Voici un pinson. Et c’est un vampire. Ses ancêtres, sans doute, ont été amenés sur cette île par de forts vents tempétueux … il y a plusieurs siècles. Comme la plupart des pinsons, ils se nourrissent de graines, de nectar et d'insectes. Mais sur ces terres-ci, il y a fort peu de nourriture. Et comme ils ne sont pas assez forts pour quitter l'île, ils ont dû exploiter des sources de nourriture … fort inhabituelle pour ce groupe d’oiseaux. Ils dépendent d'un autre habitant de l'île. Les fous de Nazca.
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On va découvrir ensemble 3 espèces animales qui ont inventé l’agriculture et l’élevage bien avant les humains. Voilà, nous ça fait 10.000 ans, mais eux ça fait sans doute plusieurs millions d’années. Ces animaux font de la sélection variétale, ils défrichent, irriguent, stimulent, protègent leurs plantes ou leur bétail. J’ai épluché la littérature scientifique pour toi, et je te raconte ces découvertes tout de suite ! Et je commence par une découverte étonnante qui date de 2022, réalisée par deux éthologues américains dans l’état de l’Alabama, dans le Sud des Etats-Unis. L’animal étudié c’est le gaufre. Désolé si je t’ai donné faim, mais rien à voir avec la pâtisserie sur laquelle tu répands de la chantilly ou du chocolat fondu. Non le gaufre à poche c’est un rongeur, d’une 20aine de centimètres et qui a l’allure d’un hamster. On l’appelle comme ça car il possède de grandes poches situées de chaque côté de sa bouche, des poches qu'il utilise pour transporter de la nourriture pendant qu’il creuse le sol. Car oui, cette petite bête vit principalement sous terre. Résultat, l’évolution ne lui a laissé que de toutes petites oreilles et de tout petits yeux. Il creuse des réseaux de tunnels relativement complexes grâce à ses pattes et ses très longues incisives, qui ont la particularité de pousser continuellement, pour compenser l’usure. Des tunnels pouvant faire jusqu’à deux mètres de longs. Et selon des chercheurs américains, il s’agirait du premier mammifère non humain à avoir adopté des techniques agricoles. C’est d’ailleurs bon que je rappelle que l’agriculture, nous, on l’a inventée il y a environ 10.000 ans, à peu près simultanément en plusieurs endroits du monde, à une période où on a troqué nos habitudes de chasseurs cueilleurs nomades pour une vie plus sédentaire. On estime que l’agriculture apparait dès l’instant où hommes et femmes plantent en terre, volontairement, les graines des plantes qu’ils souhaitent voir germer. Au Proche-Orient, les humains font pousser l’orge et le blé ; plus tard le maïs apparait au Mexique, alors qu’en Chine débute la culture du millet et du soja. Puis avec le temps nos techniques se perfectionnent, nos outils deviennent de plus en plus volumineux, mais aussi plus efficaces. Je ferme la parenthèse et je reviens à notre rongeur tellurique. Le gaufre est un solitaire, et plutôt casanier, parce qu’il n’aime pas du tout sortir de ses galeries. Mais soucis : dans ses galeries, la nourriture est rare. Et lui il a faim, car remuer et déplacer de la terre demande de gros efforts et donc une alimentation riche et abondante. Il pourrait sortir à la surface et y chercher à manger, disent les scientifiques, qui ont d’ailleurs estimé que creuser une galerie pour rechercher de la nourriture c’est 3000x plus couteux en énergie que de se promener à l’air libre. Alors pourquoi reste-t-il sous terre ? Et comment comble-t-il ses besoins alimentaires ? Il reste sous terre déjà parce que dehors il y a plein de prédateurs qui ne demandent pas mieux que de l’attraper. Mais surtout, parce que le gaufre tire une bonne partie de ses ressources dans l’agriculture. A chaque fois qu’il découvre un nouveau lot de racines à l’allure appétissantes, le rongeur doit prendre la même décision difficile : les consommer directement, ou bien les cultiver pour en tirer -à terme- un repas plus consistant et durable. Il ne choisit pas les racines qu’il cultive au hasard, non, il sélectionne celles qui ont le plus de potentiel ! Ensuite, il passe sa journée à aménager une grande salle de culture tout autour des racines qu’il vient de découvrir. Au lieu d’une galerie étroite, la salle devient suffisamment large que pour permettre au gaufre de se retourner et même de se dresser sur ses pattes. Les racines découvertes finissent par pendre au plafond de cette belle grande salle. Le rongeur se rend ensuite dans les galeries voisines et gratte les parois de celles-ci pour les élargir un peu plus qu’à l’accoutumée, et