Pourquoi sommes-nous la seule espèce animale à développer de la poitrine ? On compte 6500 espèces de mammifères, 6500 espèces donc qui allaitent leur petits à l’aide de mamelles, mais seulement une seule espèce voit sa poitrine se développer indépendamment d’une grossesse, et donc indépendamment d’une période d’allaitement. Oui car contrairement à la poitrine de la femme, qui se développe lors de la puberté et ne disparait jamais, les poitrines des femelles des 6499 autres espèces ne gonflent que lors de l’allaitement, et retourne ensuite à leur taille de départ, quasi inexistante. Pourquoi ? Et bien comme toujours je me suis plongé dans la littérature scientifique pour vous et je vais répondre à plusieurs questions dans cet article :
Il y a quelques années, après l’un de mes cours de zoologie à l’Université, l’une de mes étudiantes vient me voir et me demande pourquoi les humains, et les femmes en particulier, sont les seules à avoir de la poitrine à la puberté et à la garder à vie. A l’époque je n’étais pas sûr de la réponse, je lui ai donc dit que j’allais me renseigner. Ce que j’ai fait. Je m’étais alors plongé dans la littérature scientifique et je m’étais d’abord aperçu d’un truc : il y a des tonnes de chercheurs et chercheuses qui se sont penchés sur la question de la poitrine ! Chez les humains bien sûr, mais aussi chez les autres animaux ! Certains d’entre eux publient d’ailleurs depuis des années sur ce thème, et y ont consacré toute leur carrière scientifique. A l’époque déjà, je me suis rendu compte qu’on était loin d’avoir les réponses à cette question. J’ai donc répondu à cette étudiante qu’« on ne sait pas très bien pourquoi ». Alors lorsque j’ai voulu préparer cet article, je suis retourné voir si de nouvelles découvertes avaient été faites, et si je pouvais enfin apporter quelques éléments de réponses. On pourrait déjà rappeler que la poitrine, c’est un truc de mammifères. Comme les chiens, les lièvres, les éléphants ou les baleines, les humains font partie des quelques 6500 espèces de mammifères, des animaux qui ont notamment comme particularité d’allaiter leurs petits. Quelques chose que ne font donc pas les reptiles, les insectes, les oiseaux, les vers ou les amphibiens. Même si pour les amphibiens, j’ai justement publié cette découverte qui date de début 2024 et qui montrent qu’un amphibien allaite ses petits, mais ce n’est pas tout à fait la même chose comme allaitement. A part quelques exceptions, toutes les femelles mammifères disposent de mamelles pour allaiter. D’ailleurs mammifères, signifie « qui porte des mamelles », du latin mamma qui veut dire … « mamelle ». C’est sans doute de la que vient aussi le mot maman. Et c’est à Linné, que l’on doit cette appellation de mammifères. Les mammifères allaitent donc leurs petits à l’aide d’un lait sécrété par des glandes que l’on ne retrouve que chez les femelles de cette classe d’animaux. Mais une différence majeure apparait lorsque l’on compare les mamelles des femmes qu’on appelle donc des seins, et les mamelles des femelles des autres mammifères. Chez les 6500 espèces de mammifères, la poitrine ne se développe que durant la période de lactation. C’est pourquoi les mamelles des femelles d’éléphants, de singes ou encore de pangolins ne sont pas proéminentes. Une femelle n’ayant jamais eu de petits n’a tout simplement pas de mamelles développées. Alors que chez l’humain, la poitrine de la femme se développe indépendamment de la lactation, au cours de la puberté, en accumulant de la graisse. Et la taille et la forme est à peu près stable au cours de la vie. Alors ne me faite pas dire ce que je n’ai pas dit : évidemment la poitrine gonfle aussi durant la grossesse humaine et la lactation, mais c’est une période passagère, comme pour les autres mammifères. On compare souvent à raison l’humain avec les autres primates, et particulièrement les chimpanzés et les bonobos avec lesquels nous partageons une longue histoire évolutive. Les femelles des bonobos ont des mamelles qui gonflent en période de réceptivité. Les spécialistes estiment que ces mamelles gonflées informent visuellement les mâles de la disposition des femelles à s’accoupler, mais