A l’image de la biodiversité, les populations d’insectes sont en déclin. On peut les aider mais pas n’importe comment. Et donc ici je vous ai rassemblé 4 gestes qui peuvent paraitre de bonnes idées, mais qui en fait n’en sont pas. Et je commence avec les hôtels à insectes. Ils ont une très belle image auprès de chacun d’entre nous. On nous les a présentés comme des outils formidables pour faire revenir la biodiversité entomologique. Des entreprises, des communes, des particuliers ont parfois dépensé des sommes folles pour verdir leur image et parfois en espérant contribuer à la biodiversité. Mais pour comprendre le problème, je vous propose une comparaison : imaginez que vous souhaitiez faire venir les touristes dans les régions sahariennes du Niger ou du Mali. Vous ouvrez un magnifique hôtel en plein désert. Des murs de marbre joliment décorés, des chambres spacieuses, une vue imprenable sur les dunes. Malheureusement, mis à part du sable, vous ne proposez rien aux visiteurs, aucune activité n’est organisée et les restaurants de l’hôtel sont vides. Vous avez beau avoir mis sur pied un hôtel grandiose, vous ne ferez jamais venir le touristes. Les hôtels à insectes non plus, ne font pas apparaitre comme par magie des visiteurs. ILS NE GÉNÈRENT PAS LA BIODIVERSITÉ, ILS LA SOUTIENNENT. En guise d’illustration, j’ai pris cette photographie près de chez moi. On se trouve dans une station essence. Et comme moi vous pouvez constater la fausse bonne idée. Cet hôtel à insectes est d’ailleurs resté désert pendant tout l’été. Et pour cause : c’est le désert biologique à des dizaines de mètres à la ronde. Uniquement du gazon régulièrement coupé, un gazon qui n’apporte aucune ressource pour aucune espèce d’insectes. Lorsqu’ils sont bien conçus, les hôtels à insectes offrent un abris pour l’hiver à quelques espèces et proposent des lieux de ponte pour d’autres. Je pense aux osmies notamment. Ces abeilles cherchent des endroits sûrs pour nicher. Si l’hôtel est fait de tubes en bambou, de tiges creuses ou des petits trous dans des morceaux de bois, alors les osmies peuvent y établir leurs nids. Ce qui est particulièrement bénéfique en ville ou dans des zones aménagées où les sites naturels de nidification sont rares. L’osmie femelle transporte du pollen, grâce à une brosse ventrale, et du nectar, dans son tube digestif. Elle se trouve un trou et tasse avec son front ce mélange pollen et nectar, qu’on appelle le "pain d'abeille". Après une 20aine de voyages, elle pond un seul œuf et reforme la cellule. Et elle recommence dans un autre orifice. Mais si l’hôtel à insecte est placé dans un endroit désert, où le pollen et le nectar est absent, ces abeilles ne seront pas présentes. Qui voudrait donner naissance à des petits dans un monde où il n’y a rien à manger ? L’explication serait la même avec les araignées ou les perce-oreilles, mais tu as compris l’idée je pense. Bon attention je ne suis pas contre les hôtels à insectes. Ils sont d’excellents outils pédagogiques, surtout à destination des enfants. Parce qu’ils favorisent la sensibilisation à la biodiversité, ils permettent de développer la curiosité et de mieux comprendre nos écosystèmes et leur fonctionnement. A condition de ne pas être placés n’importe où et d’être régulièrement entretenus. Les hôtels à insectes, il faut les voir comme la cerise sur le gâteau de vos efforts pour soutenir les insectes. Ils doivent venir appuyer les autres efforts que vous avez déployés. Et alors seulement, un hôtel peut-être une bonne idée. Abonnez-vous si ce contenu vous plait. Deuxième fausse bonne idée ! On l’a vu, il faut de la diversité végétale dans l’environnement directe de votre hôtel à insectes pour le rendre attractif. Mais il y a plantes et plantes. Il y a certainement des plats que vous préférez manger et d’autres moins. De même il y a des plats sans aucune valeur nutritive et d’autres bien meilleurs pour votre santé. Pour les insectes, c’est pareil. Installer dans votre jardin ou dans les parcs publics des