faire en sorte que la chambre de culture soit bien aérée, ce qui favorise la minéralisation des nutriments et donc croissance de ses précieuses racines. Mais ce n’est pas tout ! Contrairement aux autres rongeurs telluriques qui lui ressemblent, le gaufre lui, ne s’aménage pas de toilettes dans ses galeries. Non, il préfère déposer ses excréments dans sa salle de culture, afin de fertiliser le sol et de doper la croissance de sa culture de racines. Autre pratique étonnante, il prélève régulièrement une petite part de sa production pour sa consommation personnelle. Mais en coupant ainsi de petits morceaux de racines, ce qu’il fait c’est qu’il stimule le développement de nouvelles radicelles et encourage le végétal à lui produire encore plus de nourriture. Bien sûr, sa production n’est pas suffisante pour couvrir l’ensemble de ses besoins nutritionnels. Mais on pourrait dire qu’elle ajoute du beurre à ses épinards et réduit la nécessité de devoir se rendre à la surface pour prélever de quoi manger. Nos deux scientifiques estiment que la production agricole du gaufre couvre de 20% à 60% de ses besoins nutritionnels. Et le reste alors ? Et bien il le prélève en mangeant certaines racines et tubercules très nutritifs, qu’il va chercher près de la surface et qu’il tire vers ses galeries. Les gaufres sont à ce jour, les seuls mammifères non humains connus à pratiquer l’agriculture. Par transparence, je précise que certains scientifiques critiquent cette affirmation, et pensent qu’on ne peut pas vraiment parler d’agriculture, car les gaufres ne sèment pas eux-mêmes leurs graines. Dis-moi en commentaire si tu penses qu’on peut parler d’agriculture dans ce cas-ci. C’était mon premier agriculteur du jour. Ne bouge pas, car les deux suivants valent aussi le coup. A présent, on quitte l’Alabama et on se rend au Texas. Un état où le coton, le blé et le maïs poussent un peu partout. Mais, des milliards d’agriculteurs vivent et pratiquent leur métier sous terre à nouveau ! Il s’agit des fourmis champignonnistes, de l’espèce Atta mexicana. Tout débute par une reine qui s’attèle à la construction d’un ranch souterrain. En début de saison, elle n’a aucun sujet sur qui régner, mais bientôt elle aura sous ses ordres des dizaines de milliers de soldates et d’ouvrières. En attendant elle creuse seule les premières galeries dans le sol, et dépose ses premiers œufs dans une chambre aménagée spécialement pour les accueillir. Sa descendance, la reine devra très bientôt la nourrir. Pour cela, elle mise tout sur le trésor qu’elle conserve dans une poche localisée près de sa bouche. Car en quittant la colonie qui l’a vue naitre, il y a quelques jours à peine, elle a pris soin d’emporter quelques spores d’un champignon à la valeur inestimable, sélectionné depuis des générations par ses ancêtres. Ces « graines » microscopiques nourriront bientôt ses milliers d’enfants, à condition de les cultiver avec soin. La reine des fourmis décide de ne pas manger ces spores, mais plutôt de les déposer dans une salle sous terraine qu’elle a spécialement aménagée au bout d’un couloir pour les accueillir. Pour ne pas laisser dépérir ce trésor vivant, la monarque quitte ses galeries et prend la direction d’un buisson voisin. A l’aide de ses puissantes mandibules, elle y coupe une jeune feuille qu’elle charge sur son dos. La reine tient fermement son butin en bouche, et se dirige en direction de l’entrée de son futur royaume. Son voyage retour est un peu plus lent que le trajet aller car le végétal qu’elle transporte pèse près de vingt fois son propre poids ! Elle retourne dans la salle de culture, elle découpe la feuille en plus petits morceaux, qu’elle dépose délicatement sur les spores du champignon. Et il n’y a plus qu’à attendre. Car bientôt, le champignon décomposera le végétal, en fera une bouillie riche en tous les nutriments dont la fourmi raffole. Mais à condition d’en prendre soin ! Il ne faudrait pas qu’une bactérie vienne infecter ce précieux champignon. Ce basidiomycète a beau avoir été domestiqué il y a fort longtemps par ses ancêtres pour son rendement et sa résistance aux maladies, la jeune reine ne souhaite prendre aucun risque. Si elle le perd, c’en est fini de ses rêves de grandeur et de monarchie. Alors elle fabrique et dépose ses propres substances antibiotiques qu’elle répand sur sa culture, la protégeant ainsi des infections. En quelques semaines, l’exploitation agricole des champignonnistes atteint une échelle industrielle ! La colonie compte des milliers