A l’image de la biodiversité, les populations d’insectes sont en déclin. On peut les aider mais pas n’importe comment. Et donc ici je vous ai rassemblé 4 gestes qui peuvent paraitre de bonnes idées, mais qui en fait n’en sont pas. Et je commence avec les hôtels à insectes. Ils ont une très belle image auprès de chacun d’entre nous. On nous les a présentés comme des outils formidables pour faire revenir la biodiversité entomologique. Des entreprises, des communes, des particuliers ont parfois dépensé des sommes folles pour verdir leur image et parfois en espérant contribuer à la biodiversité. Mais pour comprendre le problème, je vous propose une comparaison : imaginez que vous souhaitiez faire venir les touristes dans les régions sahariennes du Niger ou du Mali. Vous ouvrez un magnifique hôtel en plein désert. Des murs de marbre joliment décorés, des chambres spacieuses, une vue imprenable sur les dunes. Malheureusement, mis à part du sable, vous ne proposez rien aux visiteurs, aucune activité n’est organisée et les restaurants de l’hôtel sont vides. Vous avez beau avoir mis sur pied un hôtel grandiose, vous ne ferez jamais venir le touristes. Les hôtels à insectes non plus, ne font pas apparaitre comme par magie des visiteurs. ILS NE GÉNÈRENT PAS LA BIODIVERSITÉ, ILS LA SOUTIENNENT. En guise d’illustration, j’ai pris cette photographie près de chez moi. On se trouve dans une station essence. Et comme moi vous pouvez constater la fausse bonne idée. Cet hôtel à insectes est d’ailleurs resté désert pendant tout l’été. Et pour cause : c’est le désert biologique à des dizaines de mètres à la ronde. Uniquement du gazon régulièrement coupé, un gazon qui n’apporte aucune ressource pour aucune espèce d’insectes. Lorsqu’ils sont bien conçus, les hôtels à insectes offrent un abris pour l’hiver à quelques espèces et proposent des lieux de ponte pour d’autres. Je pense aux osmies notamment. Ces abeilles cherchent des endroits sûrs pour nicher. Si l’hôtel est fait de tubes en bambou, de tiges creuses ou des petits trous dans des morceaux de bois, alors les osmies peuvent y établir leurs nids. Ce qui est particulièrement bénéfique en ville ou dans des zones aménagées où les sites naturels de nidification sont rares. L’osmie femelle transporte du pollen, grâce à une brosse ventrale, et du nectar, dans son tube digestif. Elle se trouve un trou et tasse avec son front ce mélange pollen et nectar, qu’on appelle le "pain d'abeille". Après une 20aine de voyages, elle pond un seul œuf et reforme la cellule. Et elle recommence dans un autre orifice. Mais si l’hôtel à insecte est placé dans un endroit désert, où le pollen et le nectar est absent, ces abeilles ne seront pas présentes. Qui voudrait donner naissance à des petits dans un monde où il n’y a rien à manger ? L’explication serait la même avec les araignées ou les perce-oreilles, mais tu as compris l’idée je pense. Bon attention je ne suis pas contre les hôtels à insectes. Ils sont d’excellents outils pédagogiques, surtout à destination des enfants. Parce qu’ils favorisent la sensibilisation à la biodiversité, ils permettent de développer la curiosité et de mieux comprendre nos écosystèmes et leur fonctionnement. A condition de ne pas être placés n’importe où et d’être régulièrement entretenus. Les hôtels à insectes, il faut les voir comme la cerise sur le gâteau de vos efforts pour soutenir les insectes. Ils doivent venir appuyer les autres efforts que vous avez déployés. Et alors seulement, un hôtel peut-être une bonne idée. Abonnez-vous si ce contenu vous plait. Deuxième fausse bonne idée ! On l’a vu, il faut de la diversité végétale dans l’environnement directe de votre hôtel à insectes pour le rendre attractif. Mais il y a plantes et plantes. Il y a certainement des plats que vous préférez manger et d’autres moins. De même il y a des plats sans aucune valeur nutritive et d’autres bien meilleurs pour votre santé. Pour les insectes, c’est pareil. Installer dans votre jardin ou dans les parcs publics des plantes exotiques, cela peut souvent revenir au même que de nourrir vos enfants avec des nouilles instantanées … tous les jours. Et donc une seconde fausse bonne idée ce sont les jardins mal fleurit. Prenons juste un exemple : l’arbre à papillon. Cette