plantes exotiques, cela peut souvent revenir au même que de nourrir vos enfants avec des nouilles instantanées … tous les jours. Et donc une seconde fausse bonne idée ce sont les jardins mal fleurit. Prenons juste un exemple : l’arbre à papillon. Cette arbuste est originaire de Chine, et a été introduit en Europe au dix-neuvième siècle. Alors déjà il est classé en France, en Belgique et en Suisse comme espèce envahissante, c'est-à-dire qu'il prend la place des espèces locales qui apprécient les mêmes sols. Sa couleur mauve et ses odeurs très fortes attirent beaucoup les papillons. Mais en fait, elle a un nectar pauvre en qualité nutritionnelle. Et ses fleurs agissent comme une drogue pour les papillons, qui vont pondre sur ses feuilles au lieu de rechercher leur plante-hôte habituelle. Résultat, les chenilles qui éclosent se nourrissent des feuilles de l’arbre à papillon et s’empoisonnent à cause de la présence de molécules comme l'aucubine. Cette particularité conduit donc à la diminution des populations de pollinisateurs et entraîne une perte de biodiversité. Tout l’inverse de ce que vous pensiez peut-être faire en plantant cet arbuste. Certaines espèces végétales favorisent la biodiversité, enrichissent les sols et offrent un habitat pour la faune locale. Un excellent bouquin pour faire cela c’est celui-ci « Un Jardin sauvage et coloré, ou comment aménager son jardin avec des plantes indigènes » de Simone Kern, aux éditions Delachaux Niestlé, je vous place un lien en commentaire. En plus, les espèces locales sont adaptées à nos climats et sols, nécessitent moins de ressources tout en soutenant la faune locale, notamment les pollinisateurs comme les abeilles et papillons. Des plantes mellifères comme la lavande, le trèfle ou encore le lierre garantissent un apport en nectar et pollen tout au long de l'année, ce qui est donc essentiel pour la reproduction de ces insectes. En plus de planter des plantes indigènes, je vous recommande de créer des strates végétales variées, car elles vont augmenter la capacité d’accueil pour les insectes, oiseaux et petits mammifères. Au sol des graminées, des fraisiers ou des courges. A l’étage intermédiaire une haie composée d’arbustes fruitiers comme des groseilliers ou des framboisiers. Et au-dessus des arbres comme les chênes ou tilleuls, qui eux aussi abritent une grande diversité de vie. Et à coté de tout ceci aménagez des habitats comme des tas de branches, des mares ou des espaces non fauchés pour favoriser l’installation de hérissons, de tritons ou de papillons. Toutes des espèces qui jouent un rôle crucial dans l’équilibre écologique. Ha !!! Et laissez des orties se développer. Ce sont de véritables bombes à biodiversité, tant elles accueillent quantité d’insectes et d’araignées, qui vous rendront service notamment en mangeant les petites bêtes indésirables qui veulent s’en prendre à votre potager ou vos parterres fleuris. Troisième fausse bonne idée : l’installation de ruches ! Non, introduire des abeilles mellifères n’est pas non plus un bien fait pour la biodiversité. C’est un peu comme si vous introduisiez des élevages de vaches partout et que vous prétendiez qu’ainsi il y a plus de mammifères dans l’environnement. L’abeille mellifère, Apis mellifera, n’est qu’une espèce d’abeilles, l’une des seules à avoir été domestiquée par l’Homme, pour son miel. A côté, dehors, il y a des centaines d’autres espèces essentielles à l’équilibre de nos écosystèmes et c’est d’elles que l’on parle quand il s’agit de sauvegarder la biodiversité. Mais introduire des ruches revient à introduire dans l’environnement de ces abeilles sauvages des compétitrices. Les abeilles mellifères vont leur piquer leur nourriture, et donc rendre leur vie un peu plus compliquée encore. Le rôle des abeilles mellifères en tant que pollinisatrices fait actuellement l’objet de débats dans la communauté scientifique. D’une part, tout le monde constate le déclin mondial des pollinisateurs, et donc il est du plus en plus difficile de