Le Scarabée japonais frappe littéralement aux portes de la France, et parvient même occasionnellement à franchir les frontières. Je suis entomologiste, mon métier c’est l’étude des insectes et, sur demande d’un ministère, je me suis penché pendant deux ans sur ce scarabée nommé Popillia japonica, afin d’évaluer les risques qu’il représente pour la France et les autres pays européens. La conclusion de ces années de travail est qu’il va réussir très bientôt à s’installer en France, comme l’ont fait avant lui le moustique tigre ou le frelon asiatique. Cette fois ce sont les plantes de nos jardins, nos vignobles ou encore nos arbres fruitiers qui vont souffrir. Mais nous ne serons pas épargnés. Avec cet article, je souhaite te présenter cet insecte exotique envahissant, et ce qui nous attends dans les mois ou années à venir. Et ce n’est pas bon du tout. Le Scarabée japonais, en latin Popillia japonica, appartient à l'ordre des Coléoptères et à la famille des Scarabaeidae. Il n’est pas grand, un centimètre de long environ, pour un demi-centimètre de large. Il a un corps de forme ovale et présente une coloration magnifique c’est vrai, aux couleurs métalliques caractéristiques : le thorax et la tête sont d'un vert émeraude brillant, tandis que les élytres, ses ailes antérieures rigides, sont d'un brun cuivré. Les bords de l'abdomen arborent des touffes de poils blancs, formant cinq petites taches de chaque côté et deux à l'extrémité arrière. Cette combinaison de couleurs vives et de motifs distinctifs doit nous aider à ne pas le confondre avec d’autres coléoptères qui lui ressemblent. C’est le cas par exemple du hanneton des jardins, qui n’a pas ces touffes de poils blancs qui dépassent quand tu le regarde de haut ; ou encore l’espèce Anomala dubia, qui a une forme un peu différente et surtout encore une fois qui n’a pas non plus les touffes de poils. Comme beaucoup d’insectes, le scarabée japonais est dit Holométabole, c’est-à-dire qu’il ne nait pas dans sa forme adulte, mais au contraire il va se métamorphoser au cours de sa vie, pour passer du stade œuf, au stade larve, puis nymphe et enfin adulte. C’est exactement ce que font aussi les papillons ou encore les abeilles. La larve de notre Scarabée japonais diffère donc radicalement de l'adulte car elle est dépourvue d'ailes et ne fait que grandir, sans changer de forme. Au dernier stade larvaire, elle s'immobilise et se protège en général, c'est le stade nymphe, qui est l’étape de la métamorphose en adulte. Comme lorsqu’une chenille devient papillon dans la chrysalide, notre insecte se transforme pour acquérir des ailes, une cuticule épaisse, et ses jolies couleurs. Le fait de se métamorphoser complètement permet à l’insecte de vivre deux périodes très contrastées, avec des lieux de vie et des habitudes complètement différentes. Ainsi les larves évoluent à quelques centimètres de profondeur dans le sol. Elles y dévorent les racines de plantes. Une fois adulte, elles vivent en surface et se posent sur les tiges et feuilles qu’elles dévorent alors. Et l’un des problèmes les plus important lié à cet insecte, c’est qu’il a un énorme appétit. En mangeant les racines, les larves empêchent la plante de prélèvement dans le sol l’eau et les nutriments dont elle a besoin. Rapidement en surface, elle s’assèche, on l’impression qu’elle a juste soif, alors que le problème vient de ses racines, maltraitées. Une fois sorti de terre, les adultes laissent une marque beaucoup plus claire de leur présence. Ils mangent les feuilles en laissant soigneusement de côté les nervures, ce qui résulte en un aspect typique de feuille en dentelle. Alors, problème majeur posé par cet insecte, et pas le moindre, c’est qu’il mange de tout, ou presque. On appelle cela la polyphagie, et ce n’est pas toujours le cas chez les insectes phytophages. Prends par exemple le cas de la mouche du brou du noyer, un autre insecte qui a colonisé la France il y a quelques années, les asticots de cette mouche ne mangent que du brou de noix, c’est-à-dire la chaire qui entoure la noix. Et rien d’autre. Donc cette mouche quand elle est arrivée en France, elle n’a fait des dégâts que sur les noyers. Et c’est déjà pas mal. Alors imagine, le Scarabée japonais, on lui a identifié 131 espèces de plantes dont il aime faire son repas. Elles appartiennent à une quarantaine de familles botaniques différentes ce qui montre à quel point ce scarabée peut faire des dégâts partout ! Les rosiers de ton jardin, les arbres fruitiers, les plantes ornementales, les vignes, les tomates, le maïs, le houblon, et même ton gazon. Donc toutes les zones de France sont susceptibles d’offrir à manger à cet insecte, puisque comme tu peux le voir sur cette carte, chaque département offre abrite plusieurs dizaines de ces plantes, d’autant que certaines plantes hôtes sont hyper abondantes, comme les trèfles, les ronces ou les fougères. S’il arrive en France, il ne manquera de rien. D’autant que le Climat Français lui convient très bien. Le Scarabée japonais est originaire … du Japon. Il n’y est pas considéré comme une menace car il est là-bas fort bien régulé par ses ennemis naturels. Mais au début du 20ème siècle, il est parvenu à envahir l’Est de l’Amérique du Nord, avant de migrer en quelques années vers l’Ouest, pour aujourd’hui occuper les deux tiers des États-Unis. Et son invasion impacte la vente et l’exportation de plantes en pépinière. Il crée