d’individus. Des ouvrières collecteuses arpentent les buissons du voisinage pour découper les feuilles nécessaires à la culture fongique. Chargée des feuilles, elles pénètrent dans la colonie, sous l’œil attentif des soldates qui gardent l’entrée. Les collecteuses confient les feuilles aux cultivatrices, une caste de petites fourmis qui ne quittent jamais les salles obscures de cultures de champignons. Des salles qui sont d’ailleurs entretenue par d’autres ouvrières, des maçonnes, grâce auxquelles ces salles sont sophistiquées et climatisées, afin d’offrir un milieu de croissance idéal au champignon, le protégeant du chaud, du froid de l’humidité et des bactéries infectieuses. Malheureusement, cette activité agricole génère également de nombreux déchets. Ceux-ci sont donc pris en charge par des ouvrières plus âgées, qui les déversent au sein d’une décharge à ordures, installée à proximité de la colonie. Là-bas, les fourmis recycleuses sont chargées de mélanger constamment le tas de détritus afin d’accélérer leur décomposition. On a donc une espèce de fourmi qui a sélectionné une souche de champignon depuis des millénaires. Qui le fait pousser en lui offrant des fertilisants, qui maitrise les conditions de cultures et qui gère les déchets liés à la production. C’est pas mal non ? Je n’ai pas encore parlé d’animaux qui élèvent d’autres animaux pour en tirer des ressources, exactement comme on élève des vaches pour leur lait. Alors les amis voici un 3ème exemple d’espèce animale, qui pratique donc l’élevage. Si vous êtes fidèles à la chaine vous n’allez pas être surpris de la découvrir. Il s’agit d’une autre espèce de fourmi nommée fourmi de feu. Elle, on la retrouve à la surface installée sur un plant de coton. Car sur le plan de coton se développe de manière complètement anarchique une colonie de pucerons du coton ! Ces petits insectes boivent la sève qui coule dans les tiges et feuilles de la plante, pour collecter les nutriments précieux qui s’y trouvent et dont ils ont besoin. Ces gloutons produisent des tonnes de déjections qu’on appelle du miellat, un liquide très riche en sucres. Et les fourmis de feu raffolent de ces sucres. Si bien qu’au lieu de manger les pucerons (qu’elles raffolent aussi), elles préfèrent en faire l’élevage. Elles les protègent contre leurs prédateurs, comme les coccinelles. Elles entretiennent la propreté dans leur élevage de pucerons. Qui sont des gros dégueulasses. Et dans cette étude qui date de 2021, les chercheurs ont démontré que les fourmis produisent une phéromone -une odeur si tu veux- qui est perçue par les antennes des pucerons. Et lorsqu’ils sentent cette odeur de fourmis, les pucerons se déplacent beaucoup moins. Déjà qu’ils ne bougent pas beaucoup, mais là c’est une immobilité encore plus immobile. Ce qui fait l’affaire des fourmis, car un troupeau qui se disperse moins, c’est un troupeau plus facile à protéger. En plus, cette odeur pousse les pucerons à se reproduire encore plus rapidement qu’à l’accoutumée. Un bétail qui fait plus de bébé quand l’éleveur est dans le coin, que demander de plus ? Nos fourmis éleveuse collectent le miellat que leur bétail produit directement à la source, donc … à leur anus. Elles viennent tapoter sur le derrière des pucerons qui en réponse leur défèquent dans la bouche. Les fourmis stockent alors ce miellat dans leur système digestif et le ramènent à la colonie, pour nourrir toutes leurs sœurs qui y sont restées pour s’occuper des petits ou des tâches ménagères. Avec les gaufres à poches et ces deux espèces de fourmis, on vient de découvrir des animaux qui ont développé il y a des millions d’années, des techniques agricoles sophistiquées, et ce, bien avant la sédentarisation de l’Homme. La démocratie aurait-elle été inventée par les humains il y a 2500 ans ? Et bien non. Car pour certaines espèces animales, consulter l’avis des autres membres du groupe avant de prendre une décision importante, c’est non seulement naturel, mais aussi très efficace. On va découvrir ensemble des communautés animales organisées comme des dictatures, mais d’autres aussi qui fonctionnent comme des démocraties. On verra que pour certaines, les groupes sont dirigés par des despotes, qui se font tout de même conseiller avant de prendre leur décision. Pour d’autres animaux, les décisions sont prises collectivement via l’organisation d’un scrutin. Et que chez certaines espèces il existe des influenceurs, qui mènent campagne afin d’impacter l’opinion et le vote de leurs congénères. Je parlais à l’instant