arbuste est originaire de Chine, et a été introduit en Europe au dix-neuvième siècle. Alors déjà il est classé en France, en Belgique et en Suisse comme espèce envahissante, c'est-à-dire qu'il prend la place des espèces locales qui apprécient les mêmes sols. Sa couleur mauve et ses odeurs très fortes attirent beaucoup les papillons. Mais en fait, elle a un nectar pauvre en qualité nutritionnelle. Et ses fleurs agissent comme une drogue pour les papillons, qui vont pondre sur ses feuilles au lieu de rechercher leur plante-hôte habituelle. Résultat, les chenilles qui éclosent se nourrissent des feuilles de l’arbre à papillon et s’empoisonnent à cause de la présence de molécules comme l'aucubine. Cette particularité conduit donc à la diminution des populations de pollinisateurs et entraîne une perte de biodiversité. Tout l’inverse de ce que vous pensiez peut-être faire en plantant cet arbuste. Certaines espèces végétales favorisent la biodiversité, enrichissent les sols et offrent un habitat pour la faune locale. Un excellent bouquin pour faire cela c’est celui-ci « Un Jardin sauvage et coloré, ou comment aménager son jardin avec des plantes indigènes » de Simone Kern, aux éditions Delachaux Niestlé, je vous place un lien en commentaire. En plus, les espèces locales sont adaptées à nos climats et sols, nécessitent moins de ressources tout en soutenant la faune locale, notamment les pollinisateurs comme les abeilles et papillons. Des plantes mellifères comme la lavande, le trèfle ou encore le lierre garantissent un apport en nectar et pollen tout au long de l'année, ce qui est donc essentiel pour la reproduction de ces insectes. En plus de planter des plantes indigènes, je vous recommande de créer des strates végétales variées, car elles vont augmenter la capacité d’accueil pour les insectes, oiseaux et petits mammifères. Au sol des graminées, des fraisiers ou des courges. A l’étage intermédiaire une haie composée d’arbustes fruitiers comme des groseilliers ou des framboisiers. Et au-dessus des arbres comme les chênes ou tilleuls, qui eux aussi abritent une grande diversité de vie. Et à coté de tout ceci aménagez des habitats comme des tas de branches, des mares ou des espaces non fauchés pour favoriser l’installation de hérissons, de tritons ou de papillons. Toutes des espèces qui jouent un rôle crucial dans l’équilibre écologique. Ha !!! Et laissez des orties se développer. Ce sont de véritables bombes à biodiversité, tant elles accueillent quantité d’insectes et d’araignées, qui vous rendront service notamment en mangeant les petites bêtes indésirables qui veulent s’en prendre à votre potager ou vos parterres fleuris. Troisième fausse bonne idée : l’installation de ruches ! Non, introduire des abeilles mellifères n’est pas non plus un bien fait pour la biodiversité. C’est un peu comme si vous introduisiez des élevages de vaches partout et que vous prétendiez qu’ainsi il y a plus de mammifères dans l’environnement. L’abeille mellifère, Apis mellifera, n’est qu’une espèce d’abeilles, l’une des seules à avoir été domestiquée par l’Homme, pour son miel. A côté, dehors, il y a des centaines d’autres espèces essentielles à l’équilibre de nos écosystèmes et c’est d’elles que l’on parle quand il s’agit de sauvegarder la biodiversité. Mais introduire des ruches revient à introduire dans l’environnement de ces abeilles sauvages des compétitrices. Les abeilles mellifères vont leur piquer leur nourriture, et donc rendre leur vie un peu plus compliquée encore. Le rôle des abeilles mellifères en tant que pollinisatrices fait actuellement l’objet de débats dans la communauté scientifique. D’une part, tout le monde constate le déclin mondial des pollinisateurs, et donc il est du plus en plus difficile de produire certains des végétaux dont nous nous nourrissons et les ruchers d’abeilles domestiques sont alors fort utiles pour améliorer la production agricole. Alors que certaines recherches avancent que ces abeilles mellifères complètent les services de pollinisation fournis par les insectes sauvages, d’autres comme cette récente recherche conclue que : l’apiculture réduit la diversité des pollinisateurs sauvages, et par conséquence réduit la pollinisation de certaines plantes indigènes. Je