Des milliards de cigales périodiques s’apprêtent à sortir de terre et à envahir les Etats-Unis. Et la dernière fois que cela s’est produit, c’était en 1803, il y a 220 ans ! Dans cet article je vais te parler de ces cigales, t’expliquer pourquoi ce phénomène est si rare, et je te détaillerai ce qu’auront à subir les Américains d’ici très peu de temps. Je te parlerai aussi de ce parasite étrange qui va infecter certaines de ces cigales et les transformer en zombies. Bien que mortes, les infectées continueront de se déplacer et de transmettre la maladie. Les cigales arrivent et les Américains s’y préparent depuis longtemps. Les experts américains avertissent la population depuis plusieurs mois déjà. L’année 2024 sera une année exceptionnelle, car un ras de marrée de cigales va s’abattre sur les états de l’Est américain. Ces insectes vont surgir de terre par milliards, un phénomène rare que personne ne peut se vanter d’avoir déjà observé dans sa vie. En tout cas pas de cette ampleur. Bien sûr de nombreux américains ont déjà vu des cigales, toi aussi d’ailleurs si tu vis près de la méditerranée ou au Québec. La plupart des cigales poussent la chansonnette une fois par an à la belle saison. Elles sont facilement reconnaissables avec leurs grands yeux rouges et leurs larges ailes. Tu les côtoies donc régulièrement si tu habites les régions proches de la méditerranée. En Europe elles appartiennent principalement aux genres Cicada et Lyristes. Parmi les espèces les plus connues on retrouve la cigale commune et la cigale des montagnes. Les cigales européennes préfèrent les climats chauds et ensoleillés, où elles apprécient surtout les zones boisées et les vergers, mais aussi les parcs et les jardins. Pour bien comprendre ce qui va se passer aux États-Unis, je dois te parler du cycle de vie des cigales. Les cigales européennes ont un cycle de vie similaire à celui des nombreuses espèces cousines retrouvées aux USA et ailleurs. Les adultes vivent généralement moins d’un mois. Les femelles cigales se positionnent tête vers le bas et déposent leurs œufs dans des fissures ou des incisions sur les branches d’arbres ou d’arbustes, de préférence bien secs. Chaque femelle peut déposer des centaines d'œufs, généralement regroupés en grappes. Ceux-ci éclosent après quelques semaines et les larves qui en sortent tombent au sol, où elles s’enfouissent rapidement pour se mettre à la recherche de racines de plantes dont elles vont s'alimenter. Les larves des cigales européennes passent la majeure partie de leur vie sous terre, où elles creusent des galeries et se nourrissent de la sève des racines des plantes . Elles vont ainsi y rester pendant 3 à 4 années ! Mais cela varie d’une espèce à l’autre et aussi en fonction du climat. Lorsqu’elles sont prêtes à devenir des adultes, au printemps ou en été, elles remontent à la surface du sol, laissant derrière elles de larges orifices.
A présent que nous comprenons les bases de la biologie des cigales, nous pouvons retourner à notre évènement américain, où ce n’est pas une cigale qui va sortir de terre, comme sur notre dessin précédent, mais bien des milliards ! En même temps ! Là-bas, on retrouve plusieurs espèces de cigales dont certaines qui ont la particularité de passer non pas 4 ans sous terre, mais 13 ans voire 17 ans. D’ailleurs ces insectes font partie de ceux ayant la plus grande espérance de vie. Elles sont extrêmement bien étudiées par les chercheurs locaux, d’ailleurs pour préparer cet article je me suis aidé d'une publication scientifique qui a été écrite par 4 spécialistes américains. Globalement il faut reconnaitre que ces cigales périodiques figurent parmi les insectes que les Américains connaissent le mieux au monde. Et des espèces d’insectes, je te le rappelle, on en connait plus d’1 million. Ces cigales périodiques, ou Magicicada comme les scientifiques aiment les appeler, sont des sujets de recherche très attrayants. Oui car comme je te le disais en ouverture d'article, les cigales vont sortir par milliards dans plusieurs états américains. Une telle émergence massive ne se produira que cette