Le raton laveur arrive certainement près de chez toi ! J’ai rassemblé tout ce qu’il faut savoir à son sujet dans cet article. Car il a beau avoir une tête de peluche adorable, c’est un animal très intelligent avec lequel la cohabitation peut vite tourner au cauchemar. Le raton laveur vandalise tes poubelles, rentre dans ta maison et pille tes réserves de nourriture. Il grimpe sur les toits, s’incruste dans les greniers et fait tellement de bruit la nuit qu’il réveillera toute ta famille. Ah ! Et s’il peut te refiler des parasites, à toi, tes enfants ou tes animaux, eh bien il n’hésitera pas. Au programme : comment le reconnaître, où l’observe-t-on et quand prévoit-il de poser ses bagages chez toi ? Ce qu’il mange, pourquoi on l’appelle LAVEUR, et surtout comment gérer sa présence autour de ton habitation. Accroche-toi, voici des infos solides qui pourraient bien t’être utiles, aujourd’hui ou très bientôt. Le raton laveur provient d’Amérique du Nord, ce qui nous change des espèces invasives d’origine asiatique dont je te parlais récemment. Les tout premiers individus sont arrivés chez nous dans les années 30, en Allemagne d’abord, dans le cadre du développement d’élevages destinés à récupérer sa fourrure. Mais son installation a sans doute été causée par ceux qui en ont ramené pour en faire des animaux de compagnie. Cela s’est particulièrement produit dans les bases de l’OTAN, qui ont éclos un peu partout en Europe après la Seconde Guerre mondiale. C’est vrai que les petits ratons sont assez facilement apprivoisés et, aux États-Unis, il n’est pas rare que les gens les utilisent comme animaux de compagnie. Malheureusement, à l’âge adulte, ces ratons laveurs vivant autour des fermes d’élevage ou dans ces bases de l’OTAN se sont rapidement évadés, poussés par leur instinct de vie sauvage. Selon la région où tu habites, ils sont peut-être déjà nombreux autour de chez toi, ou peut-être qu’ils vont bientôt arriver. Voici la carte actuelle de la répartition du raton laveur dans le monde. Son aire d’origine est en orange, et recouvre notamment les pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Nord. En Europe, la bête est omniprésente en Allemagne et se propage rapidement sur les territoires belges et français. Il faut dire qu’à en croire ces chercheurs, le climat européen actuel, comme futur, lui plaît beaucoup. En France, les premières introductions datent des années 60. Des ratons laveurs qui étaient détenus comme animaux de compagnie ont été relâchés par des troupes américaines et canadiennes basées dans l’Aisne. Cette population a considérablement grossi pour se répandre sur les départements limitrophes et, de proche en proche, vers l’est, le nord de la France ainsi que vers l’ouest, en direction de la région parisienne. Cette population semble désormais en contact avec la population belge, qui elle, est probablement issue des toutes premières introductions ayant eu lieu en Allemagne. En Belgique, d’ailleurs, le raton est observé pour la première fois dans les années 80. Aujourd’hui, il est partout en Wallonie et remonte rapidement vers la Flandre. Un deuxième foyer français est apparu en Auvergne, et une troisième population s’est ensuite installée en Gironde en 2007. En dehors de ces foyers, on en observe régulièrement sur l’ensemble du territoire. Ce sont soit des individus échappés de parcs zoologiques, soit des abandons intentionnels de particuliers qui les détiennent illégalement, vu que ces animaux deviennent imprévisibles et agressifs une fois adultes. Peut-être vis-tu dans une des zones que je viens de citer et pourtant, tu n’en as jamais croisé un ? Et c’est normal, car le raton laveur a ses préférences, notamment pour les bords de cours d’eau et les forêts de feuillus parcourues par des ruisseaux. Ça ne veut pas dire qu’on ne le retrouve jamais en milieu urbain, car le bougre s’adapte très rapidement. Et puis, si tu ne l’as encore jamais vu, ça ne veut pas dire qu’il n’est pas là. Ta poubelle renversée, ce n’était peut-être pas un chat. Des indices à proximité pourraient te renseigner, comme les traces de ses pattes, où l’on distingue clairement ses cinq longs doigts munis de longues griffes et étalés à la manière des doigts d’une main. Le risque de confusion est possible avec les empreintes du rat musqué, mais celles-ci sont plus petites et souvent associées à une traînée laissée par la queue. Il laisse aussi des traces de sa présence comme des tiges rompues dans les champs de maïs ou des amas de coquilles de palourdes sur la rive d’un cours d’eau. Si tu en croises un, tu peux rendre service en signalant sa présence. En France, tu peux utiliser l’application INPN Espèces, INPN pour Inventaire National du Patrimoine Naturel. Il suffit de prendre une photo, de renseigner le lieu d’observation de l’animal, et c’est envoyé aux experts qui peuvent ainsi mieux agir. En Belgique, tu peux rapporter leur présence sur le site Observations Biodiversité. Le raton laveur est un mammifère gris de la taille d’un gros chat. Son visage est blanc mais