Oublie tout ce que tu penses savoir sur le loup ! Aujourd’hui j’avais envie de reprendre les 7 principales fausses idées auxquelles presque tout le monde croit sur les loups et de les confronter à ce que la littérature scientifique démontre. Et je pense que je vais réussir à te surprendre plus d’une fois. Depuis quelques années les loups sont protégés en Europe mais certains entretiennent leur mauvaise réputation, à l’instar de la présidente de la Commission européenne qui a proposé de réautoriser sous conditions la chasse de cet animal protégé. Pourtant le loup a été pourchassé et abattu à travers le territoire de l’Europe pendant des décennies. Des mesures de protection ont permis son retour dans plusieurs pays européen, dont la France ou la Belgique. On va voir ensemble pourquoi la préservation des loups est importante et je vais rétablir quelques vérités à propos de leurs comportements, le tout avec la marque de fabrique de cette chaine : des informations basées sur la science. On commence avec le premier mythe ! Il est commun de dire que les chiens descendent des loups et que cette domestication aurait eu lieu en Asie. Mais les choses sont un peu plus compliquées que cela. C'est le loup aurait été le tout premier animal à avoir été apprivoisé et domestiqué. On retrouve des restes canins associés à une présence humaine il y a 26.000 ans en République tchèque, et 30.000 ans en Sibérie ! Difficile de dire si ce sont encore des loups apprivoisés ou déjà des chiens ? Le débat n'est pas tranché. Certains avancent même la date de 40.000 ans pour marquer le début de la domestication. Il n’y a pas de consensus. Par contre tout le monde semble d’accord pour dire que les loups ont été domestiqués pour la chasse. Les premiers loups se sont sans doute rapprochés des Hommes pour se nourrir et, petit à petit, ont été totalement apprivoisés. Sur un site archéologique situé en Jordanie, on a retrouvé de très nombreux ossements d'animaux, dont une grande proportion marquée par des traces d’usure, qui témoignent d'un passage dans un tube digestif. Des os trop gros pour avoir été avalés par l'Homme et donc, concluent les auteurs, digérés par des chiens/loups. Les chiens sont donc l’une des rares espèces animale à avoir été domestiquées pour une autre raison que l’agriculture. Oui même ton chat il a été domestiqué pour protéger les grains des rongeurs. Dans une étude très sérieuse publiée dans le journal Science de 2016, des chercheurs ont analysé l’ADN de centaines de chiens appartenant à des races différentes et ont retracé leur origine. Tordant le cou à quelques idées fausses au passage. Premièrement ils affirment que « le chien n’est pas un descendant du loup actuel. Les chiens ont été domestiqués à partir d’une espèce apparentée au loup que nous connaissons, mais aujourd’hui éteinte, et qui était génétiquement plus diversifiée que les populations de loups actuels. Deuxième conclusion de leur travaux, les chiens peuvent se diviser en deux groupes: des races aux origines asiatiques, et des races aux origines européennes. Mais la question qui demeurait, c’est est-ce que tous ces chiens descendent du même ancêtre ? ou est-ce que les chiens ont été domestiqués deux fois ? La réponse doit être nuancée. Quand les chercheurs décryptent les gènes des chiens du monde entier, au premier regard il ressort qu’ils descendent tous d’une espèce de loup, quelque part autour de -14.000 ans en Asie. Puis auraient été retrouvé en Europe à une période incertaine, entre -14000 et -6400 ans. Mais des preuves archéologiques démontrent que les chiens étaient déjà présents en Europe il y a plus de 15.000 ans. C’est-à-dire plus de 1000 ans avant cette migration des chiens asiatiques vers l’Europe. Sur leur carte, les chercheurs ont placé l’âge des restes de chiens pour les différents sites où ces restes ont été retrouvés. Deux spots rouges sont visibles : un en Europe et l’autre en Asie, qui