ne tape pas sur le dos des apiculteurs amateurs. Car comme toujours c’est l’excès qui est nuisible. Une poignée de ruche n’aura pas d’impact significatif sur les pollinisateurs sauvages. Mais ce qui est certain, c’est qu’introduire des ruches pour promouvoir la biodiversité, c’est une fausse bonne idée. Et je termine avec les produits biologiques. François, si c’est bio c’est bon pour la santé. AAAAAAAAhhhh. Il n’y a rien de plus biologique que l’eau, et pourtant tu ne noie dans l’eau. Et si tu bois trop d’eau et bien tu peux en mourir. Ok, cette comparaison elle vaut ce qu’elle vaut, mais elle illustre mon propos : naturel ne veut pas dire bon pour l’environnement. La nature a créé une large variété de produits toxiques. Il suffit de penser aux venins des serpents ou à la nicotine produit par les plants de tabac. Oui la nicotine c’est avant tout un insecticide produit par les plantes pour se défendre contre les insectes qui machouillent leur feuilles. Un insecte qui mange de la nicotine voit son système nerveux se dérégler. Et la plante est protégée. Ce n’est qu’après que l’Homme l’a exploité pour en faire des cigarettes. Naturel ne veut pas dire bon pour l’environnement ou ta santé. Et donc ne te laisse pas séduire par les labels « Biologiques » ou « naturels » apposés sur des boutilles de pesticides. Ces produits sont là pour tuer la vie, et ne doivent pas te faire croire que tu la protège en les utilisant. Je prends un seul exemple : celui du spinosad. Le spinosad est un insecticide utilisé en cultures traditionnelles mais autorisé aussi en agriculture biologique. Oui, on utilise certains pesticides en agriculture bio, désolé si je viens de briser une vieille croyance. Laisse-moi un pouce bleu si c’est le cas. Le spinosad est une molécule naturellement sécrétée par un microorganisme qui vit dans le sol, une levure du nom de Saccharopolyspora spinosa. Ce produit est un neurotoxine, qui provoque en peu de temps chez l’insecte qui y est exposé une excitation de son système nerveux menant à des contractions musculaires involontaires et à des tremblements. L’insecte cesse de s’alimenter et la paralysie peut survenir en quelques minutes, la mort s’ensuivant rapidement. Ce produit tue ainsi les chenilles de papillon, les asticots de mouches et même les poux qui se promènent parfois sur la tête de nos enfants. Oui … certaines entreprises ont même fait des shampoing contenant cet insecticide. Un produit qui perturbe le système nerveux. Je laisse ça là … tu en fais ce que tu veux. Le Spinosad est un produit biologique autorisé en culture Bio, mais des chercheurs Suisses clament haut et fort depuis plusieurs années que ce produit est extrêmement toxique pour les abeilles. Des abeilles qui le ramènent à la ruche avec le pollen et le nectar qu’elles collectent. Le spinosad s’y accumule et finit par intoxiquer les larves et même par se retrouver dans le miel. Pourtant à des doses très faibles. Bref je le répète, ne nous laissons pas séduire par des label bio ou naturel. Les insecticides naturels sont des insectides, donc ils ne promeuvent pas la biodiversité. On est tous d’accord pour dire que la biodiversité est mise à terre et a besoin de tous les coups de main qu’on peut lui donner. Mais il y a des coups de mains plus utiles que d’autres. A bientôt les amis ! Ciao !
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La 5G serait néfaste pour les animaux sauvages. Des tortues marines se perdraient en cours de migration, des fourmis ne trouveraient plus de quoi manger, des chauves-souris ne parviendraient plus à attraper leur repas et même ton chien ne saurait plus comment se placer lorsqu’il doit déposer … sa grosse commission. Oui, les voix s’élèvent pour dénoncer l’impact potentiellement néfaste des ondes téléphoniques et plus globalement des champs électromagnétiques artificiels. Je me suis demandé si ces accusations étaient scientifiquement fondées et pour y voir plus clair, et bien oui, je me suis plongé dans l’épaisse littérature disponible et … il faut vraiment que je vous parle de ce que j’y ai découvert. En commençant à préparer cet article, je n’avais pas d’idée préconçue de la direction qu’elle allait prendre. Et pour tout vous dire, je voulais moi aussi découvrir la réponse à