Préparez-vous à être littéralement émerveillés, parce que les découvertes que je vais vous présenter dans cet article dépassent l’entendement. On va parler de paresseux, mais aussi de papillons, de harpies, de champignons, d’algues vertes, et un peu de 💩 aussi. Je lis des centaines de travaux scientifiques chaque année sur les comportements des animaux. Je ne suis pas blasé, mais disons qu’il m’en faut aujourd’hui beaucoup pour me surprendre. Et pourtant quand j’ai découvert l’histoire que je m’apprête à vous raconter, je suis resté bouche bée. Abasourdi. Ébahi. Je me suis dit, la nature est incroyable. Tout le monde connait les paresseux ! Ils jouissent tout de même d’une réputation rigolote d’animaux fort lents. De prime abord leur vie est enviable, les paresseux représentent en effet le symbole même de la quiétude et de la tranquillité. Ils ont un métabolisme relativement lent, et pourtant croyez-moi, leur existence n’est pas de tout repos. Les paresseux passent la quasi-totalité de leur vie dans les arbres, où ils se concentrent sur leurs deux activités préférées : manger et dormir. Mais une fois par semaine, ils doivent sortir de leur routine journalière et faire face à un danger pour le moins insidieux : celui de la grosse commission. Oui, ils ne vont au petit coin qu’une fois par semaine. Cet événement représente une prise de risque extrêmement importante. Faire caca, se fait au péril de leur vie. Ce qui est génial avec cet article, c’est que pour vous expliquer pourquoi ils risquent leur vie pour aller déféquer, je dois vous parler de papillons, de harpies, d’algues et de champignons. La nature est formidable ! Alors non, ils ne s’accrochent pas à une branche pour se vider leurs intestins. Non, ils prennent la décision de descendre au sol, d’y creuser un trou afin d’y faire leurs besoins. Ce qui est dangereux puisqu’au sol, leurs prédateurs rodent. D’autant que ça dure longtemps : la grosse commission ressemble davantage à un accouchement qu’à un passage rapide aux toilettes. Les paresseux peuvent en effet expulser un quart de leur propre poids en excréments. Un quart ! A votre échelle, ça équivaut à une crotte d’une 20aine de kilos tout de même. Oui les paresseux sont constamment constipés, c’est un phénome normal pour eux. Leur digestion est lente ce qui leur permet de ne s’exposer à leurs prédateurs qu’une fois par semaine. Une fois la grosse commission déposée dans le trou ils repartent illico vers le sommet de leur arbre, certainement un peu plus légers et satisfaits. Je suis certain que les questions qui vous taraudent sont : mais pourquoi diable les paresseux se retiennent-ils si longtemps et … pourquoi prennent-ils autant de risque alors qu’ils pourraient faire exactement la même chose du haut de leur arbre ? Et bien des chercheurs américains ont fait de ces questions toute leur carrière scientifique. Et nos spécialistes de répondre que les paresseux font cela pour aider des papillons ! si si … ils risquent leur vie pour aider des papillons. Mais attendez, on n’est pas au bout de nos surprises. Les chercheurs ont en effet observé que quantité de papillons vivaient sur le pelage du paresseux. Ils volent mal et ne le quittent jamais. Les papillons adultes vivent, s’accouplent, défèquent et meurent dans la fourrure du paresseux. Durant toute leur vie ils y sont à l’abris des oiseaux qui, sinon, les mangeraient. Vous le savez, avant d’être papillons, ils étaient chenilles. Et les chenilles de cette espèce de papillon, elles mangent du caca ! Est-ce que vous commencez à comprendre ? Si notre paresseux laissait tomber ses crottes du haut d’un arbre, ça ne ferait pas du tout l’affaire des papillons. Alors que quand il descend au sol pour déposer sa crotte dans un trou, cela laisse le temps aux papillons de sauter sur la crotte, de déposer leurs œufs, et de revenir sur le pelage du paresseux pour le suivre sur le chemin du retour dans les arbres. A leur naissance, les chenilles prennent alors tout leur temps pour manger le caca du paresseux et se transformer en papillons. Et une fois que c’est fait, ceux-ci s’envolent tant bien que mal jusqu’à trouver un paresseux sur lequel s’installer. Mais pourquoi les paresseux aideraient-ils les papillons de cette manière ? Pourquoi risquent-ils leur vie pour les aider ? Dans la nature il n’y a rien de gratuit. Le paresseux n’a aucun intérêt à dépenser autant d’énergie et à prendre autant de risque pour aider des papillons… a moins que les papillons ne l’aident en retour. C’est le principe des relations de mutualisme : une espèce en aide une autre, et reçoit de l’aide en retour. J’ai déjà parlé de ce type de relation dans une vidéo sur les fourmis et les pucerons, je vous mets le lien ici : Comment des papillons pourraient bien payer le gîte, le couvert et tous les services offerts par le paresseux et son pelage ? Et bien nos chercheurs ont enfin trouvé la réponse ! Et cela a à voir avec l’étrange couleur du pelage des paresseux. Celui-ci est vert, on dirait d’ailleurs que c’est de l’herbe qui lui pousse sur le dos. Cette couleur verte, les paresseux la doivent à la présence d’algues qui s’y développent. Oui, des algues ! C’est étonnant, habituellement les algues ça se développent dans l’eau, mais le pelage des paresseux est capable de retenir tellement d’humidité qu’il leur offre donc un milieu de culture favorable.
Ces algues sont responsables de la couleur vertes et cette couleur elle arrange bien notre paresseux, car il n’en est que mieux camouflé. Grâce aux algues, il passe inaperçus vis-à-vis des harpies féroces, qui figurent parmi ses prédateurs aériens. Le paresseux est donc content d’abriter des algues sur son pelage. Mais ces algues, il faut les nourrir. Elles ne se contentent pas de l’humidité, elles ont besoin de divers nutriments minéraux. Mais comment leur apporter cette nourriture ? Les papillons qui défèquent et meurent dans le pelage du paresseux constituent la source de nourriture des algues. Mais les algues, elles ne savent pas manger et digérer des insectes, fussent-ils morts. Heureusement, la nature est bien faite, car le pelage du paresseux abrite aussi des champignons. Oui je sais ce que tu penses, ça commence à faire beaucoup d’être vivants dans le pelage d’un seul animal. Ces champignons décomposent les restes de papillons et libèrent les minéraux que ces insectes contiennent afin de permettre aux algues de s’en nourrir. Et je complète cette histoire incroyable : quand ils se nettoient, les paresseux mangent une partie des algues présentes sur leur pelage, ce qui complète leur alimentation de nouveaux glucides et lipides digestibles. Je résume : nous avons donc des paresseux qui peuvent compter sur des algues vertes pour les aider à rester camouflés et pour compléter leur alimentation. Ces algues sont nourries à base de restes de papillons, décomposés avec l’aide de champignons. Et pour s’assurer d’avoir toujours des papillons sur leur dos, les paresseux prennent tous les risques pour aller faire caca au sol, afin de leur permettre de se reproduire. Des comportements surprenants comme celui-ci j’en ai rassemblé 30 dans mon premier bouquin, intitulé « Un Tanguy chez les Hyènes ».
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AuteurFrançois Verheggen, Professeur de Zoologie, Université de Liège Archives
Novembre 2024
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