des dommages au gazon, aux fleurs et aux arbres et engendrent des coûts économiques importants pour les parcs, les terrains de golf, les cultures et les plantes potagères. Résultat, la présence de scarabées japonais exige des investissements importants en pesticides. Et donc cela impacte la santé des gens. En Europe, Popillia japonica a été détecté la première fois en Italie en 2014 dans le parc naturel de la vallée du Tessin sur des plantes sauvages. En 2017, un signalement a lieu en Suisse dans le canton du Tessin, proche de l’Italie. En juillet 2020, des adultes de P. japonica ont été signalés sur des plants de vigne alors que des adultes sont piégés dans la province de Parme. En 2021, c’est dans la ville de Bâle que des adultes sont capturés, et la même année, aussi dans la ville allemande de Fribourg-en-Brisgau, dans le sud-ouest de l'Allemagne ? L’insecte se promène et se tape donc régulièrement l’incruste en Europe, de manière passagère ou comme en Italie et en Suisse, de manière permanente. Aucun doute donc que le climat Français soit parfaitement adapté à l’établissement de population de Scarabée japonais, comme en témoigne les modélisations climatiques réalisées par certains scientifiques. Il va vite pour coloniser l’Europe, et cela grâce aux- multiples moyens de transports dont il fait usage, avec en tête sa propre capacité de vol, mais aussi les plantes qui sont échangées entre pays Européens, et qui sont susceptibles d’héberger des larves sur leurs racines, ou des adultes sur leur feuillage. L’insecte a aussi la fâcheuse tendance à faire de l’autostoppe. Littéralement. Il monte dans des véhicules comme des trains ou des voitures et se fait transporter. On capture d’ailleurs souvent des insectes à proximité de gare ou d’aéroport. C’est ainsi qu’il a réussi à se disséminer rapidement en Italie, dans les régions du Piémont et de Lombardie, qui n’était touchée que très localement il y a moins de 10 ans. Là-bas, le problème est pris très au sérieux, vu les dégâts causés. Des sommes folles sont dépensées pour empêcher la propagation de l’insecte vers d’autres régions ou d’autres pays d’Europe mais aussi pour détruire un maximum d’individus dans les zones infestées. Résultats les cas rapportés de dégâts importants sont relativement rare, pour le moment. Les Italiens rapportent des pertes significatives dans certains en vergers ou vignobles. En Suisse, la situation « reste gérable », pour citer un collègue Suisse. Pas de perte de rendement très importants. Les plus gros couts sont en fait indirects, liés aux méthodes de lutte et de prévention que le pays met en place. Des terrains de football à Bâle on ainsi par exemple été retourné et la terre broyée. En Europe cette lutte est obligatoire, imposée par la réglementation européenne, qui a placé Popillia japonica dans son top 20 des espèces exotiques de quarantaine, dont la présence serait dommageable pour les plantes du continent. Mais bien que ces efforts soient appréciables et obligatoires, il faut se rendre à l’évidence, ce scarabée ne cesse de s’étendre en Europe finira par arriver chez nous. Alors attend toi à voir fleurir ici aussi ce genre de pancarte, mis en place par les autorités pour t’avertir d’y faire attention et de ne pas lui faciliter la vie en l’emmenant avec toi dans le coffre de ta voiture, dans tes bagages ou sur les plantes que tu transporte. Les laboratoires universitaires travaillent actuellement au développement de méthodes biologiques et respectueuse de l’environnement. Car actuellement, les insecticides restent les plus efficaces, mais occasionnent tu le sais des désagréments pour la santé humaine et celle de l’environnement. Ainsi par exemple on recherche des variétés résistantes, on teste des insecticides naturels, on évalue l’impact du travail du sol, de la fauche ou de l’irrigation sur le développement des larves. Les autorités font beaucoup de surveillance aussi dans les zones situées à proximité des régions infestées. Ils utilisent des pièges spécialement conçus pour attraper ces scarabées. On y introduit la phéromone de l’insecte, qui est un parfum très attractif, et qui augmente la portée des pièges. Toujours dans ces régions touchées par l’insectes, les autorités déploient des efforts pour expliquer aux gens la situation et sensibiliser à l’importance de la détection précoce. Et donc si tu veux aider empêcher l’insecte de s’installer chez nous en Europe, tu peux prévenir les autorités si tu devais en identifier un dans ton jardin ou lors de l’une de tes balades. Des outils précieux sont mis en place par des chercheurs soutenu par l’Europe. Je te recommande le site www.popillia.eu si tu veux en savoir plus. En France tu peux encoder tes observations sur determinobs.fr, ou utiliser l’application INPN espèces, INPN pour inventaire national du patrimoine naturel. En Belgique sur observations.be et en Suisse sur infospecies.ch. Fais aussi en sorte de ne pas les ramener dans tes bagages, par exemple en ramenant des fruits de pays exotiques. Ce qui par ailleurs est souvent interdit et pourrait t’attirer des ennuis. Et si on devait un jour t’informer de leur présence dans ta région, alors aide les autorités en respectant leurs instructions.
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AuteurFrançois Verheggen, Professeur de Zoologie, Université de Liège Archives
Septembre 2024
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