission est aisée chez les jeunes enfants. 5. Les bosses des chameaux et dromadaires sont des réserves de graisse. C’est l’occasion de rappeler que les chameaux ont deux bosses, alors que les dromadaires n’en ont qu’une. Le dromadaire et le chameau sont deux animaux qui vivent dans des milieux hostiles. Ils peuvent parcourir jusqu’à 50 km en une journée sans boire, ni manger. Pour survivre, tous deux puisent dans leurs réserves d’énergie stockées dans leurs fameuses bosses. Cette énergie est présente sous forme de graisses (et pas d’eau). La bosse d’un dromadaire peut en contenir jusqu’à 15 kilos, quand celles du chameau peuvent en contenir plus de 10 kilos chacune. Plus le jeûne des deux animaux est long, plus ils puisent dans leurs réserves de graisse. Leurs bosses peuvent ainsi s’affaisser, jusqu’à totalement tomber sur le côté. Puis, dès lors que les deux animaux ont repris des forces, leurs bosses se repositionnent progressivement à la verticale. 6. La couleur des moules n'informe pas sur le sexe femelle ou mâle. Déjà je parie que tu ne t’étais jamais posé la question de s’il y avait des moules mâles et des moules femelles, pas vrai ? Et oui une vieille croyance suggère que la couleur de la chaire indique le sexe. Certains avancent que la couleur orangée de la chaire serait synonyme de femelle, la couleur blanche synonyme de mâle. Mais il n’en est rien. La couleur de la chaire des moules est codée dans les gènes, et ne permet pas de faire la différence de manière sérieuse entre mâle et femelle. 7 La mère oiseau ne rejette pas ses petits si tu les touche. La plupart des oiseaux ont en fait un odorat peu développé, et ne remarqueront aucune de tes odeurs. Mais tu fais peut-être partie de ces personnes qui vont se préoccuper en découvrant un oisillon au sol. Tu voudras peut-être le ramener dans son nid. Pourtant s’il est au sol, c’est très probablement parce qu’il est en train d’apprendre à voler. Et donc il ne devrait pas être dérangé. D’ailleurs soyons clair, ils n’ont pas de tes conseils pour apprendre à battre des ailes. L'histoire a peut-être été inventée pour empêcher les gens de manipuler les jeunes oiseaux au sol. Non le mieux à faire si tu veux les aider c’est de garder ton chat à l’intérieur de la maison à la période d’envol des jeunes passereaux. Lui, il n’hésitera pas à les toucher. Et à les tuer. Pour être complet il y a des exceptions d’oiseaux avec un bon odorat. Les vautours détectent à l’odeur des charognes bien cachées. 8 Les cloportes sont des crustacés Ce ne sont pas des insectes. Rappelez-vous cette règle simple : « tout ce qui a 6 pattes est un insecte ». Il suffit de retourner un cloporte pour se rendre compte qu’il en a beaucoup plus : 14 pattes ! Comme les crabes ou les crevettes, le cloporte est un crustacé. Mais un crustacé qui s’est dit un jour : la vie dans une mer chaude et turquoise peuplée de poissons et de coraux colorés, non, ce n’est pas pour moi. Moi mon truc, ce sont les vieilles souches d’arbres ou les caves humides, en compagnie des rats et des araignées. Il faut respecter le choix de chacun ! Ce sont des êtres vivants qui ont malgré tout besoin de beaucoup d’humidité. Et qui sont très importants puisqu’ils participent à la décomposition de la matière organique. 9 L’autruche n'enterre pas sa tête dans le sable en cas de danger. Toi aussi tu as grandi avec ces dessins animés mensongers? En fait c'est une illusion d'optique ! Les autruches sont les plus grands oiseaux vivants, mais leur tête est plutôt petite. Si bien que si tu les vois de loin picorer le sol, tu auras peut-être l'impression que leur tête est enfouie dans la terre. Pourtant, si elles faisaient cela, elles ne pourraient pas respirer ! Mais ce qui est vrai c’est qu’elles creusent des trous dans la terre pour les utiliser comme nids pour leurs œufs. Et plusieurs fois par jour, l’oiseau met la tête dans le trou et retourne les œufs. Laissant ainsi l’impression qu’ils cachent leur tête dans le trou. Et donc non, cela n’a rien à voir avec l’arrivée d’un danger qu’elles chercheraient à ne pas voir. 10 Les moustiques ne sont pas attirés par la lumière. Les moustiques