ne seraient aucunement des stimuli érotiques. Et de plus les mamelles rétrécissent en dehors de ces périodes de réceptivité. Force est donc de constater que la présence de seins qui restent hypertrophiés après la puberté, est une différence que nous avons avec les autres mammifères et les autres primates en particulier, au même titre que la taille de notre cerveau, la marche à pied verticale ou un corps dépourvu de poils. Mais pourquoi ces réserves de graisse sont-elles permanentes sur la poitrine des femmes ? Pourquoi au cours de l’évolution de nos ancêtres, les femelles ont développé cette poitrine permanente ? Pourquoi on n’a pas conservé le même caractère que les autres mammifères, celui d’une poitrine qui ne gonfle que lors de la grossesse ? Sur ce thème particulier, j’ai trouvé une énorme quantité de travaux scientifiques. Certains avancent que la poitrine se serait développée il y a plus de 5MA lorsqu’on est passé de la marche à quatre pattes à la bipédie. A cette époque, la poitrine n’était plus cachée entre les quatre pattes, comme c’est le cas pour les autres mammifères, et est devenue exposée aux yeux de tous. C’est sans doute alors qu’elle s’est développée. On verra plus loin dans l'article que tout le monde ne partage pas cette analyse. Mais pourquoi est-elle apparue ? Et bien, les chercheurs ont formulé un certain nombre d’hypothèses mais ont aussi régulièrement démontré que ces hypothèses ne tenaient pas debout. Première hypothèse que j’ai trouvée, et que les chercheurs ont formulé à une époque : Lors des prémisses de notre espèce, la poitrine développée de manière permanente permettait à la femme de cacher son statut reproductif. Je veux dire par là, cacher aux autres si elle en période féconde ou non. Je m’explique. Chez les mammifères, un comportement classiquement observé chez les mâles consiste à surveiller en permanence une ou plusieurs femelles qu’ils accaparent, afin de repousser les autres mâles et s’assurer que la femelle n’ait pas de relations avec ceux-ci. Du point de vue de la femelle, c’est ennuyant, car cela limite son épanouissement sexuel. Mais le mâle baisse sa surveillance lorsque la femelle est enceinte ou en lactation. Tout simplement parce qu’une femelle mammifère qui allaite, n’ovule temporairement plus, et n’est donc pas féconde. Pas de risque pour le mâle dominant qu’un autre mâle vienne féconder ‘sa’ partenaire. Soyons clair, ce n’est pas une question de jalousie, le mâle ne la surveille pas vraiment pour éviter de se sentir ‘cocu’, mais pour éviter que la femelle ne soit fécondée furtivement par un autre. Parce que ce premier mâle se retrouverait donc à protéger et nourrir un petit qui est celui d’un autre mâle. Et ça, c’est ennuyant pour le mâle. Les chercheurs ont émis l’hypothèse qu’au cours de l’évolution des humains, la poitrine est une « astuce » qui aurait permis aux femelles d’augmenter le nombre de leurs aventures sans que le mâle du coin fasse trop sa loi. Les femelles qui avaient de la poitrine à tout moment, aurait été moins surveillées, et donc auraient eu plus d’accouplement. Mais cette hypothèse a été écartée par les chercheurs pour plusieurs raisons : notamment parce que si un mâle ne la surveille pas c’est qu’il considère qu’elle n’est pas réceptive, et donc les autres mâles devraient avoir la même interprétation que lui, et se détourner des femelles qui ont de la poitrine. Deuxième hypothèse : la poitrine développée c’est avantageux pour l’enfant qui peut s’alimenter continuellement en étant assis sur les hanches de sa mère. C’est moins d’effort pour la mère qui ne doit pas le porter jusqu’à ses mamelles. Cette hypothèse se base sur le fait que les humains n’ayant pas de poils, ce qui est unique pour les mammifères terrestres, on est les seuls à ne pas avoir de poils. Et donc nos petits ne peuvent pas se suspendre au pelage de leur mère pour téter. Pour compenser l’absence de poils, la poitrine se serait développée, afin de permettre au petit de manger depuis une position assise sur les hanches de maman. Mais ça ne tient pas non plus la route car les nourrissons en bas âge ne peuvent se tenir assis, alors que c’est justement la période à laquelle ils doivent manger le plus fréquemment. 