cette question. Je l’ai trouvée, mais on va devoir commencer par bien définir de quoi on va parler. Commençons par faire la distinction entre des ondes artificielles produites par l’Homme, et les ondes naturelles. Oui car avant même qu’on invente le feu, nous étions déjà soumis à des champs magnétiques. Le noyau externe de la Terre est composé de métal en fusion et produit naturellement un champs magnétique, comparable à celui d’un aimant. La Terre a donc un pôle nord et un pôle sud. Ce champ magnétique guide les boussoles et donc les navigateurs depuis des siècles, en pointant vers le nord magnétique. Il agit surtout comme une sorte de force invisible qui protège notre planète et ses habitants, des radiations dangereuses en provenance du soleil. Tous les êtres vivants ont donc toujours évolué dans ce berceau protecteur. Un berceau constitué d’ondes magnétiques de très faible fréquence. On parle d’environ 10 Hz. Soit la même fréquence que les ondes cérébrales observées dans TA tête … quand tu te perds dans tes pensées. On sait aujourd’hui que de nombreuses espèces animales utilisent les ondes électromagnétiques naturelles de la Terre pour leurs déplacements quotidiens, leurs migrations saisonnières, leur reproduction, leur recherche de nourriture et pour s’y retrouver au sein de leur territoire. Les animaux ont donc un 6me sens que l’on nomme la magnétoréception. Et ce n’est pas de la pseudo science. La magnétoréception permet aux animaux de détecter les champs magnétiques naturels dont je viens de parler. Ceci a été démontré pour la première fois sur des cellules de truite, dont l’épithélium olfactif héberge des cellules magnétoréceptrices. Et depuis on a démontré cette faculté chez de très nombreuses espèces animales. On sait aujourd’hui que c’est grâce à ce 6ème sens « magnétique » que les tortues marines s’orientent au cours de leurs longs voyages migratoires. Elles possèdent dans leur tête des récepteurs sensibles aux champs magnétiques, des récepteurs qui contiennent semble-t-il des particules magnétosensibles, comme la magnétite, composé principalement de cristaux de fer. Les ions de fer de ces cristaux s’orientent et s’alignent en réaction aux champs magnétiques, exactement comme lorsque tu fais bouger un clou à l’aide d’un aimant. Les cellules qui contiennent cette magnétite peuvent donc agir comme une boussole, et aider l’animal à toujours savoir où se trouve le Nord… ou le Sud. C’est ainsi que les tortues marines semblent capables de déterminer leur position géographique et de s’orienter, comme si elles lisaient une carte. Elles utilisent les variations dans l'intensité et l'inclinaison du champ magnétique terrestre pour se repérer et naviguer précisément vers leurs aires de ponte et d'alimentation. Le tout est complété par une sorte de mémoire géomagnétique, que les petits acquièrent dès la naissance. Ils se souviennent de l’environnement magnétique de leur lieu de naissance, comme toi, tu te souviens de la vue d’un beau paysage, de l’odeur de ta dernière préparation culinaire, ou du contact de la caresse de ton conjoint. Les tortues se souviennent où elles sont nées et donc où il faut revenir déposer leurs œufs. Jusqu’ici dans mon studio, je t’entends te demander : « et nous les humains, on possède aussi ce 6ème sens ? ». Et bien je retiens de mes diverses lectures que la réponse est toujours débattue dans la communauté scientifique. Dis, laisses moi un pouce bleu pour encourager mon travail ! Prenons une seconde pour résumer : Les espèces vivantes sont naturellement exposées depuis toujours au champs magnétique terrestre et donc à des ondes de très basses fréquences. C’est naturel, c’est utile et même essentiel à leur survie. Outre la protection comme les rayons nocifs du soleil, ces ondes de basses fréquences sont utilisées par les animaux dotés du sens de la magnétoréception durant leurs comportement quotidiens. Le problème, c’est qu’à côté des ondes naturelles, l’Homme a démultiplié depuis plusieurs décennies les sources d’ondes ARTIFICIELLES. Nos appareils électriques, les pylônes haute tension, les antennes radio, les modems wifi, ou les téléphones portables, tous produisent des ondes. Et on va le découvrir, certaines de ces ondes sont de très hautes fréquences. Et