correspondent aux restes agés de plus de 12.000 ans d’Age. Ces résultats suggèrent donc qu’il y a eu une seconde vague de domestication, en Europe cette fois. Mais les chiens domestiqués en Europe auraient largement disparu lors de l’importation de chiens asiatiques. Il reste des fragments de cette domestication européenne dans les chiens actuels, mais la toute grande majorité de ceux-ci peuvent tracer la plus grande partie de leur ADN ancestral jusqu’en Asie. En conclusion, on peut dire que deux lignées ancestrales de loups, aujourd’hui éteintes, ont conduit à la domestication des chiens. Mais je précise que des études sur ce thème sortent très régulièrement et que ces conclusions peuvent encore subir des adaptations. Allé on avance, car je dois encore te parler du fameux « mâle alpha », ou du rôle joué par le loup sur la biodiversité et nos paysages. Deuxième mythe à propos du loup, il tue pour le plaisir, pour le jeu, il tue pour s’amuser. Et bien non, le loup n’a pas le même comportement qu’un chat ou qu’un renard. Les renards, comme les chats, s'engagent parfois dans ce qui semble être un jeu avec leur proie avant de la tuer définitivement. Ce comportement peut paraitre absurde mais rempli plusieurs objectifs: (1) Jouer avec sa proie permet d’affiner ses compétences de chasse. Le jeu les aide à améliorer leur coordination, leur timing et leur capacité à maîtriser efficacement des proies vivantes à l'avenir. (2) Ce jeu permet aussi d’épuiser une proie avant de la tuer définitivement. Le renard ou le chat réduit ainsi le risque de blessure, surtout si la proie est capable de se défendre. (3) et enfin chez ces animaux là, ce jeu permet de réduire le stress dans certaines situations, en évacuant le trop plein d'excitation. Bien qu’il appartienne à la famille des canidés comme le renard roux, les loups ne jouent généralement pas avec leurs proies. Ce sont des animaux de meute qui s'appuient sur des techniques de chasse très coordonnées et efficaces pour abattre leur cible. Une fois celle-ci acculée ou épuisée, ils la mettent à mort sans prendre le temps de jouer avec elle. Et il y a plusieurs raisons à cela : (1) Les périodes de chasse des loups sont très organisées et directes. Leur objectif est d'abattre leurs proies le plus rapidement possible pour éviter de se blesser ou de gaspiller de l'énergie, ce qui est crucial pour la survie de la meute. (2) Aussi, contrairement aux deux autres, les loups ont tendance à chasser des animaux plus gros et potentiellement dangereux, pouvant donc les blesser. Adopter un comportement ludique serait non seulement inefficace mais aussi dangereux face à des animaux qui peuvent se défendre. Cela dit, les loups ont des comportements ludiques au sein de leur meute, en particulier entre les plus jeunes. Ce jeu social permet de renforcer les liens, de pratiquer les techniques de chasse et d'établir des hiérarchies, mais il est généralement réservé à l'interaction au sein de la meute plutôt qu'avec les proies. Ce qui m’amène au mythe suivant : si on laisse faire les loups, ils décimeront les troupeaux. Ce mythe est quelque part lié au précédent, car lorsqu’un éleveur retrouve une grosse partie de son troupeau mis à mort par une meute de loups, cela donne l’impression que le prédateur a tué pour le plaisir de jouer. Car oui cela arrive qu’un nombre excessif de bêtes soient mises à mort. La nervosité, les comportements des proies ou une mauvaise compréhension de la situation peuvent conduire une meute à mettre à mort plus d’animaux qu’ils n’en ont besoin. Je rappelle que les loups sont aussi des charognards, donc une meute peut profiter de la présence de plusieurs proies faciles pour constituer des réservoirs de nourriture sur lesquels ils reviendront jour après jour se nourrir. Sauf si entre temps bien sur l’éleveur a démontré qu’il était fâché, en faisant du bruit et en étant fort présent sur la parcelle où a eu lieu l’attaque, les