Des perruches envahissent l’Europe ! Elles sont aujourd’hui omniprésentes dans de nombreuses grandes villes comme Paris, Bruxelles, Madrid ou Rome. Si elles ont apporté de magnifiques couleurs dans nos rues, on sait aujourd’hui à quel point elles impactent négativement notre environnement, au point d’être considérées comme des espèces invasives. Je me suis plongé dans plusieurs récents rapports afin de vous préparer cet article, au cours duquel on va découvrir qui sont ces perruches exotiques, d’où elles viennent, quels sont leurs impacts sur nos villes et les animaux qui y vivent. Et enfin on se demandera si on doit limiter leurs populations et si oui, comment faire ? Il y a une vingtaine d’années, on pouvait s’étonner de voir déambulant dans quelques grandes villes européennes des oiseaux aux couleurs inhabituellement chatoyantes et aux cris strident. Aujourd’hui Parisiens et Bruxellois par exemple, ne lèvent même plus les yeux lorsque ces perruches traversent la rue. Venues d’ailleurs, elles se comptent en effet par milliers voire dizaines de milliers d’individus selon les métropoles. Les populations les plus importantes se trouvant au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Belgique, en France ou en Espagne. Sans compter qu’elles posent leurs valises dans de nouvelles villes et de nouveaux pays européens chaque année. Ces perruches appartiennent à la famille des perroquets : en Europe, on en trouve une 10aine d’espèces mais principalement deux : la perruche à collier et la perriche veuve (qu’on appelait avant la conure veuve). Même si on les retrouve toutes les deux un peu partout, la première s’est surtout établie dans le nord (comme dans les villes de Paris et Bruxelles) alors que la seconde a préféré le sud du continent avec des villes comme Barcelone, Montpellier, Athènes ou Rome. Plutôt au Nord donc, la perruche à collier est facilement reconnaissable à son plumage vert pomme, son bec rouge et le collier noir qu’elle a autour du coup et qui lui donne son nom. Elle provient des zones tropicales des continents africains et asiatiques. Au sud, la perriche veuve est également de couleur verte mais avec du gris sur le front et la poitrine, ainsi que du bleu sur les extrémités de ses ailes. Elle, elle est originaire d’Amérique du Sud et particulièrement du Brésil, du Paraguay et d’Argentine. Parmi les autres espèces qu’on retrouve dans certaines villes européennes il y a notamment la Perruche alexandre, qu’on retrouve par exemple à Bruxelles. Mais je te propose de nous concentrer sur la Perruche à collier et la perriche veuve qui sont de loin les deux espèces invasives les plus communes en Europe. D’ailleurs toutes les études que j’ai consultées confirment que leur croissance démographique est extrêmement rapide, elles sont chaque année plus nombreuses. Alors, comment ces oiseaux exotiques se sont retrouvés sur le Vieux Continent, et s’y retrouvent aujourd’hui en grand nombre? Et bien ce sont les humains et leur goût pour les oiseaux en cage qui sont responsables de l’arrivée des perruches dans nos contrées. Les premières apparitions de ces oiseaux en Europe dateraient des années 70, et seraient le résultat de lâchers accidentels ou même sauvages. On peut d’ailleurs dater avec précision certains de ces évènements. En 1974 à Bruxelles par exemple, une quarantaine de perruches à collier ont été libérées par un zoo de la ville. Et la même année, en région parisienne, un conteneur de la zone aéroportuaire d’Orly a malencontreusement laissé échapper une cinquantaine d’individus. Le même scénario s’est reproduit en 1990, cette fois à l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle. Une fois leur liberté retrouvée, ces perruches sont alors devenues citadines. En ville, la température est toujours légèrement plus élevée qu’à la campagne, à cause notamment de la proximité des bâtiments. Les prédateurs y sont plutôt rares et la nourriture y est servie sur un plateau d’argent. Elles affectionnent quantité de fruits et de graines, présents grâce aux plantes d’ornement, qui sont parfois aussi d’origine tropicales et présentes dans les jardins et les parcs. Mais elles profitent aussi de restes de nourriture qu’abandonnent les passants. De plus, pour survivre aux rigueurs de l'hiver, ces perruches peuvent compter sur des habitants bienveillants, qui laissent des aliments dans des mangeoires. Une fois venu le temps des amours, la perruche à collier se met à la recherche de cavités au sein d’un arbre, d’un rocher, ou d’un vieux murs. Elle y installe son nid, ce qui ne fait pas du tout l’affaire des oiseaux locaux. Et bien oui, le nombre de cavités étant limité, une compétition s’installe entre les oiseaux locaux et les perruches envahissantes. Parmi les oiseaux qui paient le prix cher de cette colocation indésirée, il y a les moineaux, les étourneaux, sittelles et mésanges, qui eux aussi sont des usagers fréquents de ces cavités. D’autant que cette compétition, elle est souvent remportée par les perruches. Il faut dire qu’elles possèdent deux armes de poids : Premièrement leur taille qui est d’environ 40 cm. Elles sont donc légèrement plus grandes que les oiseaux locaux, qui peuvent être relativement impressionnés. Mais elles ont surtout la caractéristique de se déplacer et de nicher en groupe. Déjà que les perruches elles sont badasses, mais elles ont aussi l’avantage du nombre. C’est une des raisons qui les rendent si invasives. Elles