Pour les humains, laisser sortir un petit gaz peut soit être un véritable soulagement, soit être un incident très gênant, ou bien encore être l’occasion d’une blague bien grasse. Mais pour de nombreuses créatures du Règne animal, laisser échapper un pet ne prête absolument pas à rire. Le pet bien préparé, celui qui provient du fond des boyaux d’un animal, peut-être un outil d’intimidation, un stratagème de défense, voire une arme nauséabonde destinée à tuer. Même s’ils ne sont pas tous mortels, on verra que certains peuvent ruiner la vie des voisins. Et je commence tout de suite par le pet mortel de la chrysope perlée, un minuscule insecte aux ailes poilues dont les flatulences sont aussi silencieuses que funestes, c’est en tout cas la conclusion que je tire de cet article publié dans la très sérieuse revue Nature. On peut y lire que maman chrysope vient déposer des œufs à proximité d’une colonie de termites. Que les larves qui sortent de ces œufs ont tellement la dalle qu’elles se ruent vers les couloirs obscurs de la termitières. Elles repèrent des termites et, je cite les auteurs de cette très sérieuse étude : « Les larves se montrent très agressives envers les termites, s’avancent vers elles puis reculent, finissent par orienter leur derrière en direction de la tête de l’une d’elle et lâchent des grosses caisses. En quelques minutes la proie est paralysée, alors qu’elle n’a jamais essayé de s’enfuir ». Les chercheurs ont par la suite démontré qu’un seul pet peut immobiliser simultanément 6 termites pendant trois heures. Ces pets toxiques donnent le temps à la larve de chrysope perlée de dévorer ses proies, pourtant bien plus grosses qu’elle. Et ces travaux ont aussi révélé que l’odeur n’avait aucun effet sur les mouches, les cloportes ou toutes autres bêtes qu’on pourrait retrouver dans les couloirs d’un nid de termites. Autrement dit, cette arme chimique n’a été développée que pour atteindre les termites. Du tout grand art. Est-ce que le pet de chrysope perlé est le pire pet du Règne animal ? Vous allez être surpris par ce qui suit. Continuous donc d’explorer la question du prout. Déjà parce que le prout, c’est rigolo. Mais aussi parce que cela peut être un sujet très sérieux ! On l’a compris les humains sont loin d’être les seuls à avoir des flatulences. Les chiens en ont. Les mille-pattes en ont aussi. Les dinosaures en avaient. Les moules petent peut-être, alors que les crabes ne pètent pas… semble-t-il. Il y a quelques années les scientifiques ont entrepris de répertorier toutes les espèces qui pètent. Ainsi, des spécialistes du prout animal avaient même créé un espace de partage d’information, afin que leurs collègues du monde entier puissent faire savoir si l’animal dont ils sont les experts pètent ou non. C’était très sérieux, les chercheurs devaient inscrire le nom de l’espèce animale, dire à leur connaissance ils petaient, et apporter des preuves scientifiques. Ces petits rigolos avaient même baptisé leur fichier de partage « Does it Fart ? », que l’on pourrait rigoureusement traduire par « Est-ce qu’il lâche des grosses caisses ? ». Le projet a tellement fait rire les scientifiques du monde entier que les auteurs ont décidé d’en écrire un livre. Dans ce bouquin tu y découvriras que dans la team des adeptes de flatulences on retrouve le blaireau, le cafard, le lion, la moufette, le paresseux, le rat, le wombat, le lièvre, le lémurien, la girafe ... D’ailleurs j’aime bien la remarque du chercheur qui écrit « Oh bon sang oui la girafe pète, et généralement à hauteur du nez d’un humain moyen ». Celui du python molure serait je cite « silencieux mais mortel ». Certains avancent que les lynx auraient les pires pets du monde. Mais ça c’est faux j’ai vérifié je vais te le présenter dans un instant le pire pet du monde. Figure-toi que les mouches pètent aussi. Et donc oui c’est techniquement possible qu’une mouche pète puisqu’elle possède comme tous les insectes un système digestif avec au bout un anus, et donc elles font le plus naturellement du monde des mini-pets heureusement inaudibles à l’oreille humaine. Je précise que globalement les insectes ont à peu près tous des flatulences, il y a même des chercheurs qui les ont étudiés chez 110 espèces. Je dis chapeau pour ce beau boulot les gars. Il a les animaux qu’on pensait innocents … mais finalement pas du tout : et parmi ceux-là il y a des vers marins, les moules et les huitres. Cette étude montre d’ailleurs que les flatulences de ces animaux seraient responsables de 10% des émissions de gaz à effets de serre en mer baltique. Des pets constitués de méthane et de protoxyde d’azote. Un cocktail explosif, si je peux me permettre. Il y a des animaux pour lesquels les chercheurs ne sont pas très surs s’ils petent, comme les araignées, les salamandres ou les rotifères. Mais je vais vous dire, pour moi, ce n’est pas si grave si on décide de ne pas financer les recherches sur ce thème. Et donc jusqu’à ce que l’on démontre le contraire, certains animaux ne peteraient pas du tout : comme les poulpes, les coraux, les crabes ou les anémones de mer. Avant qu’un petit malin ne me dise en commentaire que ce sont en fait toutes les bêtes qui vivent dans les océans, je précise que les requins et les baleines, ils laissent de grosses bulles malodorantes derrière eux. Les oiseaux non plus n’auraient pas de gaz. Ils ont pourtant un système digestif complet, finalement pas si éloigné de celui des mammifères, mais ils ne trimbalent pas les mêmes bactéries et donc ne libèrent pas … de gaz. Sauf quand ils sont malades … apparemment … Bon maintenant que j’ai rétabli la vérité sur qui a des