femelles ont besoin de sang pour faire maturer leurs œufs. Donc premier élément, il n’y a que les femelles qui sucent le sang. Les mâles pas. Madame moustique doit donc trouver un animal, et la lumière n’est absolument pas un signal intéressant. Si elle est guidée par ta chaleur corporelle, elle a en revanche de très mauvais yeux. Donc, elle va prioritairement utiliser des signaux olfactifs : le dioxyde de carbone que tu expire et tes odeurs corporelles. Et nous n’avons pas les mêmes odeurs, ce qui explique pourquoi tu es peut-être plus piqué que ton pote ou ton conjoint. Mais je te rassure, si ton odeur est liée à ton hygiène, elle est aussi liée à ton alimentation ou simplement à tes gènes. Et eux, bein tu ne peux pas les changer. C’est la faute de tes parents. Les moustiques sont surtout actifs en été, quand on laisse les fenêtres ouvertes. Alors cette croyance elle vient certainement du fait qu’on allume la lumière de la pièce où on se trouve. Résultat on a associé lumière et attraction de moustiques, alors qu’en fait ils utilisent le CO2 qu’on émet en expirant et qui s’échappe par la fenêtre. Les grands singes sont souvent considérés comme les animaux les plus intelligents après les humains. Pourtant, les récentes découvertes des scientifiques nous poussent à braquer les projecteurs sur d’autres bêtes. Des volatils mal aimés, incompris et surtout largement sous-estimés. Mais si les corbeaux ont longtemps été considérés comme rusés, leur intelligence semble bien plus avancée que nous ne l’aurions jamais cru possible. En 2002, un groupe de scientifiques de l'Université d'Oxford ont observé avec émerveillement Betty, une jeune femelle corbeau, ramasser avec désinvolture un morceau de fil dans sa cage, puis utiliser un objet proche pour plier ce fil à une extrémité, le transformant en un outil à crocheter. Ce que Betty ne manqua pas de faire, puisqu’il lui a directement servit à hisser à elle un petit récipient contenant un délicieux morceau de viande, glissé à l’intérieur d’un tube en plastique. À l’époque, l’exploit de Betty avait suscité l’étonnement. Comment ce corbeau a-t-il résolu si spontanément un problème aussi complexe ? Ces observation suggéraient qu’elle était capable d’acrobaties mentales semblables aux nôtres. C'était, selon les gros titres, un corbeau incroyablement intelligent. Sauf que Betty n’était pas aussi spéciale qu’on le pensait au premier abord. 20 années plus tard, on comprend bien mieux encore à quel point les corbeaux sont tous doués pour résoudre des problèmes nécessitant de transformer, d’une manière ou d’une autre leur environnement, notamment en se fabriquant un outil. Ce que Betty a démontré en laboratoire, se passe en fait tous les jours dans la nature. Anna Braun, une chercheuse autrichienne a voulu comparer l’intelligence des corneilles noires avec celles de chiens et celle de jeunes enfants au cours d’une expérience simple. Sur un écran tactile deux symboles s’affichent, l’animal appuie sur le symbole de son choix, un symbole donne de la nourriture, l’autre rien du tout (et le système se bloque pour un temps sur un écran rouge). L’écran peut ainsi proposer des duos de symboles multiples, mais si un symbole qui donne de la nourriture en donne toujours. Il aura fallu près de 70 tentatives à des chiens pour comprendre la logique de ce test, et appuyer sur le bon symbole pour avoir le bonbon. Quant aux corbeaux … ils ont compris bien plus vite la logique, après seulement quelques tentatives, soit tout aussi rapidement que de jeunes enfants. Des résultats comparables aux grands singes. Ainsi par exemple des recherches ont montré que les corbeaux calédoniens sont des artisans capables de confectionner quantité d’outil complexes. Ils détectent la présence d’une larve dodue d’un scarabée, logée dans le tronc d’un arbre. Quelques instants d’observation suffisent à l’oiseau pour comprendre que la larve est trop bien enfoncée dans le du tronc que pour pouvoir l’attraper avec son large bec. Et qu’il lui faut pour solutionner ce problème complexe, un outil. Un objet mince, suffisamment long et coudé, pour déloger la larves de sa galerie. Heureusement, les