loups auront alors vite fait de comprendre qu’il ne faut plus revenir. Même si les loups préfèrent s’attaquer à des proies sauvages, ils n’hésiteront pas à se rapprocher des humains pour se servir de proies faciles. De plus en plus d'éleveurs et d’éleveuses misent donc sur les mesures préventives, qui fonctionnent ! Ce qui prouve ainsi qu’il est possible de cohabiter avec les loups, moyennant les adaptations nécessaires. Il existe des solutions beaucoup plus efficaces et durables que la chasse des loups pour gérer les conflits entre les loups et le bétail. De nombreux propriétaires de bétail ont fait des efforts pour rendre leurs clôtures plus dissuasives pour les loups. Souvent ils bénéficient de soutien gouvernementaux. Les résultats venant d’Allemagne et de Slovénie prouvent que cette méthode est la meilleure garantie d’une cohabitation apaisée avec les loups. Ces mesures préventives, combinées à des conseils concrets sur leur mise en place et à un entretien régulier des clôtures, garantissent une diminution des dommages. Et cela même lorsque le nombre de loups augmente ! Mythe suivant : LES LOUPS SONT TOUT EN HAUT DE LA CHAINE ALIMENTAIRE Évidemment, je n’inclus pas de l'homme comme prédateur de loups. Et d’ailleurs je reviendrai dans un instant sur le statut de protection dont bénéficie le loups en Europe. Mais en effet tout le monde part toujours du principe que les loups ont le dessus. Mais si c’est en effet le cas en Europe, ce n’est pas toujours le cas aux Etats-Unis. L’état de Washington compte une grande population de Loups estimée à une 40aine de meutes. Mais dans cet état du Nord-Ouest américain, le service public de la faune a documenté la mise à mort de plusieurs loups, représentant 30 % des morts naturelles de loups dans l’État tout de même. Les chercheurs ont cherché le coupable en utilisant les colliers GPS dont de nombreux loups sont équipés. Ce sont des colliers radios qui avaient été placés sur les loups et qui permettent de mieux comprendre leur déplacements et autres comportements. Mais quand un animal ne bouge pas pendant huit heures d’affilée, son collier envoie un signal aux scientifiques, qui se démènent alors pour récupérer le collier et pour reconstituer le fil des événements. Cadavre du loup dissimulé, deux trous dans le crâne, et les scientifiques peuvent ainsi soupçonner le puma comme coupable. Puisqu’il s’agit de la technique couramment employée par ce grand félin américain. Mais c’est de bonne guerre, car comme le disent ces chercheurs, les loups s’attaquent parfois aux petits des pumas. Mais finalement bonne nouvelle pour les deux prédateurs, car là où les loups ont été réintroduits, les populations de pumas et de loups ont globalement augmentées. On continue avec ce mythe célèbre : LES MALES ALPHA CHEZ LES LOUPS Le loup alpha c’est une figure qui occupe une place importante dans notre imaginaire. L’idée d’un chef de meute suprême qui s’est battu pour dominer les autres loups de sa meute. Un gros mâle qui se réserve ainsi l’accès à la reproduction et à la nourriture, alors que les autres membres doivent le suivre, se soumettre et lui obéir. Et bien tout ceci est FAUX ! Mais si vous y croyez, alors vous êtes pardonné, parce que ce sont les scientifiques eux-mêmes qui sont à la base de cette croyance. En 1947, Rudolf Schenkel de l'Université Suisse de Bâle réalise des observations sur les comportements de loups gris en captivité. Et il conclue pour la première fois que les meutes de loups se composeraient d'individus rivalisant entre eux pour la domination, les loups dominants étant appelés mâle et femelle « alpha », puis les seconds sont les « bêta » … je ne ferai aucun jeu de mot nul sur ceci. Il décrit de violents combats entre mâles qui mèneraient à l'élection d'un « mâle alpha », seul autorisé à se reproduire avec la « femelle alpha », et tous deux conservaient leur place par l'intimidation agressive des autres membres de