s’approprient la nourriture et les abris, ce qui leur permet de se reproduire sans difficulté, et donc d’être sans cesse plus nombreuses. A la différence des perruches à collier, la perriche veuve elle … elle ne niche pas dans les cavités mais dans des arbres. Et puisque les arbres manquent parfois dans nos villes, elles se tournent volontiers vers des poteaux électriques. Elles fabriquent leurs nids avec des morceaux de bois, qu’elles accolent les uns à côté des autres. Si bien que leur nid forme un amas de branches pouvant peser plusieurs dizaines de kilos. Alors, doit-on s’inquiéter de la présence et de l’expansion de ces oiseaux colorés ? On vient de le dire, les perruches entrent en compétition avec certains oiseaux, des espèces qui n’ont pas eu le temps de s’adapter et de se spécialiser dans une niche écologique différente à la suite de l’arrivée des perruches. Pour l’heure, quelques rapports scientifiques font état d’un impact significatif sur les oiseaux et chauves-souris locaux. Par exemple à Séville, la Perruche à collier supplante une espèce rare et vulnérable de chauve-souris. En plus, la perriche veuve fabrique des nids communautaires, c’est-à-dire des nids de très grande taille, avec de multiples entrées pour accueillir de nombreux individus. Ils peuvent atteindre plusieurs mètres de large et peser jusqu'à 200 kg. Vu qu’elles peuvent les placer sur des poteaux électriques, les risques ne sont pas nuls pour notre sécurité. Par contre, dans les villes où les populations de perruches sont très denses, certaines de ces perruches partent à la découverte de la campagne environnante. Certains champs et vergers en font donc les frais. Dans leur continent d’origine, les perruches s’attaquent aux cultures, elles peuvent devenir un réel fléau pour les productions végétales. En Inde par exemple, les perruches à Collier ont l’habitude de pénétrer en groupe dans les champs où elles dévorent les céréales et les plantations de citronniers. Là-bas, leur impact économique peut donc être conséquent. En Espagne ces dégâts ont été chiffrés : -30% des récoltes de céréales aux abords de Barcelone à cause des perriches veuves. Mais je tempère un peu : il faut reconnaitre qu’en général ce n'est pas le cas, et on peut décemment conclure que les perruches n’induisent en général pas de dégâts économiques majeurs. Mais il est apparu important de lutter contre ces perruches, au moins pour leur dégâts écologiques. Comment a-t-on procédé ? Dans les années 70 aux états unis, on a aspergé les nids de perriches veuves depuis de hautes échelles à l’aide d’un pesticide, heureusement aujourd’hui interdit partout. J’ai pu lire que de nombreuses stratégies de lutte ont été envisagée dans plusieurs villes européennes, des stratégies parfois étranges, et souvent couronnées de très peu de succès. Par exemple, dans certaines villes d’Espagne, les services communaux grimpaient jusqu’aux nids, et perçaient les œufs avec de fines aiguilles. Auraient-ils pu juste retirer les œufs ? Non, parce que s’ils avaient fait cela les perruches en auraient sans doute rapidement produit de nouveaux. Ainsi au moins, elles se fatiguaient à couver des œufs mort-nés. En Espagne toujours, les perruches ont été simplement tirées au fusil. Cette démarche n’est pas facile à cacher à la population, qui non seulement n’est pas toujours rassurée, mais en plus ne comprends pas pourquoi on décide de tirer de si beaux oiseaux. Ailleurs on a testé sans succès des méthodes de stérilisation chimique ou des piégeages par filets ou à l’aide de cages à appas. Dans tous les cas il apparait important de communiquer vers les habitants pour qu’ils comprennent pourquoi on s’en prend à ces oiseaux. Au final la méthode la plus efficace et la moins couteuse consiste à les tirer dès le début de leur invasion dans une nouvelle ville. Aussi cruel que cela puisse paraitre, c’est en tout cas ce que préconise l’Europe, afin notamment de protéger les espèces d’oiseaux et de chauves-souris locales. Et pour les populations les plus importantes des villes européennes, il est recommandé de les capturer à l’aide de cages, même si l’option est chère à mettre en place, c’est en tout cas la solution qui apparaît la plus acceptée par le public. Mais il parait important de souligner que l’élimination totale des grandes populations urbaines apparaît impossible. Selon certains experts, il faut plutôt apprendre à vivre avec elles. Je me permets de faire le parallèle avec un exemple que je connais bien pour l’avoir étudié longtemps : celui des coccinelles asiatiques. Il y a plusieurs années j’étais interviewé par un programme télévisé belge, appelé Le Jardin Extraordinaire. On m’a demandé ce qu’il fallait faire pour se débarrasser de ces insectes envahissants, et j’avais tenu un discours franc : On doit apprendre à vivre avec ! Si cela avait étonné les présentateurs, aujourd’hui plus personne n’envisage d’éradiquer ces coccinelles. Mon avis est ici le même concernant les perruches : à l’instar de nombreuses autres espèces animales qui se sont introduites chez nous et qui font aujourd’hui partie de nos paysages, il faudra apprendre à vivre avec elles. Et un jour peut-être, la présence de ces oiseaux venus de loin n’étonnera plus personne.
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AuteurFrançois Verheggen, Professeur de Zoologie, Université de Liège Archives
Novembre 2024
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