corbeaux calédoniens peuvent compter sur leur capacités d’observations et surtout leur excellente mémoire. Si bien qu’ils connaissent par cœur les environs. Les chercheurs notent que les corbeaux faisant face à ce type de problème ne perdent pas de temps, ils semblent très bien savoir où chercher le matériel nécessaire à la fabrication de l’outil. Un buisson, localisé à quelques centaines de mètres, peut fournir les longues branches, souples et irrégulières. Sur place le corbeau sait ce dont il a besoin. Il sectionne l’élément de bois parfait à l’aide de quelques coups de becs bien placés. Il arrache ensuite chaque tigette et chaque feuille. Enfin, il plie ce futur nouvel outil en son centre. Et la manœuvre n’est pas simple, même pour un humain : L’oiseau coince la tige entre le sol et sa patte, saisit une extrémité dans son bec et relève doucement la tête afin de faire fléchir le bois sans le casser. Les chercheurs notent que plus le corbeau est vieux, moins il a de chance de casser la branche. Car les corbeaux acquièrent de l’expérience dans l’artisanat au cours de leur vie. Outre le fait d’avoir l’intelligence nécessaire pour analyser le problème et en trouver une solution, outre le fait d’avoir une excellente mémoire pour se rappeler de la localisation du matériel et d’avoir l’agilité pour fabriquer l’outil, il faut aussi au corbeau les capacités cognitive pour l’utiliser correctement ! Là encore les corbeaux montrent toute leur intelligence : ils posent l’outil sur une branche proche du trou de la larve, le maintiennent en place à l’aide de l’une des pattes pour éviter que l’objet ne tombe ne tombe, puis le saisissent par une extrémité avec le bec, et il l’introduisent dans l’orifice. Et ce n’est pas tout, il faut encore pratiquer quelques mouvements de tête, pour faire apparaitre la larve. Et après avoir capturé l’insecte? Ils jettent l’outil ? Non bien sur, ils sont plus malins que cela. Jeter un outil aussi précieux serait … bien bête, car il peut toujours servir ! Une équipe de chercheurs allemands ont démontré que les corbeaux mettaient leur outils précieux en lieu sûr. Exactement comme quand vous rangez votre paire de lunettes dans leur étui, ou votre précieux stylo dans le tiroir du bureau. Les corbeaux identifient dans leur environnement un lieu sur où déposer leur attrape-larve. Et ils doivent être discret quand ils l’y cachent, car il n’est pas rare que d’autres corbeaux observent la scène, avec la ferme intention de dérober l’objet précieux. Oui parce que quand on est intelligent, on est aussi capable de développer de stratégies comme le vol, et même celles de la recherche de cachettes. A côté de tout ce que l’on vient de voir : solution de problème, confection et manipulation d’outil, mémoire, et stratégie à long terme, je voulais aborder aussi avec vous les fantastiques organisations sociales des corbeaux. L’intelligence ouvre la porte à beaucoup de choses. Les corbeaux vivent en communauté d’individus qui se connaissent et se reconnaissent. Ils se rassemblent en des lieux particulier pour se nourrir, jouer ou se reposer. Ils souviennent de ce qu’ils ont fait avec tel ou tel autre corbeaux au cours des jours précédents. Ils évitent les corbeaux avec qui ils ont eu des différents et se rapprochent plus aisément d’individus avec lesquels ils ont partagé un repas. Les corbeaux d’une même population peuvent compter les uns sur les autres. Le biologiste John Marzluff, de l’Université de Washington, a fait une drôle d’expérience. Il s’est promené sur son université en portant un masque d’homme des caverne. Et il a noté que 20 à 30 % des corbeaux criaient en le voyant. Ensuite il a capturé quelques corbeaux, tout en portant son masque. Il a noté que durant les deux années qui ont suivi, tous les corbeaux hurlaient en le voyant, mais seulement quand il se promenait avec son masque. Les corbeaux retiennent les visages humains. Ils identifient leurs amis et leurs ennemis. Et ils exploitent cette reconnaissance faciale en faisant passer le mot auprès des autres corbeaux, qui apprennent et se passe le mot du danger associé à un visage. C’est incroyable !