3ème hypothèse avancée dans la littérature scientifique pour expliquer les poitrines permanentes des femmes : La taille de la poitrine est un indicateur de la fertilité d’une femelle, de sa capacité reproductrice. Les chercheurs émettaient donc l’hypothèse qu’historiquement les mâles préféraient des partenaires avec une poitrine, car cela leur donnait l’indication d’une bonne mère pour leur futurs petits. Alors il y a plein de choses à dire sur cette hypothèse, mais je vais tenter d’être synthétique. La première chose à savoir c’est qu’il existe beaucoup de rapports scientifiques qui démontrent que le succès de reproduction est lié aux taux de deux hormones : la progestérone et l’œstrogène sous l’une de ses formes. Plus ces deux hormones sont abondantes dans le sang d’une femme, plus grandes seront ses chances d’avoir un enfant après un accouplement. Et une étude publiée en 2004 démontre que les femmes possédant un large tour de poitrine présentent des niveaux de ces deux hormones plus élevés, ce qui serait associé à une meilleure fécondité. Leur idée c’est donc que les seins gonflés informent les mâles de la fertilité de la femelle. Mais premier problème : les scientifiques ne sont pas d’accord, notamment ceux de cette autre étude très récentes menée en Californie, qui démontre le résultat inverse: il n’existe selon eux aucune relation entre le tour de poitrine et la fécondité d’une femme. Pour être honnête, je n’ai pas non plus trouvé d’étude qui démontre le lien directe entre la taille de la poitrine et la fécondité ou la survie des nourrissons. Et même si c’était le cas, si effectivement une étude sérieuse devait démontrer que la survie des nourrissons était liée à la taille de la poitrine, on n’aurait pas encore démontré que c’est comme cela que la poitrine a été maintenue au cours de l’évolution d’Homo sapiens. Il faudrait encore démontrer que les mâles de l’époque ont privilégié les femelles disposant d’une poitrine développée. Puis je fais une précision importante : le volume des seins avant grossesse ne conditionne en rien le volume de la lactation. C’est juste des tissus fibreux, ou conjonctif, qui sont plus ou moins abondants chez certaines femmes. Donc pour résumer on ne peut pas rejeter complètement cette 3ème hypothèse. 4ème hypothèse : Indépendamment d’un lien entre fécondité et présence de poitrine, des chercheurs avancent que les femelles ayant disposé d’une poitrine développée, auraient connu un meilleur succès reproducteur, car les mâles de l’époque auraient été attiré par leur poitrine. En privilégiant les femelles ayant une poitrine développée, les mâles auraient opéré une sélection sexuelle sur ces femelles. Et au final la caractéristique de développer une poitrine à la puberté aurait été conservée. Oui, beaucoup de chercheuses et chercheurs affirment qu’au cours de l’évolution humaine, les seins permanents ont aidé les femmes à attirer des partenaires. Comme les plumes des paons mâles, les seins servaient il y a longtemps comme message adressé au sexe opposé : « Hé, regarde ça ! J’ai des seins, je suis en bonne santé, reproduis-toi avec moi ! Tes bébés j’en prendrai bien soin ». Mais pour que cette quatrième hypothèse tienne la route, les chercheurs doivent démontrer alors que certaines qualités particulières des seins, comme certaines tailles ou certaines formes, plaisent plus aux hommes que d’autres. Existe-t-il donc un lien clair entre les caractéristiques mammaires et les goûts des hommes ? Je vais vous décevoir mais la science se dispute sur la réponse à apporter à cette question. La plupart des études que j’ai consultées se basent sur l’usage de photographies de femmes dénudées, souvent des photographies générées et modifiées par ordinateur pour avoir plusieurs photos du même personnage féminin, mais avec des formes corporelles variables. Et les participants devaient souvent répondre à des questionnaires pour évaluer leur attrait pour certains modèles. Certaines études étaient plus comiques, parce qu’elles faisaient usage de caméra qui suivaient le regard des participants. Vous voulez un échantillon d’études ? Allé c’est parti.