année, et plus avant longtemps. Laisse-moi t’expliquer : Les cigales qu’on appelle cigales périodiques sortent de terre périodiquement, ça tu l’avais deviné. Elles ne se trouvent que dans l’est de l’Amérique du Nord. Il existe sept espèces de cigales périodiques : quatre avec des cycles de vie de 13 ans et trois avec des cycles de 17 ans. Elles proviennent toutes d’un ancêtre commun, que l’on peut dater à environ 4 millions d’années. Les trois espèces de 17 ans ont généralement une répartition plus au nord, tandis que les quatre espèces de 13 ans sont généralement plutôt localisées au sud et au Midwest. Les différentes populations de cigales Magicicada ont un développement tellement bien synchronisé qu'elles sont presque absentes à l'état adulte durant les 12 ou 16 ans qui séparent deux émergences. Donc quand elles émergent du sol, elles le font toute ensemble, d’où l’effet de nombre. Les cigales ont décidé de vivre de la sorte sans doute guidée par une idée précise, que je pourrais traduire par : « Si nous émergeons les unes après les autres, alors un prédateur pourrait nous manger, les unes après les autres. Alors que si nous émergeons toutes en même temps, alors aucun ennemi ne pourrait toutes nous dévorer». Leur méthode pour lutter contre les prédateurs n'est pas d'avoir une stratégie de défense, elles ne sont pas munies d’un dard à venin, elles ne peuvent pas mordre et sont incapable de cracher de l'acide. Non, leur technique à elles c’est de sortir tellement nombreuses qu'aucune créature ne pourrait toutes les manger, puis patienter 12 ou 16 ans sans manger. Les cigales patientent donc sous-sol et mangent doucement les racines des plantes en attendant leur heure. Enfin, leur année quoi. On n’est toujours pas certain de comprendre comment les larves se font une idée des années qui passent à la surface. La température et l’humidité du sol les renseignent certainement sur la période de l’année, été ou hiver, mais les scientifiques ne peuvent aujourd’hui déterminer si elles sont capables de décompter les années qui défilent. On a presque tous les éléments en mains pour comprendre le phénomène. Pour y parvenir il me reste juste à te préciser cette notion de couvée, que les Américains nomment broods. Bien que presque toutes les cigales périodiques d'une région donnée émergent la même année, les populations de cigales vivant dans différentes régions ne sont pas synchronisées et peuvent émerger au cours d'années différentes. Toutes les cigales périodiques du même durée de cycle de vie qui émergent du sol au cours d'une année donnée sont connues collectivement sous le nom d'une seule « couvée ». Cette notion est plus comptable que biologique. Il y a 12 couvées de cigales de 17 ans, et donc si tu m’as bien suivi, il y a 5 années sans émergence. Il y a de plus trois couvées de cigales de 13 ans (donc il y a 10 années sans émergence de ces cigales). Il est donc possible de trouver des cigales périodiques adultes chaque année à condition de vous rendre dans la zone géographique appropriée. Les couvées périodiques de cigales sont désignées par des chiffres romains. Les chiffres I à XVII correspondent aux couvées de 17 ans, et les chiffres romains supérieurs réservés aux couvées de 13 ans. Les chercheurs américains ont donc pu dresser des prévisions d’émergence pour chaque couvée, un peu comme des prévisions météo. Mais bon pour être complet notons que parfois, des cigales périodiques émergent avec un an d’avance ou de retard sur leur calendrier normal, ce qui complique les prévisions. Maintenant qu’on a tout compris sur la biologie des cigales, on peut revenir au calendrier de prévision des émergence de cigales, où tu pourras lire comme moi qu’en 2024, la couvée XIX et la couvée XIII surgiront de terre simultanément dans 15 États du Sud-Est et du Midwest. Ce qui ne s’était plus produit depuis 1803. Et c’est pour dans quelques jours ou semaines (et cela s’est peut-être déjà produit si tu lis ce texte longtemps après sa sortie). Lorsqu'elles émergeront elles formeront des agrégats beaucoup plus denses que ceux réalisées par la plupart des autres espèces