Les corbeaux ont plusieurs cris d’alarme, ces cris destinés à prévenir les autres corbaux de a présence d’un danger. En tout les scientifiques ont idenifiés près de 250 cris différents. Chaque individu possède en outre deux intonation de cris : un très sonore pour la communication avec les membres de leurs communauté et un plus doux qu’ils réservent aux membres de leur famille. Des subtilité langagière qu’on ne retrouve que chez les mammifères les plus évolués. Le sens de la famille est d’ailleurs très développé chez les corbeaux, car les chercheurs ont démontré le rôle des parents dans l’éducation des petits, que ce soit pour identifier les nourritures les plus adaptées à leur santé, les stratégies les plus adaptées pour obtenir cette nourriture, ou encore les dangers auxquels ils doivent faire attention. Ainsi par exemple les corbeaux se saisissent de fruits à coques, volent pour en estimer le poids, puis prennent la hauteur qu’ils estiment nécessaire pour briser la coque, une fois qu’ils auront lâché le fruit et qu’il se soit éclaté au sol. Avec cet article, nous avons découvert que le Corvidae font preuve d’un niveau d’intelligence insoupçonné. Ils analysent des problèmes et élaborent des solutions. Ils font usage de leur excellent mémoire pour localiser ce dont ils ont besoin, ils manipulent avec habilité des objets de leur environnement. Les corbeaux sont très sociaux également, leur langage est complexe, ils collaborent les uns avec les autres, et font la différences entre des congénères et des membres de leur famille proche. J’espère donc que vous n’interpréterez plus un croassement comme un signe de mauvais augure. Mais comme ce que c’est réellement : c’est-à-dire le langage d’une espèce très intelligente. Préparez-vous à être littéralement émerveillés, parce que les découvertes que je vais vous présenter dans cet article dépassent l’entendement. On va parler de paresseux, mais aussi de papillons, de harpies, de champignons, d’algues vertes, et un peu de 💩 aussi. Je lis des centaines de travaux scientifiques chaque année sur les comportements des animaux. Je ne suis pas blasé, mais disons qu’il m’en faut aujourd’hui beaucoup pour me surprendre. Et pourtant quand j’ai découvert l’histoire que je m’apprête à vous raconter, je suis resté bouche bée. Abasourdi. Ébahi. Je me suis dit, la nature est incroyable. Tout le monde connait les paresseux ! Ils jouissent tout de même d’une réputation rigolote d’animaux fort lents. De prime abord leur vie est enviable, les paresseux représentent en effet le symbole même de la quiétude et de la tranquillité. Ils ont un métabolisme relativement lent, et pourtant croyez-moi, leur existence n’est pas de tout repos. Les paresseux passent la quasi-totalité de leur vie dans les arbres, où ils se concentrent sur leurs deux activités préférées : manger et dormir. Mais une fois par semaine, ils doivent sortir de leur routine journalière et faire face à un danger pour le moins insidieux : celui de la grosse commission. Oui, ils ne vont au petit coin qu’une fois par semaine. Cet événement représente une prise de risque extrêmement importante. Faire caca, se fait au péril de leur vie. Ce qui est génial avec cet article, c’est que pour vous expliquer pourquoi ils risquent leur vie pour aller déféquer, je dois vous parler de papillons, de harpies, d’algues et de champignons. La nature est formidable ! Alors non, ils ne s’accrochent pas à une branche pour se vider leurs intestins. Non, ils prennent la décision de descendre au sol, d’y creuser un trou afin d’y faire leurs besoins. Ce qui est dangereux puisqu’au sol, leurs prédateurs rodent. D’autant que ça dure longtemps : la grosse commission ressemble davantage à un accouchement qu’à un passage rapide aux toilettes. Les paresseux peuvent en effet expulser un quart de leur propre poids en excréments. Un quart ! A votre échelle, ça équivaut à une crotte d’une 20aine de kilos tout de même. Oui les paresseux sont constamment constipés, c’est un phénome normal pour eux. Leur digestion est lente ce qui leur permet de ne s’exposer à leurs prédateurs qu’une fois par semaine. Une fois la grosse commission déposée dans le trou ils repartent illico vers le sommet de leur arbre, certainement un peu plus légers et satisfaits. Je suis certain que les questions qui vous taraudent sont : mais pourquoi diable les paresseux se retiennent-ils si longtemps et … pourquoi prennent-ils autant de risque alors qu’ils pourraient faire exactement la même chose du haut de leur arbre ? Et bien des chercheurs américains ont fait de