la meute. L’un des problèmes majeurs des études de Schenkel sur les loups est qu’elles n’impliquent aucun loups dans la nature. Cette notion de « loup alpha » a été ensuite renforcée, en grande partie, par un livre à succès du biologiste David Mech sorti en 1970 et intitulé Le loup, écologie et comportement d’un espèce menacée. Il y a tellement de bêtises dedans que son auteur s’est battu des années pour empêcher l’éditeur de continuer d’en imprimer et d’en vendre. Durant les années suivantes, les chercheurs vont révéler que la meute est en réalité une famille !! Une famille composée d'un couple fondateur et de sa progéniture des 1 à 3 années précédentes. Parce que vers l’âge de 2 ans les loups quittent la meute pour s’en créer une. Les prétendus « alpha » sont en réalité les parents du reste de la meute, et l'agressivité avait essentiellement un rôle pédagogique, les parents s'arrogeant la primeur des proies. Le concept de mâle alpha chez les loups a cependant connu un tel succès auprès du public, qu'il s'est largement exporté, et en particulier hors du champ de la zoologie et notamment ceux de la politique et de la sociologie. Et les mythes perdurent puisque vous avez peut-être déjà ce genre d’image où on voit des loups marcher l’un derrière l’autre. Je fais une parenthèse : on dit qu’ils marchent à la queue leu-leu. Leu veut dire loups en vieux français. Ils marchent donc à la queue loup loup. Sur cette image très populaire sur les réseaux sociaux on a dit mille et une bêtises : Le dernier loup de la file serait le mâle alpha, le leader qui s'assure qu’aucun membre ne soit laissé derrière. Les trois à l'avant seraient les vieux et les malades, qui marchent en avant pour régler le rythme du groupe de sorte qu'ils ne restent pas derrière. Les prochaines sont les plus forts, les dominants, ils sont chargés de protéger les devants en cas d'attaque. Les cinq du fond sont forts et chargés de protéger l'arrière en cas d'attaque. Ce sont que des bêtises. Retenons donc que le concept de mâle alpha n’a aucun sens chez les loups. LES LOUPS ATTAQUENT LES HUMAINS Dans les films pour enfants comme La Reine des Neiges, le petit chaperon rouge ou La Belle et la Bête, les loups sont un danger pour les humains. Pourtant l’espèce a fait son retour en Allemagne depuis plus de 20 ans et il n’y a jamais eu d’attaque sur l’humain, alors qu’on estime qu’il y a plus de 1 500 individus dans le pays. Il y a des exceptions, je ne vais pas le nier, comme au mois de Juillet dans la Région d’Utrecht aux Pays-Bas, où une fillette a été mordue par un gros chien, qui s’est avéré être un loup après des tests ADN. La vérité c’est que les loups sont plutôt craintifs et fuient les humains. Ils vous entendent et vous sentent bien avant qu’ils ne soient à portée de votre vue et sont si méfiants que la plupart des gens ne les voient pas. Il y a des facteurs qui aggravent le risque évidemment, un enfant en promenade seul dans les hautes Fagnes la nuit sera vu par une meute comme une proie facile. Ce que je veux dire avec cet exemple absurde, c’est qu’il est essentiel de réapprendre à vivre avec les loups et donc d'adopter une attitude responsable et prudente. Les rares cas d'attaques se sont produits dans des circonstances particulières, par exemple si un loup est malade ou affamé, ou s'il a perdu une partie de sa peur des humains à cause d'une trop grande proximité avec eux (comme cela peut arriver avec des loups nourris par l'homme, volontairement ou non). Dernier mythe : LES LOUPS SAUVENT DES ÉCOSYSTÈMES Alors, oui et non. Le oui tout d’abord : si le loup a été réintroduit et est protégé en France, en Belgique et dans toute l’Union, c’est parce qu’il il a de magnifiques fonctions de régulateur de nos écosystèmes. Les proies de prédilection du loup sont les sangliers, les chevreuils ou encore les cerfs. En de nombreux endroits en Europe, il y a une forte densité d’herbivores, ce qui a un impact