de cigales américaines ou européennes. Et alors ? Qu’est-ce qui va se passer là-bas vers la fin du printemps ? Et bien comme les cigales européennes, les larves remonteront à la surface, et sortiront du sol lorsque les premiers centimètre de terre avoisineront les 18 degrés Celsius, ce qui se produit typiquement autour du mois de mai, un peu plus tôt ou un peu plus tard, selon les états. Mais cette année, l’hiver a été très chaud dans une bonne partie des États-Unis et très froid dans d’autres régions. Je pense donc que les différentes couvées de cigales vont sortir à différents moments de l’année à travers le pays. Les larves sortent en masse du sol et se cherchent un promontoire sur lequel se métamorphoser. L’idée est de se placer en hauteur, là où il y a du vent afin de faciliter le séchage de leur corps, après leur métamorphose, une transformation devant leur permettre d’acquérir quatre ailes, de vives colorations et surtout … des organes reproducteurs. Les premiers frémissements s’observent quelques moments à peine après s’être immobilisées. Brusquement, les cigales adultes s’extirpent de leur ancienne enveloppe corporelle qu’elles abandonnent sur place. Leurs corps mous, équipés de longues ailes et de grands yeux rouges, s’agitent face au vent afin d’accélérer le durcissement de leur peau. Encore quelques instants de patience : elles pourront bientôt actionner leurs muscles et prendre leur premier envol. Les cigales n’ont alors qu’un seul objectif : s’accoupler avant de mourir. Mets-toi à leur place, et imagine que tu es une cigale. Tu as passé 13 ans ou 17 ans sous terre à l’état de nourrisson. Tu vois le monde pour la première fois alors que tu viens d’atteindre l’adolescence. Ton corps est submergé par de puissantes hormones, et justement à ce moment-là, il y a tout autour de toi une grosse soirée, avec des millions d’autres cigales qui chantent, dansent et s’accouplent dans tous les coins. Et là tu te rends compte qu’il y en a plein d’autres comme toi qui se cherchent un partenaire pour passer un bon moment. Tu ferais pareil. Chaque arbre, chaque mur de maison, chaque réverbère est un lieu adapté à la séduction et à l’accouplement. Contrairement aux criquets, aux sauterelles ou grillons, les cigales mâles ne frottent pas deux parties de leur corps l’une sur l’autre pour produire leur mélodie. La cigale, elle chante par cymbalisation : en contractant des muscles, il déforme une membrane qui produit un cliquetis à chaque fois que celle-ci reprend sa forme initiale. Le résultat est stupéfiant par son volume sonore intense : jusqu’à quatre-vingt-dix décibels ont été enregistrés à proximité d’un de ces insectes, soit autant que le cri poussé par un bébé affamé. Subir une invasion de cigales dans son jardin revient à se trouver au milieu d’une crèche remplie de milliers de bambins en pleurs. Jour et nuit. Pendant deux à trois semaines ! Alors comprends bien que les américains prennent l’affaire très au sérieux. On l’a vu il y a quelques minutes, plusieurs espèces de cigales peuvent sortir de terre la même année et au même endroit. Mais chaque espèce possède un chant qui lui est propre, et qui permet aux femelles de ne choisir comme partenaire qu’un mâle de son espèce, et d’éviter ainsi un accouplement stérile et donc inutile. Une femelle séduite par le chant d’un mâle lui signifie son consentement en battant des ailes juste en face de lui. L’accouplement est expéditif … Ce qui est franchement dommage quand on pense aux 17 années d’attente qui ont précédées … Chaque femelle fécondée sélectionne une plante et loge quelques œufs dans sa tige. Ses jeunes larves émergeront en quelques jours. Elles ont la taille et la couleur d’un grain de riz. Il s’agit de la période la plus dangereuse de la vie des cigales : sans défense, les larves deviennent des proies faciles pour leurs nombreux prédateurs, parmi lesquels les oiseaux, les guêpes ou les fourmis. Alors sans attendre, les larves se ruent vers le sol et s’y enfouissent pour ne plus en sortir durant les prochaines années. Tu connais la suite, puisque … on vient …. juste d’en parler ..