font l’objet de recherche depuis plusieurs années pour évaluer leurs conséquences potentielles pour la faune. Pour avancer, je dois à présent clarifier de quelle type d’onde on parle. Une onde électromagnétique, qu’elle soit naturelle ou artificielle, est une vibration qui se déplace à travers l'espace et qui est composée de deux éléments principaux : un champ électrique et un champ magnétique. Ces deux champs oscillent à la même fréquence. Contrairement aux ondes sonores, qui ont besoin d’un support, comme l’air ou l’eau, sur lequel s’appuyer pour se propager, les ondes électromagnétiques peuvent se déplacer dans le vide ou un support matériel. Une onde lumineuse est une onde électromagnétique, et sa longueur d'onde correspond au spectre visible. Il y a plusieurs types d’ondes électromagnétique en fonction de leur longueur d’onde, leur fréquence et leur énergie, et les humains ont développés de nombreuses technologies sur base de ces différentes ondes, comme la radio, la télévision ou les téléphones portable.Pour la suite je vais te parler à plusieurs reprise de la fréquence des ondes. La fréquence, c’est le nombre de fois qu’une onde se répète, par seconde. Cette fréquence est exprimée en Hertz (Hz). Je te disais que le champs magnétique terrestre est caractérisé par des ondes de fréquences avoisinant les 10 Hz. Sur cette figure on voit que les pylônes électriques émettent des ondes de très basses fréquences, typiquement inférieures à 100 Hz, et donc comparables à ce que le champ magnétique terrestre émet. Les ondes de transmission de données, radio, télévision ou Wi-Fi ont des fréquences un peu plus élevées, et peuvent se propager sur de longues distances. On parle d’environ 100MHz. A des fréquences encore plus élevées, on retrouve nos fours à micro-ondes, et leurs ondes à 2,5GHz. Et quand on parle de téléphonie mobile, 4G ou 5G, on se retrouve dans des gammes de fréquence pouvant être encore plus importantes, au-delà des 30GHz pour la 5G. 30GHz, c’est donc une onde qui oscille 1 milliards de fois par seconde. J’ai conscience que j’ai simplifié fort les choses. Je peux à présent revenir à ma question de départ : Quels sont les impacts du déploiement de toutes ces sources de champs magnétiques artificiels sur la santé des animaux ? Il faut que je te parle des insectes, des amphibiens, des oiseaux, des reptiles, des mammifères et des humains … Alors, je commence par où ? Je commence par les insectes. Si tu me suis sur cette chaine, tu sais que ce sont mes petits préférés. Il y a quelques mois, je t’exposais les causes du déclin des populations d’insectes à l’échelle mondiale. J’avais noté 5 causes majeures, toutes liées à l’Homme : un, la perturbation des terres (urbanisation, agriculture intensive), deux, l’exploitation non durable des ressources, trois les changements climatiques, quatre les espèces invasives et cinq la pollution. Et par pollution j’entendais pesticides et autres contaminants chimiques qui s’accumulent dans l’environnement et qui touchent directement ou indirectement les insectes. Et je ne pensais absolument pas aux ondes. Mais aujourd’hui parmi les scientifiques, les voix montent pour affirmer que les ondes aussi sont une forme de pollution, qui nuisent aux insectes. Pour illustrer le problème, j’ai choisi un peu arbitrairement trois études pour vous. Une sur les guêpes, une sur les fourmis et une autre sur les papillons monarques. On commence par les monarques. Je te décrivais la fantastique migration de ces papillons dans une vidéo il y a quelques mois. Des papillons qui parcourent plusieurs milliers de kilomètres pour traverser les Etats-Unis, et rallier le Mexique au départ du Canada. Le nombre de monarques a chuté de plus de 90 % au cours des dernières décennies. Les causes sont connues : la perte massive de leur habitat, les incendies de forêt, les sécheresses, la férocité accrue des tempêtes et l’introduction dans les années 1990 des cultures « Roundup Ready » de Monsanto, des cultures capables de survivre au glyphosate, qui par contre tue les mauvaises herbes – y compris l’asclépiade, la seule source de nourriture de ces papillons durant leurs migrations. Et ces auteurs estiment que les champs électromagnétiques artificiels devraient être ajoutés à