flatulences et qui n’en a pas, on va pouvoir continuer de répondre à la question de départ, les pires pets du règne animal ! Pour certains animaux, se retenir de péter peut s’avérer mortel. Ce petit poisson est un Cyprinodon, que l’on retrouve dans des eaux peu profondes au Mexique, où il se nourrit principalement d’algues et de petits organismes qu’il fourrage dans les sédiments. Soucis, c’est qu’en été ces algues émettent de petites bulles de gaz qui sont avalées par le Cyprinodon pendant qu’il s’alimente. Ce qui fait gonfler son ventre. En grossissant, cette petite chambre à air pousse le poisson vers la surface, ce qui en fait une proie facile pour ses prédateurs. Dans certains cas, l’accumulation de gaz peut être mortelle, car elle comprime les organes jusqu’à les faire éclater. C’est ainsi que des chercheurs ont trouvé des bancs de cyprinodon morts faute de n’avoir pas réussi à péter suffisamment fort et suffisamment vite que pour sauver leur vie. On continue avec des pets inoffensifs bien que particulièrement nauséabonds. Les suivants ce sont sans doute les pets les plus dégueulasses. Pour les sentir ceux-là, il faut se rendre près des côtes localisées au Nord de l’Océan Pacifique. Les lions de mer sont connus pour leur pets nauséabonds causés par leur régime alimentaire. Quand ils ne trainent pas leurs corps lourd sur le bord de l’eau, ils chassent des poissons et des mollusques. Alors ok c’est du poisson bien frais, mais ce sont surtout des proies qui contiennent du soufre en très grande concentration. Et le soufre et bien c’est l’élément chimique que tu retrouves en masse dans tout ce qui sent vraiment mauvais. Par exemple le sulfure d’hydrogène est caractéristique de l’odeur d’œuf pourri, ou encore le dimethyl disulfide émis dans l’air par un cadavre en décomposition. Pendant que nos lions de mer digèrent leur poisson, les bactéries qui vivent dans leur système digestif décomposent les protéines et acides aminés contenant du soufre et libèrent du disulfure d’hydrogène. Ce gaz s’accumule dans le tractus digestif ce qui donne des coliques au lion de mer. L’animal finit donc par expulser ces gaz, libérant de fortes odeurs nauséabondes. Certains experts n’hésitent pas à parler des pets les plus dégoutants. Si les lions de mer, eux, ne contrôlent pas vraiment leurs flatulences, d’autres maitrisent l’art du lâché de gaz, et coordonnent leur pets … intelligemment. Plusieurs espèces de serpents usent d’une tactique connue sous le nom de « cloacal popping » [souffle du cloaque]. Le cloaque c’est l’organe de ces animaux chez lesquels le système digestif fini dans la même poche que le système reproducteur ou le système excréteur. Et bien ces serpents absorbent de l’air dans ce cloaque, et l’expulsent ensuite très bruyamment. Ces chercheurs-ci ont étudié les pets de serpent dans le détail. Et ont démontré que le bruit est si impressionnant qu’il fait fuir les prédateurs éventuels. J’ai lu l’article il est passionnant, je vous assure. Ils ont produit des sonogrammes pour déterminer la fréquence du son produit par les prouts de serpents, leur durée moyenne … ils ont même fait des photos du *** des serpents en question. C’est passionnant. J’ai encore envie de vous livrer quelques anecdotes, notamment vous parler des pets des paresseux et des harengs, je vais le faire dans un instant, mais avant je vais arrêter de vous faire languir et vous annoncer quel est l’animal dont les pets provoquent des tempêtes. C’est un pet dangereux, le plus dangereux sans doute. Cette flatulence vient d’un mammifère anodin que l’on croise très fréquemment, particulièrement si on vit à la campagne. J’ai nommé la vache. Alors déjà un chiffre qui m’a étonné quand j’ai préparé cet article : selon la FAO, il y aurait un milliard de vaches sur notre planète, élevées pour leur lait ou leur viande. Comme les chèvres ou les girafes, ce sont des ruminants. Et c’est une des raisons de la dangerosité de leur pets. La vache a trois préestomacs plus l’estomac à proprement parlé et qui sécrète les sucs gastriques. Ensemble ils sont chargés de la rumination et de la digestion grâce à des bactéries. Ruminer est un processus qui permet aux ruminants d’extraire un maximum de nutriments de leur diète, mais il est aussi à l’origine d’une grande production de gaz. Comme pour d’autres animaux que l’on a vu dans cet article, les vaches émettent quantité de méthane, l’un des principaux gaz à effet de serre qui causent le réchauffement climatique. Un kilo de méthane séquestre des dizaines de fois plus de chaleur dans l’atmosphère qu’un kilo de dioxyde de carbone. Étant donné qu’une vache libère jusqu’à 100 kg de méthane par an, et qu’elles sont donc, on l’a vu, très nombreuses, et bien ces animaux sont devenus malgré eux une des plus grandes causes des changements climatiques, contribuant pour 5 à 15 % des émissions de gaz à effet de serre. Les changements climatiques, ce n’est pas simplement un réchauffement global de la planète, mais c’est aussi des évènements extrêmes plus fréquents, comme des périodes de sècheresse, des pluies diluviennes, ou … des tempêtes anormalement violentes. Donc les pets des vaches, provoquent des tempêtes. C’est pourquoi je pense que même si certains animaux ont des pets plus bruyants, plus nauséabonds ou plus toxiques, les flatulences des vaches sont pour moi les plus dangereux. Mais on va finir sur deux dernières histoires de prout plus comiques :
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AuteurFrançois Verheggen, Professeur de Zoologie, Université de Liège Archives
Novembre 2024
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