porte une bande noire sur le nez ainsi que de larges taches noires autour des yeux qui lui donnent cette forme de masque. Sa queue épaisse porte cinq à sept anneaux noirs. Tu ne le confondras pas avec le putois, beaucoup plus élancé et dont la queue ne présente pas d’anneaux, ni avec le blaireau, qui n’a pas de masque sur le visage, qui est plutôt zébré de noir et de blanc et dont la queue est courte et non annelée. Finalement, il ressemble surtout au chien viverrin, qui est une autre espèce invasive dont le visage masqué et la taille sont proches du raton. Mais son pelage est plutôt gris que brun. Et c’est un Canidé, cousin de nos chiens donc, avec une queue courte et non annelée, et des doigts plus courts. Les ratons laveurs, eux, font partie d’une autre petite famille de mammifères carnivores qu’on appelle les Procyonidés, et qui inclut aussi les Coatis, qu’on ne retrouve qu’en Amérique centrale et en Amérique du Sud, comme le coati roux. Difficile de ne pas voir un petit air de famille avec le raton. Le raton laveur est un ramasseur-cueilleur… opportuniste et omnivore. Il se nourrit principalement de végétaux (fruits et céréales) et d’invertébrés comme les insectes, les vers ou les mollusques. Grâce à sa fourrure, il est protégé contre les piqûres et donc, il s’attaque par exemple aux colonies d’abeilles. Mais il chasse également des amphibiens, des poissons, des œufs et des poussins d’oiseaux ainsi que des micromammifères. Il est plutôt un collecteur-cueilleur qu’un véritable prédateur. Il consomme en fait la ressource la plus disponible et la plus accessible. S’il vit près de l’eau, il mangera avec plaisir des palourdes d’eau douce ou des batraciens. En été et en automne, il privilégie le maïs, les fruits, les baies, les glands et les noix. Et ce dégoûtant peut aussi manger des charognes. À la fin de l’été et en automne, il emmagasine des réserves de graisse pour se préparer à la saison froide et peut ainsi atteindre jusqu’à deux fois son poids d’origine. En hiver, le raton laveur n’hiberne pas, mais entre dans une période d’inactivité et de dormance, sauf dans les régions du Sud où l’animal continue d’être actif. On l’appelle raton laveur, non pas parce qu’il lave précautionneusement ta voiture pendant la nuit, mais parce qu’il a l’habitude de tremper son aliment dans l’eau et de le frotter entre ses mains comme pour le pétrir. Il peut ainsi déterminer si ce qu’il a trouvé est comestible. Et s’il n’y a pas d’eau, il frotte son futur repas précautionneusement dans ses petites mains. Avec son visage masqué et ses habitudes nocturnes, on aurait pu se douter qu’il avait tout du parfait petit brigand. Il est très anthropophile, ce qui signifie qu’il aime vivre à proximité des humains. Et il cause bien des ennuis. Par exemple, c’est un expert en ouverture de poubelles. Si tu pensais que tes déchets étaient en sécurité dans une poubelle verrouillée, détrompe-toi. Rien ne l’arrête : poignées ou couvercles lourds, il a tout vu et tout ouvert. Il en va de même pour ton poulailler, même fermé par une porte. Pas de problème, il se dresse sur ses pattes et tourne la poignée avec ses mains agiles. Et hop, l’insolent rentre et se sauve avec un œuf, quand il ne donne pas carrément un coup de griffe mortel à l’une de tes poules. Et ne parlons pas de sa capacité à s’inviter chez toi. Tu te dis que laisser une fenêtre légèrement ouverte en été, c’est parfait pour faire entrer une petite brise fraîche. Eh bien, pour un raton laveur, c’est une invitation VIP à entrer et à fouiller dans ton frigo. Surtout s’ils sont nombreux dehors et qu’ils ont faim. Ainsi, tu te réveilles le matin et tu te demandes pourquoi il y a des empreintes boueuses sur ton canapé, un pot de confiture vide sur le sol et les gamelles du chien et du chat vidées. Surprise ! C’est ton nouvel ami masqué qui s’est servi pendant que tu dormais. Le raton laveur est aussi un expert en escalade. Oui, s’il peut grimper aux arbres, il peut aussi gravir les murs de ta maison si ça lui chante. Il est agile et descend aisément d’un tronc la tête la première, en tournant ses pattes arrière à 180 degrés. Tu pensais que ton grenier était un endroit sûr pour stocker tes affaires ? C’est une erreur ! Le raton laveur y voit une chambre d’hôtel de luxe avec vue sur ton jardin. Tu t’en rendras vite compte, car ils ne sont pas du genre silencieux une fois la nuit tombée. Et s'il a envie d'un bain, il pourrait bien faire un plongeon dans ta piscine. S'il a longtemps été considéré comme inoffensif pour la faune européenne, de plus en plus d'études montrent que ce prédateur opportuniste peut constituer une menace sérieuse pour de nombreuses espèces menacées en Europe, je pense à certaines espèces d’oiseaux, de chauves-souris ou de reptiles. C’est particulièrement vrai dans les environnements où ces proies ne sont pas habituées à un prédateur comme le raton laveur. Mais le raton entre aussi en compétition avec les espèces locales, comme la martre, qui consomment la même nourriture que lui ou qui utilisent les mêmes abris