cette liste des causes de leur déclin. Car comme les tortues marines, les monarques possèdent des magnétorécepteurs, ici localisés dans leurs antennes qui leur servent à l’orienter lors de leur migration. Et les chercheurs ont découvert que ces ondes créées par l’Homme brouillent leur carte magnétique. Ce qui augmentent les chances que ces papillons se perdent en chemin et ne trouvent jamais les forêts d’Oyamel. Mais les champs magnétiques terrestres ne sont pas utilisés que pour les très longs voyages. Et justement il y a quelques jours mon attention est attirée par une découverte récente qui annonce que les fourmis utilisent également ces ondes pour mémoriser l’environnement direct de leur fourmilière, lors de leurs déplacements quotidiens. Les fourmis ont besoin de mémoriser la localisation des différentes sources de nourritures qu’elles peuvent exploiter. Et lorsque les chercheurs bloquent le champs magnétique naturel, ou qu’il le perturbe avec un champ magnétique artificiel, la mémorisation spatiale des fourmis est réduite, et donc elles ne parviennent plus à marquer leur territoire et donc à trouver leur nourriture. Les chercheurs pensent que l’organe qui permet de percevoir ce champ magnétique, est situé dans les antennes, mais il doit encore être décrit et bien compris. Et enfin, ces chercheurs-ci ont très récemment démontré que les guêpes sont chargées en électricité statique. Tu sais certainement que les guêpes sont des prédatrices, des insectes très utiles puisque grâce à elles tu as moins de pucerons sur tes rosiers, moins de chenilles sur tes choux ou moins de moustiques dans ta chambre. Les scientifiques ont découvert que les chenilles de certains papillons sont capables de détecter l’arrivée d’une guêpe grâce aux ondes qu’émettent les guêpes. Les chenilles parviennent ainsi à éviter les attaques de guêpes qui arrivent à proximité en se laisser tomber au sol par exemple. Les chenilles perçoivent l’électricité statique libéré par les guêpes grâce à des soies fines qui recouvrent leurs corps. Les scientifiques tirent donc la sonnette d’alarme : les ondes de basses fréquences artificielles, comme celles générées par les pylônes électriques perturbent les interactions entre les guêpes et leurs proies. Avant de quitter les insectes, je fais tomber tout de suite une fake news que j’ai lue : non, les ondes artificielles n’augmentent pas la température corporelles des insectes. En tout cas pas dans les conditions que nous les utilisons. Des insectes, je passe à d’autres invertébrés de petites taille : les nématodes. Eux aussi, ils sont essentiels à l’équilibre de nos écosystèmes. Il s’agit de vers microscopiques que l’on retrouve par millions dans un m3 de sol en bonne santé. Et …. Ils n’apprécient pas non plus les champs électromagnétiques artificielle de faible intensité, car j’ai lu qu’ils vivent moins longtemps lorsqu’ils y sont exposés. Voilà, pour l’échantillon d’études consacrés aux invertébrés. J’aurai pu ajouter que des observations comparables ont été réalisées sur Mollusques, sur crustacées ou sur vers plats. Voyons à présent le cas des animaux qui, comme nous, sont pourvus de vertèbres. Car oui, de nombreux vertébrés perçoivent aussi les ondes électromagnétiques. C’est le cas des oiseaux, dont les yeux et les becs sont particulièrement magnéto-réceptifs, avec notamment les récepteurs à magnétite dont je t’ai parlé juste avant. Les fréquences communes des téléphones portables produisent des décharges anormales dans plusieurs types de neurones du système nerveux chez des pinsons et les auteurs concluent que cela pourrait expliquer pourquoi les oiseaux peuvent être attirés par les tours de téléphonie cellulaire, et parfois venir s’y écraser. Toujours chez les oiseaux, il y a des études qui m’ont fait frémir, et parmi celles-ci il y a celle de Di Carlo et ses collègues qui ont constaté qu’une exposition de plusieurs jours à des ondes comparables à celles émises par des téléphones portables avait des conséquences sur la survie des embryons de poules. Les chercheurs n’hésitent pas à conclure à la fin de leur travail que : « une exposition quotidienne, telle que celle que peuvent subir les utilisateurs de téléphones portables, pourrait augmenter la probabilité de cancer