Ces études permettent de mieux comprendre l’origine de la poitrine permanente, ce qui est une spécificité humaine. Si la science confirme que la poitrine est attirante aujourd’hui pour l’homme, rien n’est sûr pour les préhumains. De plus, rien n’indique que la taille de la poitrine ait été un facteur de sélection sexuelle exercée historiquement par les mâles, il y a plusieurs millions d’années, puisque aujourd’hui en tout cas, la taille n’a pas d’importance dans de multiple situations. Peut-être que finalement la réponse à notre question de départ se trouve dans une récente recherche qui avance que le développement permanent de la poitrine, mais aussi des fesses, ne serait que la conséquence de l’alimentation d’un de nos ancêtres, le bien nommé Homo ergaster. Ces chercheuses avancent en effet qu’il y a 2 MA, avec l’augmentation de la consommation de viande, les corps féminins auraient produit de plus grandes quantités de certaines hormones, comme la déhydroépiandrostérone. Cette hormone provoquerait l’accumulation de graisses dans ces deux régions du corps, menant à une hypertrophie permanente de la poitrine. Et puisque les autres primates n’ont pas connu cette hausse de la consommation de viande dans leur évolution, ils n’ont jamais développé de poitrine permanente. Toujours selon ces scientifiques, les seins auraient ensuite été récupérés pour d'autres fonctions, comme celle d’attirer des partenaires et indiquer leur état biologique. En conclusion, les poitrines permanentes sont le propre de l’espèce humaine. Alors que les mamelles jouent quasi exclusivement un rôle fonctionnel dans la lactation et les soins aux nourrissons, seul l’humain semble porter son attention sur la poitrine féminine. On ne sait pas très bien pourquoi d’où vient cette poitrine permanente, même si différentes hypothèses sont toujours en lice et doivent être confirmées dans les prochaines années. Et il semble clair que de nombreux facteurs, notamment culturels, impactent l’attraction mammaire observée chez l’homme. Un phénomène qui reste unique parmi les animaux.
1 Commentaire
26/11/2024 16:48:18
L'approche de cet auteur est fondée sur l'approche de l'évolution. C'est pourquoi il ne trouve pas de réponse à l'origine de la poitrine de la femme. Par observation, remarquez qu'à la naissance, le jeûne garçon et la jeune fille ont la même poitrine. A la puberté, l'un comme l'autre subisse des transformations hormonales. Chez le jeune hommes, les tétons se gonflent et en les appuyant, ils produisent un liquide visqueux. Mais ce phénomène disparaît après un temps. Mais il commence à produire du sperme, chez la jeune fille, l'ovulation survient, avec l'apparition des seins la prédisant à l'enfantement. Bref. La Bible dit: "Dieu vit que cela était bon". Elle ajoute: "Je te loue de ce que je suis une créature si merveilleuse, et mon âme le reconnaît bien". Pour ne pensez-vous pas que le femme créée à son image et à sa ressemblance, soit ainsi. Observez bien: Elle a eu et elle les aura toujours. Il n'y aura pas d'évolution en cela. Bien à vous.
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AuteurFrançois Verheggen, Professeur de Zoologie, Université de Liège Archives
Novembre 2024
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