produire certains des végétaux dont nous nous nourrissons et les ruchers d’abeilles domestiques sont alors fort utiles pour améliorer la production agricole. Alors que certaines recherches avancent que ces abeilles mellifères complètent les services de pollinisation fournis par les insectes sauvages, d’autres comme cette récente recherche conclue que : l’apiculture réduit la diversité des pollinisateurs sauvages, et par conséquence réduit la pollinisation de certaines plantes indigènes. Je ne tape pas sur le dos des apiculteurs amateurs. Car comme toujours c’est l’excès qui est nuisible. Une poignée de ruche n’aura pas d’impact significatif sur les pollinisateurs sauvages. Mais ce qui est certain, c’est qu’introduire des ruches pour promouvoir la biodiversité, c’est une fausse bonne idée. Et je termine avec les produits biologiques. François, si c’est bio c’est bon pour la santé. AAAAAAAAhhhh. Il n’y a rien de plus biologique que l’eau, et pourtant tu ne noie dans l’eau. Et si tu bois trop d’eau et bien tu peux en mourir. Ok, cette comparaison elle vaut ce qu’elle vaut, mais elle illustre mon propos : naturel ne veut pas dire bon pour l’environnement. La nature a créé une large variété de produits toxiques. Il suffit de penser aux venins des serpents ou à la nicotine produit par les plants de tabac. Oui la nicotine c’est avant tout un insecticide produit par les plantes pour se défendre contre les insectes qui machouillent leur feuilles. Un insecte qui mange de la nicotine voit son système nerveux se dérégler. Et la plante est protégée. Ce n’est qu’après que l’Homme l’a exploité pour en faire des cigarettes. Naturel ne veut pas dire bon pour l’environnement ou ta santé. Et donc ne te laisse pas séduire par les labels « Biologiques » ou « naturels » apposés sur des boutilles de pesticides. Ces produits sont là pour tuer la vie, et ne doivent pas te faire croire que tu la protège en les utilisant. Je prends un seul exemple : celui du spinosad. Le spinosad est un insecticide utilisé en cultures traditionnelles mais autorisé aussi en agriculture biologique. Oui, on utilise certains pesticides en agriculture bio, désolé si je viens de briser une vieille croyance. Laisse-moi un pouce bleu si c’est le cas. Le spinosad est une molécule naturellement sécrétée par un microorganisme qui vit dans le sol, une levure du nom de Saccharopolyspora spinosa. Ce produit est un neurotoxine, qui provoque en peu de temps chez l’insecte qui y est exposé une excitation de son système nerveux menant à des contractions musculaires involontaires et à des tremblements. L’insecte cesse de s’alimenter et la paralysie peut survenir en quelques minutes, la mort s’ensuivant rapidement. Ce produit tue ainsi les chenilles de papillon, les asticots de mouches et même les poux qui se promènent parfois sur la tête de nos enfants. Oui … certaines entreprises ont même fait des shampoing contenant cet insecticide. Un produit qui perturbe le système nerveux. Je laisse ça là … tu en fais ce que tu veux. Le Spinosad est un produit biologique autorisé en culture Bio, mais des chercheurs Suisses clament haut et fort depuis plusieurs années que ce produit est extrêmement toxique pour les abeilles. Des abeilles qui le ramènent à la ruche avec le pollen et le nectar qu’elles collectent. Le spinosad s’y accumule et finit par intoxiquer les larves et même par se retrouver dans le miel. Pourtant à des doses très faibles. Bref je le répète, ne nous laissons pas séduire par des label bio ou naturel. Les insecticides naturels sont des insectides, donc ils ne promeuvent pas la biodiversité. On est tous d’accord pour dire que la biodiversité est mise à terre et a besoin de tous les coups de main qu’on peut lui donner. Mais il y a des coups de mains plus utiles que d’autres. A bientôt les amis ! Ciao !
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AuteurFrançois Verheggen, Professeur de Zoologie, Université de Liège Archives
Février 2025
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