et d'autres maladies ». Mais comme souvent dans la recherche scientifique, tout n’est pas tout blanc ou tout noir, et certaines études comme celle-ci ont démontré l’effet inverse sur des œufs de cailles, qui affichaient même une meilleure santé après une exposition aux ondes émises par un téléphone portable. A l’instar de la migration des insectes, les migrations des oiseaux pourraient tout à fait être affectés par ces ondes. Mais pour le vérifier il faudrait mener des recherches couteuses et indépendantes. Entreprises par des scientifiques sans aucun intérêt direct dans les résultats, ce qui n’est pas toujours une priorité pour les agences gouvernementales ou l’industrie des télécommunications. Comme de nombreuses espèces d’oiseaux et d’insectes, les amphibiens et les reptiles perçoivent les champs géomagnétiques de la Terre notamment grâce à la magnétite. Ces animaux utilisent les champs électromagnétiques naturels pour leur reproduction et leur orientation. Ils sont potentiellement affectés par les ondes électromagnétiques artificielles. D’autant que le corps de ces animaux est souvent totalement plaqué au sol et donc sont exposés de manière unique aux courants terrestres, en particulier les nuits pluvieuses lorsque l'eau peut augmenter l'exposition, puisque l’eau est un excellent milieu conducteur. Mais c’est vrai, les spécialistes acceptent que nous ne comprenions pas encore dans quel ordre de mesure ces animaux sont affectés par les champs électromagnétiques artificiels. C’est que les études sont moins nombreuses sur ces groupes d’animaux. Je retiens malgré tout cette phrase extraite de cet article : « Les ondes 5G ont potentiellement un impact important sur de multiples aspects du développement des amphibiens et des reptiles ». Et l’un des exemples les plus étudiés à ce sujet c’est celui des tortues marines et leurs migrations, qu’on a déjà décrit précédemment. Bon, parlons des mammifères à présent. Il existe de nombreuses études sur les vaches laitières et c’est bien normal, puisqu’elles sont abondantes et facile d'accès pour mener ce type d’étude. Et oui, elles semblent particulièrement sensibles aux champs électromagnétiques associés aux radio-fréquences. Ces chercheurs-ci figurent parmi les premiers à avoir documenté le phénomène. A l’origine, ils ont observé un comportement anormal dans un troupeau situé à proximité d'un émetteur de télévision et de radio. Ils ont constaté une diminution de la production de lait, des problèmes de santé et des anomalies comportementales chez plusieurs vaches. Ils ont cherché la raison, ils ont éliminés une série de causes potentielles, puis ils décidé de transféré certaines vaches au comportement anormal dans une autre étable située à 20 km de l'antenne, et ils ont laissés les autres dans leur pâture habituelle. Les vaches qui ont été changées d’étable ont vu leur comportement se normaliser en cinq jours. Les chercheurs ont alors redéplacé ces vaches qui allaient mieux vers la pâture problématique localisée près des antennes, et les symptômes sont réapparus. Si ces ondes radio impactent nos vaches, alors il est très probable que les grands ruminants sauvages, comme les rennes, pourraient voir leur migrations impactées par les champs magnétiques artificiels, même si cela reste à démontrer. L’étude suivante m’a interpellé aussi. Car il semble que même nos chiens sont sensibles aux petites variations de l’orientation du champ magnétique terrestre. Car les chiens utilisent le champ magnétique terrestre pour décider de la position qu’ils adoptent lorsqu’ils doivent s’agenouiller et déposer leur grosse commission. Lorsqu’ils sont uniquement exposés au champ magnétique terrestre, les chiens font caca en s’alignant dans l’axe nord-sud. Par contre, lorsqu’ils sont exposés à des perturbations électromagnétiques, c’est-à-dire dans n’importe quelle situation de la vie de tous les jours, alors ils perdent cette habitude. Ne me demande pas pourquoi naturellement ils s’orientent dans une certaine direction, je n’ai pas la réponse. Mais l’étude démontre une chose : des ondes artificielles sont perçues par les chiens, et modifient leurs comportements. Ce texte est sans doute déjà fort long, et je ne t’ai pas encore parlé de l’impact sur les humains. Mais