de despotisme. Un système despotique impliquerait un groupe dans lequel un ou quelques dominants seraient les seuls à décider de tout. Cela ne fonctionnerait pas car les autres membres du groupe finiraient par quitter. Sauf bien sûr s’il y a des punitions ou des châtiments infligés aux individus dissidents. Et c’est exactement ce qui se passe dans une colonie de rat-taupe nus. Le rat-taupe nu (Heterocephalus glaber) est un animal fascinant qui vit dans les régions arides de l'Afrique de l'Est, principalement en Éthiopie, au Kenya et en Somalie. Ce petit mammifère fouisseur a une apparence peu conventionnelle, car il vit sous terre dans de vastes réseaux de tunnels qu’il creuse avec ses dents puissantes. Sa peau presque translucide et dépourvue de poils lui a valu son nom singulier. Le rat-taupe nu se nourrit principalement de tubercules et de racines, qu'il trouve en creusant dans le sol. L’une des particularités les plus remarquables de cet animal est l’organisation de sa colonie, qui fonctionne de manière similaire à celle des insectes sociaux comme les abeilles ou les fourmis. La colonie est dirigée par une seule femelle reproductrice, la reine, qui est la seule à se reproduire. Tous les autres membres de la colonie sont répartis en castes, avec des ouvriers qui s’occupent des tâches quotidiennes, et des soldats chargés de défendre la colonie. Ce système hiérarchisé strict et centré autour de la reine est un parfait exemple de despotisme animal, où un individu domine tous les autres. La reine maintient sa domination de plusieurs manières. Par la force physique tout d’abord, puisqu’elle se montre agressive envers les autres membres de la colonie, qu'elle bouscule et mord pour réaffirmer sa position dominante. Mais selon les chercheurs, elle est plus douce envers les membres de sa famille, ou envers les membres de sa colonie qui travaillent dur. Ensuite elle émet des phéromones, des substances chimiques odorantes qui inhibent la reproduction des autres femelles. En d'autres termes, tant qu'une femelle reste exposée aux phéromones de la reine, elle ne peut pas se reproduire. Cela garantit que seule la reine a des descendants. Les ouvriers et les soldats sont donc majoritairement ses descendants et lui sont plus fidèles. Mais dans certains groupes d’animaux, on peut retrouver de meilleurs leaders, qui écoutent l’avis des autres. Des leaders qui en quelques sortes s’entourent d’un groupe restreint de conseillers qu’ils se choisissent. C’est le cas des gorilles, chez qui la structure sociale repose en grande partie sur un leadership centralisé incarné par le dos argenté. Il s’agit d’un mâle qui dispose d’une bande argentée sur son dos à mesure qu'il vieillit, un signe de maturité et de statut élevé. Le dos argenté joue un rôle central dans la vie du groupe, car il décide quand et où le groupe se déplace pour chercher de la nourriture, se reposer ou se protéger. Les autres membres du groupe suivent. Le pouvoir ne va pas sans des responsabilités, si bien que ce grand mâle est le principal défenseur du groupe. Si des menaces extérieures, comme des prédateurs ou d'autres groupes de gorilles, s'approchent, c'est lui qui décide de la réaction du groupe, et qui se retrouve aux premières lignes du combat. Et enfin il est chargé d’apaiser les tensions qui apparaissent parfois entre membres. Bien que le dos argenté soit l'autorité principale, les comportements de déplacements du groupe sont décidés après consultation d’un groupe de femelles adultes qui peuvent parfois influencer ses décisions. Les chercheurs ont démontré que le dos argenté adapte ses décisions de leader en fonction des grognements formulés par ces femelles. A côté de ces systèmes despotiques on retrouve plusieurs espèces animales qui organisent fort bien leur décisions collectives sans avoir besoin d’aucun leader. Mais ça ne veut pas toujours dire que c’est optimal ni que ce serait efficace pour toutes les espèces animales. Prenons l’exemple des harengs (Clupea harengus). Les harengs forment d'immenses bancs, parfois composés de milliers voire de millions d'individus. Lorsqu'ils se déplacent en groupe, ils ne suivent pas un leader. Au lieu de cela, chaque poisson ajuste son comportement en fonction des poissons qui l'entourent. Ce processus est guidé par trois règles simples : (1) Chaque poisson reste proche de ses voisins immédiats ; (2) Les harengs ajustent constamment leur direction en fonction de la moyenne des orientations des poissons autour d'eux. Ce qui donne l'impression d'un mouvement