ces questions toute leur carrière scientifique. Et nos spécialistes de répondre que les paresseux font cela pour aider des papillons ! si si … ils risquent leur vie pour aider des papillons. Mais attendez, on n’est pas au bout de nos surprises. Les chercheurs ont en effet observé que quantité de papillons vivaient sur le pelage du paresseux. Ils volent mal et ne le quittent jamais. Les papillons adultes vivent, s’accouplent, défèquent et meurent dans la fourrure du paresseux. Durant toute leur vie ils y sont à l’abris des oiseaux qui, sinon, les mangeraient. Vous le savez, avant d’être papillons, ils étaient chenilles. Et les chenilles de cette espèce de papillon, elles mangent du caca ! Est-ce que vous commencez à comprendre ? Si notre paresseux laissait tomber ses crottes du haut d’un arbre, ça ne ferait pas du tout l’affaire des papillons. Alors que quand il descend au sol pour déposer sa crotte dans un trou, cela laisse le temps aux papillons de sauter sur la crotte, de déposer leurs œufs, et de revenir sur le pelage du paresseux pour le suivre sur le chemin du retour dans les arbres. A leur naissance, les chenilles prennent alors tout leur temps pour manger le caca du paresseux et se transformer en papillons. Et une fois que c’est fait, ceux-ci s’envolent tant bien que mal jusqu’à trouver un paresseux sur lequel s’installer. Mais pourquoi les paresseux aideraient-ils les papillons de cette manière ? Pourquoi risquent-ils leur vie pour les aider ? Dans la nature il n’y a rien de gratuit. Le paresseux n’a aucun intérêt à dépenser autant d’énergie et à prendre autant de risque pour aider des papillons… a moins que les papillons ne l’aident en retour. C’est le principe des relations de mutualisme : une espèce en aide une autre, et reçoit de l’aide en retour. J’ai déjà parlé de ce type de relation dans une vidéo sur les fourmis et les pucerons, je vous mets le lien ici : Comment des papillons pourraient bien payer le gîte, le couvert et tous les services offerts par le paresseux et son pelage ? Et bien nos chercheurs ont enfin trouvé la réponse ! Et cela a à voir avec l’étrange couleur du pelage des paresseux. Celui-ci est vert, on dirait d’ailleurs que c’est de l’herbe qui lui pousse sur le dos. Cette couleur verte, les paresseux la doivent à la présence d’algues qui s’y développent. Oui, des algues ! C’est étonnant, habituellement les algues ça se développent dans l’eau, mais le pelage des paresseux est capable de retenir tellement d’humidité qu’il leur offre donc un milieu de culture favorable.
Ces algues sont responsables de la couleur vertes et cette couleur elle arrange bien notre paresseux, car il n’en est que mieux camouflé. Grâce aux algues, il passe inaperçus vis-à-vis des harpies féroces, qui figurent parmi ses prédateurs aériens. Le paresseux est donc content d’abriter des algues sur son pelage. Mais ces algues, il faut les nourrir. Elles ne se contentent pas de l’humidité, elles ont besoin de divers nutriments minéraux. Mais comment leur apporter cette nourriture ? Les papillons qui défèquent et meurent dans le pelage du paresseux constituent la source de nourriture des algues. Mais les algues, elles ne savent pas manger et digérer des insectes, fussent-ils morts. Heureusement, la nature est bien faite, car le pelage du paresseux abrite aussi des champignons. Oui je sais ce que tu penses, ça commence à faire beaucoup d’être vivants dans le pelage d’un seul animal. Ces champignons décomposent les restes de papillons et libèrent les minéraux que ces insectes contiennent afin de permettre aux algues de s’en nourrir. Et je complète cette histoire incroyable : quand ils se nettoient, les paresseux mangent une partie des algues présentes sur leur pelage, ce qui complète leur alimentation de nouveaux glucides et lipides digestibles. Je résume : nous avons donc des paresseux qui peuvent compter sur des algues vertes pour les aider à rester camouflés et pour compléter leur alimentation. Ces algues sont nourries à base de restes de papillons, décomposés avec l’aide de champignons. Et pour s’assurer d’avoir toujours des papillons sur leur dos, les paresseux prennent tous les risques pour aller faire caca au sol, afin de leur permettre de se reproduire. Des comportements surprenants comme celui-ci j’en ai rassemblé 30 dans mon premier bouquin, intitulé « Un Tanguy chez les Hyènes ». |
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AuteurFrançois Verheggen, Professeur de Zoologie, Université de Liège Archives
Septembre 2024
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