Si tu as m’as bien suivi tu as compris que grâce leur stratégie du nombre, les cigales échappent pour beaucoup à leurs prédateurs. Mais elles n’échappent pas aux maladies, et encore moins aux maladies sexuellement transmissibles. Et l’une des maladies des cigales les plus étranges est celle qui les transforme en … zombie. Une maladie qui a très bien été décrite dans cette étude. Un parasite se montre en effet tout aussi patient qu’elle. Il s’agit d’une maladie fongique. Les spores d’un champignon sont posées sur le sol, et attendent patiemment, pendant 13 à 17 ans, qu’une cigale vienne s’y frotter. D’ailleurs le nom de ce champignon est clair : Massospora cicadina, cicadina pour cigales, car ce sont bien elles qui intéressent le champignon. Lorsqu’une larve sort de terre, les spores dormantes du champignon s’y accrochent et pénètre le corps de leur nouvel hôte. Les spores ne tue pas tout de suite la cigale, qui aura le temps de se métamorphoser en adulte. Ce n‘est qu’alors que le champignon va produire ses symptômes surprenants. L’abdomen des cigales malades se décompose, leurs organes génitaux se détachent et tombent au sol. Bizarrement, alors que ces mâles malades sont à présent incapables de se reproduire, leur appétit sexuel est décuplé par leur parasite. Ils chantent comme s’ils étaient en pleine santé, et attirent à eux quantité de femelles séduites par leur énergique mélodie. Malheureusement pour elles, il s’agit d’un chant de sirènes : la cigale séduite par ce chant de sirène est infecté par le champignon dès les premiers contacts intimes. D’autres mâles infectés subissent des symptômes encore plus étonnants et finissent par perdre la tête. Alors qu’ils sont manipulés par leur parasite, ces mâles zombifiés se comportent comme des femelles : ils se dirigent vers un mâle chanteur en pleine santé, agitent leurs ailes comme le ferait une femelle séduite. Lorsque le séducteur se rend compte de la supercherie, il est trop tard, les spores du champignon pénètrent déjà à travers sa cuticule. Rien n’égale la patience de ce champignon : son cycle de développement est parfaitement synchronisé avec celui des cigales. Ses spores s’échappent des cigales infectées, se dispersent dans l’air, tombent au sol et attendent durant dix-sept années, jusqu’à la prochaine génération de cigales.
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Les insectes peuvent être d’excellents parents ! Si tu es convaincu d’être une bonne mère ou un bon père, et bien attends de voir ce dont ils sont capables. Je vais te démontrer dans cet article que d’excellents parents on en trouve aussi chez les insectes ! Alors comme à la bonne vieille époque de ma thèse de doctorat sur les comportements des insectes, je me suis plongé dans la littérature scientifique pour t’épingler quelques découvertes étonnantes. Si les soins parentaux sont en général très communs chez les animaux, ce n’est pas vraiment le cas des insectes. Ceux qui sont ovipares abandonnent aussitôt leurs œufs dans un coin alors que les vivipares donnent naissance à des petits bien formés mais qui n’ont qu’à tirer leur plan tout seul un fois nés. Ne leur en voulez pas, la pression de sélection naturelle les a forcés à favoriser la stratégie du nombre : c’est-à-dire à produire une grande quantité de descendants, mais à limiter les soins parentaux en espérant que sur les centaines de bébés, l’un ou l’autre parvienne à survivre. Résultat, pour vous dire la vérité, seulement 1 % des espèces d’insectes s’occupent de leurs jeunes. Mais pour ce 1% d'espèces d’insectes là, la stratégie est toute différente. Déjà bien souvent il y a moins de jeunes par parent, mais les parents s’en occupent, un peu, ce qui leur garanti de meilleures chances de survie. C’est ce qui est arrivé aux insectes soumis par exemple à de trop nombreux prédateurs. Produire 1000 œufs et les voir tous se faire dévorer, ça n’avait pas de sens. Donc pour ces insectes, il valait mieux n’en produire que 100 mais les protéger un tout petit peu. Les plus anciennes preuves de parentalité que l’on ait découvert à ce jour date d’il y a 520 millions d’années. D’ailleurs les animaux n’avaient pas encore colonisé la terre