fluide et synchronisé.et (3) les harengs font en sorte d’éviter les collisions en gardant toujours une petite distance avec le voisin. Résultat, une auto organisation qui aident ces poissons à se protéger contre leurs prédateurs, parfois impressionnés par le nombre, mais aussi qui réduit l’énergie dépensée pour se déplacer car les poissons profitent de l'effet de réduction de la résistance de l'eau générée par les mouvements des autres poissons. Mais ce serait mentir que de parler d’un système démocratique chez ces poissons. Pourtant des groupes d’animaux où les membres expriment constamment leur opinion et impacte la décision collective, il y en a plein ! Les éthologues ont notamment observé cela chez les cygnes, les lycaons, les macaques, les zèbres ou encore les bisons. Avec, à chaque fois, des méthodologies spécifiques d’expression des opinions. Mais chez toutes ces espèces il y a un point commun : pour prendre une décision collective il faut atteindre un quorum, un seuil qui varie selon la taille du groupe et le nombre de choix existants. On va donc découvrir ensemble les systèmes démocratiques mis en place par certains animaux : Comment votent-ils ? Quel quorum doivent-ils atteindre ? Et quel est le rôle joué par les influenceurs ? On a longtemps cru que la démocratie était l’apanage de l’espèce humaine. De grands penseurs de la Grèce antique ont formalisé les premières ébauches de démocratie pour nos sociétés il y a plus de 2500 ans. Résultats, aujourd’hui nos décisions collectives sont souvent prises selon un système démocratique où chacun exprime son avis qui est pris en compte par la collective. Qu’il s’agisse d’élire le président de la République ou de choisir un restaurant pour un dîner entre amis. Pourtant il apparait clair pour les spécialistes du comportement animal que des processus semblables existaient bien avant cette époque pour plusieurs autres espèces animales. On n’était clairement pas les premier à inventer le vote démocratique, qui n’est donc pas la démonstration de notre très haut degré de civilisation. Il s’agirait plutôt d’une tendance naturelle, voire animale ! Il faut dire que pour les animaux sociaux, rester groupés est une question de survie. On l’a vu plus tôt, être nombreux présente l’avantage de diminuer nettement le risque de prédation. Même si cela comporte aussi quelques inconvénients, comme la transmission des maladies ou la compétition pour les ressources. Agir seul, à part du groupe, sans tenir compte des avis des autres, c’est s’exposer à de nombreux risques. Dans les sociétés libérales humaines aussi, les individus ont le droit de faire leurs propres choix concernant leur vie, tant qu'ils ne nuisent pas aux autres. L’enjeu individuel, dans la vie en société, c’est de réussir à répondre à ses propres besoins tout en bénéficiant de la présence des autres et des avantages qu’offre la structure du groupe. Et la tentation est forte, pour les humains comme pour les autres animaux, à faire bande à part. Selon les éthologues, les rebelles qui tenteraient de ne pas suivre la tendance générale ont plus à perdre qu’à gagner. Si bien que le mot d’ordre est de rester soudés. Et le meilleur moyen d’y parvenir, c’est la satisfaction de la majorité des individus. La base précisément du principe du système de vote démocratique. Les cygnes chanteurs sont selon moi l’un des plus magnifique exemple de système démocratique (Publication Cygnes). Imagine la scène : un étang sur lequel atterrissent bruyamment une 50 aine de ces cygnes (Cygnus cygnus L.). Leurs cris s’atténuent progressivement. Chacun des oiseaux débute sa recherche de nourriture. Certains filtrent l’eau à l’aide de leur bec jaune et noir alors que d’autres préfèrent plonger jusqu’au fond de la mare pour en arracher des plantes aquatiques. La communauté compte de nombreuses petites familles, composés des parents et de leurs jeunes. Mais arrive un moment où certains individus ne trouvent plus aussi facilement de nourriture qu’en arrivant. Ils commencent à crier son envie de quitter les lieux. Il s’approche alors d’une petite famille, s’assure d’avoir leur attention puis clarifie ses intentions en balançant la tête. Les témoins s’accumulent autour de la scène. Ils écoutent ce qu’il a à dire. Un message, que l’on pourrait traduire par : « Chers amis, je ne trouve plus suffisamment de quoi manger dans cet étang, je suggère donc que notre groupe décolle et s’envole en direction d’une zone plus riche en nourriture ». Certains individus se laissent aisément convaincre par le beau parleur, et exhortent à leur tour les cygnes voisins de mouvements de tête identiques. De plus en plus de cygnes agitent la tête certains désapprouvent et décide de ne pas remuer la tête. Les opinions s’échangent et, parfois, se modifient. Chacun semble peser le pour et le contre, en fonction de son état d’affamement, des risques encourus, du choix opéré par ses proches, ou de ses propres souvenirs du dernier décollage collectif. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Mais lorsque le nombre de suffrages en faveur d’un départ semble s’approcher de la majorité, les premières ailes frappent la surface de l’eau. Et même les cygnes ayant voté contre cette partance se joignent au mouvement. Il est hors de question de rester seuls, c’est beaucoup trop risqué ! Avant d’aller plus loin, sache que cette histoire comme tout ce que je te raconte sur cette chaine, est tirée de travaux scientifique sérieux. Et d’ailleurs la question de la démocratie chez les animaux, je l’aborde dans mon dernier livre « La cigale et le Zombie : ces comportements que l’on pensait propres à l’Homme ». Je te mets un lien dans la description si tu veux le découvrir. Il n’y a pas que les cygnes qui votent. Les lycaons expriment leurs opinions et leurs envie en éternuant. Les abeilles votent en dansant, et oui il y a différentes danses, certaines étant plus ou moins convaincantes. Les gorilles ont l’a vu c’est par des grognements, alors que les cerfs votent en levant leurs bois. Les décisions collectives se prennent souvent à la majorité, même si les chercheurs l’affirment, cette majorité n’est pas toujours atteinte et une décision est parfois prise avec seulement 40% des individus qui y sont favorables. Cela s’explique par la présence d’influenceurs, qui mènent campagnes pour faire connaitre leurs idées et rallier les autres. Ces « campagnes politiques » s’observent particulièrement chez les espèces dont les individus ont les relations de parenté, des liens affiliatifs ou les dominances existantes au sein du groupe. À l’instar des faiseurs d’opinions, certains individus, de par leur comportement ou leurs caractéristiques, vont avoir plus de poids que les autres lors des débats et du vote final. Ces leaders d’opinion influencent leurs congénères. Chez les girafes, les orques ou les éléphants, ce sont les femelles âgées qui jouent ce rôle, du fait de leur expérience et de leur connaissance de l’environnement. Mais la personnalité des individus joue aussi, les plus audacieux initiant plus de déplacements que les autres. Il arrive que des décisions de groupe ne plaisent pas à un grand nombre d’individus, c’est le cas quand deux influenceurs s’opposent, chacun ralliant sa communauté autour de lui. Das ces cas-là, le groupe peut se scinder temporairement le temps de résoudre leurs divergences d’opinion sans pour autant rompre définitivement la cohésion sociale de la communauté. C’est par exemple le cas des gnous, qui n'ont pas de leader fixe lors de leurs migrations, si bien que les mouvements du troupeau sont dictés par des signaux collectifs et instinctifs. Lorsque des sous-groupes de gnous perçoivent différentes trajectoires comme plus avantageuses (par exemple, un groupe suit une piste humide tandis qu'un autre suit un cours d'eau), alors ils peuvent temporairement se scinder avant de se rejoindre plus tard. On observe la même chose chez les éléphants d’Afrique. Ces animaux sont très sociaux t vivent en groupes matrilinéaires, généralement composés de femelles apparentées et de leurs petits. Cependant, il y a parfois des divergences d'intérêts entre deux matriarches, comme lorsque l’une d’elle veut se diriger vers une source d'eau alors qu’une autre préfère rester dans une zone de pâturage, alors le groupe peut temporairement se séparer en sous-groupes. L’organisation et l’exercice du pouvoir sont indissociables des sociétés complexes. Si les sociétés de certaines espèces peuvent aisément se comparer à des formes de dictature, tant leur dirigeante unique et autoproclamée concentre tous les pouvoirs de décision, d’autres choisissent des alternatives « politiques » plus démocratiques. La démocratie n’est donc pas le fruit d’une culture sophistiquée que seul l‘humain peut se targuer d’avoir atteint. Non. La démocratie, c’est une pratique… toute naturelle. |
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AuteurFrançois Verheggen, Professeur de Zoologie, Université de Liège Archives
Novembre 2024
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