pour la nuit. Aujourd’hui, le raton laveur est considéré comme une menace pour la biodiversité et a été classé par le Conseil de l'Europe comme espèce invasive dont l’éradication est conseillée en raison de son impact sur la faune locale. Il joue aussi un rôle de réservoir de maladies en transmettant des parasites aux animaux qui subissent son arrivée. Et en parlant de parasites, tu es aussi concerné. Parce que le raton laveur, c’est un peu comme ta fille de 14 ans quand elle te dit « je t’aime mon petit papa », avec ses yeux attendrissants, pour te demander sans aucune subtilité un nouveau smartphone 10 minutes plus tard. Le raton, lui, te fait les yeux doux, avec son visage adorable. Toi, tu succombes à son charme, tu baisses ta garde, tu t’en approches, tu as envie de lui faire une petite caresse sur sa petite bouille adorable. Et en deux secondes, tu te retrouves mordu et griffé, et tu n’as pas assez de doigts pour compter le nombre de germes infectieux qu’il t’a injectés dans le sang. Car oui, le raton laveur peut te transmettre le virus de la rage, mais aussi de dangereux parasites. Donc si tu croises un raton laveur au bord d’un chemin, fais sérieusement attention, car il pourrait être porteur de ces maladies. Par exemple, depuis plusieurs années, les ratons laveurs situés en Allemagne sont porteurs de la baylisascariose, des vers parasites intestinaux. Les premiers cas ont aussi été rapportés en 2024 en Belgique. Les œufs de ce nématode parasite se retrouvent dans les déjections de l’animal, sur son pelage et dans son environnement direct. L’infection n’est pas mortelle pour les ratons laveurs mais peut se transmettre à l’être humain par l’ingestion accidentelle de terre ou d’autres matériaux souillés par les matières fécales des ratons contaminés. Ça arrive plus vite que tu ne le penses, par exemple si tes enfants jouent dans leur bac à sable, par où est passé le raton pendant la nuit. Les infections humaines peuvent se révéler très dangereuses : les larves ingérées traversent la paroi du système digestif et se répandent dans tout le corps via les vaisseaux sanguins. Elles touchent alors surtout les muscles, mais aussi le système nerveux et le cerveau, générant des dégâts irréversibles aux organes atteints. S’il est partout aux États-Unis et au Canada, il n’y pullule pas autant puisqu’il est régulé. Ses populations sont en équilibre avec des espèces de plus grands prédateurs comme le puma, le loup, le lynx ou la martre. Des animaux tout à fait respectables pour le coup. Ce n’est pas le cas en Europe de l’Ouest. Résultat : le raton laveur y est inscrit depuis 2016 dans la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union. Cela signifie que cette espèce ne peut pas être importée, élevée, transportée, commercialisée ou libérée intentionnellement dans la nature, et ce, nulle part dans l’Union européenne. Pour éviter tous les désagréments liés aux ratons laveurs, mieux vaut adopter quelques gestes simples. Premier conseil : ne succombe pas à son charme ! Ne t’approche pas d’un raton, ne le nourris pas et SURTOUT ne le touche pas ! Il y a plusieurs petits aménagements que tu peux mettre en place autour de chez toi s’il y a des ratons dans le coin. Enferme les poules à clé pour la nuit (ça les protégera du renard aussi), élague les branches des arbres situées contre la maison pour maintenir un écart de plus d’un mètre, limite l'ouverture des fenêtres en utilisant l’oscillo-battant et installe un dispositif pour empêcher l'escalade par les gouttières et l'accès au grenier. Pour l’empêcher d’accéder aux nichoirs, tu peux installer sur le tronc un dispositif l’empêchant d'y grimper. Les chatières doivent être bloquées durant la nuit, tout comme tes poubelles, que tu peux attacher au mur pour éviter qu’ils ne les renversent. Ne laisse pas de nourriture pour oiseaux ou animaux domestiques accessible à l'extérieur de la maison durant la nuit. Ferme à clé le bac à sable quand il n’est pas utilisé et surveille les enfants en journée pour qu’ils ne mettent pas de sable ou de terre en bouche. Pendant une balade, ne cueille pas de baies sauvages à moins qu’elles ne paraissent inaccessibles, c’est-à-dire sur tige à plus de 50 centimètres du sol. Lave systématiquement les fruits et les légumes, et cuis ceux qui proviennent du potager, des champs, des forêts ou des jardins potentiellement accessibles aux ratons laveurs. Les chiens doivent également garder leurs distances. Ce sont sans doute les meilleurs prédateurs du raton laveur, mais il faut toujours les tenir en laisse pendant tes balades dans les milieux forestiers, et vérifie que ton chien a bien reçu son traitement vermifuge. J’espère que tu n’auras jamais à faire face aux ratons laveurs, et si c’est le cas, n’hésite pas à revenir sur cette vidéo ci-dessous pour te rappeler les gestes à appliquer.
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AuteurFrançois Verheggen, Professeur de Zoologie, Université de Liège Archives
Septembre 2024
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