ferme. Ces preuves fossiles mettent en scène une créature primitive ressemblant à une grosse crevette qui nageait le long du fond sablonneux d'un océan. Si cette crevette avait été seule, il n’y aurait rien eu de fou à cette découverte, sauf qu’à ses côtés, plusieurs de ses petits ont aussi été fossilisés. Ils suivaient leur parent, père ou mère avant que tout le groupe ne soit enseveli dans des sédiments fins pour l’éternité. Aujourd'hui, ces traces fossiles qui datent donc d’il y a plus d'un demi-milliard d'années nous démontrent que ces tout premiers arthropodes fournissaient des premiers soins parentaux. Au moins protégeaient-ils leurs petits en les accompagnant pendant leurs premières heures de vie. Aujourd’hui cet ancêtre des insectes a donc de nombreux descendants parmi lesquels certains ont aussi cette caractéristique originale de s’occuper de leurs jeunes. C’est le cas des blattes siffleuses de Madagascar, dont le rôle de parent a été découvert il y a une 20aine d’années. Elles, elles se sont sans doute dit un jour qu’elles devaient être de meilleurs parents, et d’assurer au moins le service minimum. Et donc peu de temps après avoir expulsé les œufs, la femelle expulse de son corps une matière blanchâtre et translucide. Ce fluide reste collé à son corps et les larves qui émergent des œufs se jettent illico dessus pour s’en nourrir. Elles fournissent donc le premier repas à leurs bébés. Les perce-oreilles, qu’on appelle aussi les forficules, sont aussi d’excellents parents. Chez certaines espèces, les soins parentaux commencent avant même que les petits ne quittent l’œuf. Après la ponte, les futures mères surveillent les œufs et empêchent les prédateurs de s’en approcher. Elles les lèchent aussi pour les nettoyer, et en particulier pour éliminer les moisissures qui pourraient les faire pourrir. En plus, cette étude a démontré que la salive de cette jeune maman contient des bactéries qui vivent en symbiose avec elle. Alors une fois que les larves sortent des œufs, la maman les lèche à nouveau et ainsi dépose sa salive qui est à la fois antibiotique et antifongique. Résultat, alors que seulement 4 % des œufs de perce-oreilles éclosent lorsqu’ils sont laissés sans surveillance, 77 % des œufs léchés par la mère arrivent à l’éclosion. D’ailleurs les auteurs précisent que chez certaines espèces de perce oreilles, c’est le papa qui se charge du boulot. Chez certaines rares espèces, les parents et leurs enfants vivent même en famille. Et dans ces cas, les deux parents participent en fournissant protection et nourriture. Chez les punaises d'eau c’est le père qui charge les œufs fécondés sur son dos jusqu'à ce qu'ils éclosent. Les chercheurs démontrent que le transport des œufs rend le papa plus lent et plus vulnérable à la prédation. Il doit aussi dépenser plus d’énergie pour se trouver à manger et faire une croix sur tout autre accouplement tant que les petits ne sont pas nés. On vient de voir quelques insectes qui prennent soins de leur petits, mais dans la suite, on va découvrir bien mieux. En Australie, la guêpe Abispa ne se contente pas de nourrir ses petits, puisqu’elle leur fabrique aussi un nid d'argile. Une maison qui pèse -une fois terminée- jusqu’à un demi kilo tout de même, et qui va permettre d’accueillir la descendance, en leur offrant un toit. Les chercheurs de cette étude ont montré que la mère vouait sa vie à l’approvisionnement du nid en nourriture. C’est qu’elle ne chôme pas, des petits voient le monde continuellement. En plus des repas, elle nettoie la maison, fait les réparations, défend le nid contre la venue des prédateurs. Et le papa pendant ce temps-là, hum … il tourne juste autour du nid, et attend de pouvoir s’accoupler à nouveau. Chez les nécrophores, on passe au niveau supérieur. Déjà les œufs sont pondus dans un trou creusé sous terre à côté du cadavre d’un petit animal. Oui ils adorent l’odeur de ce voisinage et pour tout vous dire, la charogne en décomposition c’est ce qu’ils préfèrent manger. On appelle cela des nécrophages. Une fois les larves nées, les parents font des aller-retour entre la charogne et la crypte. Ils vont prendre une bouché de viande en décomposition