je voudrais déjà souligner que je n'ai fait qu'effleurer cette très large thématique de recherche. J’ai voulu te proposer un petit tour d’horizon, certainement subjectif, avec cette sélection de quelques études qui m’ont personnellement interpellé. C’est difficile de synthétiser ce sujet, car il y a une multitudes d’espèces animales étudiées, une multitudes de types d’ondes, d’environnements et d’effets observés. Il y a donc des centaines d’études et je ne peux pas te les résumer toutes. Mais ce que je retiens de toutes mes lectures c’est que toutes les fréquences et tous les taxons zoologiques sont affectés, avec des perturbations associées notamment à l'orientation et la migration, la recherche de nourriture, la reproduction, l'accouplement, la construction de nids et de tanières, l'entretien et la défense du territoire, ainsi que sur la vitalité et la survie. Si tu veux toi-même approfondir le sujet, et que tu parles anglais, alors je te recommande cet article scientifique passionnant qui résumait la situation à la lumière des connaissances accumulées jusqu’en 2021. Son titre parle pour lui « comment les animaux interagissent avec les ondes électromagnétiques naturelles et artificielles ? ». Tu vas me dire que j’ai parlé beaucoup de basses fréquences et pas de 5G et c’est en fait bien normal, car on a peu d’info sur la 5G. La science a besoin de temps pour faire des découvertes. Et d’argent, et donc de la bonne volonté de nombreux acteurs à financer des travaux comme ceux-là. Pourtant la 5G est préoccupante à juste titre, car cette technologie utilise des ondes de fréquence plus élevées que la 4G, un plus grand nombre d'antennes émettrices (car leur portée est plus faible) et une concentration plus élevée d'énergie. Du côté sanitaire, ces trois paramètres suscitent des craintes quant à une exposition accrue aux champs électromagnétiques. Nous avons donc certainement besoin de plus de recherches, d'une plus grande sensibilisation et d'un engagement plus important envers la minimisation de notre impact sur le monde naturel afin de protéger sa précieuse biodiversité. Retenons qu’il y a beaucoup d’études scientifiques qui démontrent les effets des champs électromagnétiques naturels et artificiels sur les animaux. La toute grande majorité des études ont constaté des effets négatifs des ondes artificielles pour la santé de la faune. Je plaide donc pour le fait que les champs magnétiques artificiels soient ajoutés à la liste des causes de perte de biodiversité. Ils contribuent sans aucun doute plus que nous ne le pensons actuellement à la diminution et à l’extinction de certaines espèces vivantes. Et nous, les humains ? Quel est l’impact sur notre santé de ces ondes? Et bien les études sont très rares. On sait que notre horloge biologique à nous aussi est rythmée par les champs électromagnétiques naturels et autres champs de très basses fréquences. En avril 2021, l’agence française de sécurité de l’environnement et de la santé (l’Anses) publiait une évaluation qui concluait que la 5G ne présente pas de risques nouveaux pour la santé humaine au vu des données disponibles. Je souligne bien « au vu des données disponibles ». L’agence estime que le déploiement de la 5G dans la bande de fréquences 3,5 GHz ne devrait pas présenter de risques nouveaux, mais que les données disponibles actuellement ne suffisent pas pour conclure à l’existence ou non d’effets sanitaires dans le cas de la bande 26 GHz, qui complète actuellement le réseau pour la 5G. L’agence appelle à poursuivre les recherches dans ce domaine. Mais doit-on attendre de comprendre les conséquences néfastes ? Comme souvent, le principe de précaution ne devrait-il pas primer ? Toute cette histoire me fait en tout cas furieusement penser à la situation actuelle rencontrée avec les insecticides néonicotinoïdes, ces pesticides parmi les plus utilisés dans le monde, et qui viennent d’être majoritairement interdit en Europe suite à la démonstration de leur effet nocif sur les insectes, les oiseaux et peut-être bientôt notre propres santé. |
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AuteurFrançois Verheggen, Professeur de Zoologie, Université de Liège Archives
Décembre 2024
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