avant de revenir voir les petits et la leur vomir dans la bouche une potée magique riche en bonnes choses pour leur santé. Et plus les petits supplient leurs parents, plus ceux-ci vomissent. S’il n’y a pas assez de charogne pour tout le monde, les parents éliminent les larves les plus exigeantes. Oui, ça peut paraître dur comme éducation, mais cela garantit la survie des frères et sœurs les moins nécessiteux. Note que les parents restent unis jusqu’à ce que leurs larves atteignent l’âge adulte. Avant de passer aux meilleurs parents de la classe des insectes, j’avais envie de souligner l’inventivité de certaines guêpes Polistes. Alors elles, elles ne savent pas comment on fabrique un nid et en fait elles n’ont absolument pas envie d’essayer, parce qu’elles n’ont aucun instinct maternel … ou paternel. Oui ni les mâles ni les femelles ne savent comment on s’occupe des enfants. Pourtant leur bébés ont besoin de soin, donc il est hors de question de les abandonner à la naissance. Alors un jour une femelle s’est dit: « et si j’allais les abandonner dans la maison des voisins ? ». Et là le futur père il a sans doute répondu « Oui bonne idée, mais comment tu vas rentrer chez eux ? Elles sont nombreuses les guêpes voisines, et leur maison est bien gardée. Tu vas te faire démolir si tu tentes de rentrer dans l’une de leur chambres ? ». On n’est pas très sûrs de ce qu’elle a répondu ce jour-là la femelle, mais ces chercheurs, eux ils ont montré que cette future mère avait choisi de se déguiser chimiquement. Elle fait en sorte d’avoir la même odeur que les guêpes voisines, et donc elle n’est pas identifiée comme un intru. Ainsi elle parvient à pénétrer incognito chez les futurs parents adoptifs, elle dépose quelques œufs et déguerpi rapidement sans se faire repérer. Et enfin le prix de meilleurs parents ‘catégorie insectes’ est remis conjointement à toutes les espèces d’insectes eusociaux : abeilles, fourmis, termites et tous les autres qui peuvent se vanter d’avoir atteint le niveau d’organisation sociale le plus élevé. Même nous les humains on n’a pas atteint ce dernier niveau, c’est vous dire ! Alors en quoi cela consiste-t-il l’eusocialité ? Et bien les espèces animales eusociales ont 3 caractéristiques essentielles : (1) elles vivent en groupe évidemment, un groupe au sein duquel vivent en harmonie jeunes et moins jeunes individus; (2) ces espèces prennent soins de leur petits et ces soins sont coopératifs, ça veut dire qu’ils ne sont pas nécessairement donnés par la maman ou le papa, mais par la communauté toute entière; et enfin (3) sont eusociales les espèces qui en plus de tout cela, divisent leur membre en castes, c’est-à-dire des groupes spécialisés de travailleurs au sein d'une colonie, chacun ayant des rôles spécifiques. Par exemple, dans une colonie de fourmis, il y a des ouvrières chargées de la collecte de nourriture, des soldats pour la défense, et une reine pour la reproduction. C’est ainsi que si on regarde de plus près une colonie d’abeilles, on constate à quel point tout est là pour parler de soins parentaux optimaux ! La reine pond et c’est la seule à le faire, elle est donc la mère de toutes les ouvrières de sa colonie. Mais elle ne s’occupera pas elle-même de ses petits. Chacun de ses enfants a sa propre chambre, puisqu’un œuf unique est pondu dans chacune des cellules en cire construite et façonnée par l’une de ouvrières de la colonie. Après l’éclosion, les larves restent dans leur chambre personnelle et des ouvrières leur apportent à volonté une bonne potée, qu’on appelle la gelée royale et qui est cuisinée par les ouvrières. Une fois un peu plus grande on leur apporte plutôt du miel et du pollen jusqu’à l’âge adulte. A l’âge adulte elles doivent à leur tous s’occuper de leurs petites sœurs, en les nourrissant puis en agrandissant le nid, en l’entretenant le nid ou en le ventilant. Il y a vraiment beaucoup à dire sur les abeilles, mais tu as compris que les soins sont ici aux petits oignons. |
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AuteurFrançois Verheggen, Professeur de Zoologie, Université de Liège Archives
Septembre 2024
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