sur la régénération forestière. La présence du loup modifie le comportement de ses proies, il les force à se déplacer davantage ou à éviter certaines zones. Cela permet alors à la forêt de se régénérer plus facilement. Les loups agissent comme des régulateurs naturels des populations de petits prédateurs, comme les martres, les renards et les ratons laveurs qui sont donc régulé. En régulant ces populations, le loups permet indirectement d’aider d’autres petits animaux à prospérer, comme les tétras lyres. En plus les herbivores plus faibles, comme les animaux malades, se laissent aussi plus facilement attraper par le loup qui joue donc un rôle sanitaire important dans l’écosystème, puisque des scientifiques ont montré qu’il limite la transmission de maladies chez certaines espèces dont l’homme ! Et enfin puisqu’ils laissent leurs proies sur place, cela crée une source de nourriture pour d'autres animaux, ce qui favorise la biodiversité. Par exemple, plusieurs espèces de petits passereaux viennent picorer les restes de graisse ; une aide non négligeable pendant l’hiver. Mais il y a aussi les abus de langage. Vous avez peut-être déjà vu le joli film « Wolves change rivers » ou lu des textes à propos de cette réintroduction des loups dans le Parc de Yellostone aux États-Unis, qui aurait été suivi par un chamboulement énorme sur la régénération forestière, les populations de mammifères herbivores, les oiseaux, les carnivores et finalement les loups auraient changé le cours des rivières du parc. C’est un exemple classique de ce que l’on nomme les cascades trophiques, on touche à un maillon de la chaine, et cela impacte tous les autres maillons. La présence des loups, modifie le comportements des grands herbivores, qui exercent moins de pression sur la régénération des forêts, qui se développent et font revenir les oiseaux, etc etc. Dans le cas de Yellowstone, les loups ont certes joué un rôle important dans la régénération du paysage, mais ils ne sont pas les seuls responsables, et la réalité est comme souvent beaucoup plus complexe. Je vous explique tout cela plus en détail dans mon premier livre « Un Tanguy chez les hyènes : 30 comportements surprenants des animaux ». Fin 2023, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a proposé, comme d’autres chef d’états, d’abaisser le statut de protection du loup en Europe. Le prétexte ? La cohabitation avec les élevages, qui peut s’avérer être un défi. Pourtant, l’Asie vit bien avec le tigre, l’Afrique avec le lion, et l’Amérique du Sud avec le jaguar. Et d’où nous nous trouvons, personne n’accepterait que l’on décide d’éradiquer ces magnifiques animaux, sous prétexte qu’ils peuvent représenter un danger pour les éleveurs. Au-delà des considérations éthiques d’éliminer un animal dès qu’il pose problème, il y a aussi la question écologique, on vient de le voir, le loup est un prédateur qui a de nombreuses fonctions bénéfiques au sein de son écosystème. Je l’ai dit plus tôt, mais la clé elle réside à réapprendre à vivre ensemble avec les loups, ce qui passe par des mesures de soutien aux éleveurs. Car le fait de faire passer le loup d’un statut de « strictement protégé » à simplement un statut d’« espèce protégée », impliquerait que la chasse aux loups dans l’UE deviendrait plus accessible légalement. Et je pense que la protection des loups en Europe n'est pas seulement une question d'importance écologique, c’est aussi le reflet de notre engagement en faveur de la biodiversité.
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Le raton laveur arrive certainement près de chez toi ! J’ai rassemblé tout ce qu’il faut savoir à son sujet dans cet article. Car il a beau avoir une tête de peluche adorable, c’est un animal très intelligent avec lequel la cohabitation peut vite tourner au cauchemar. Le raton laveur vandalise tes poubelles, rentre dans ta maison et pille tes réserves de nourriture. Il grimpe sur les toits, s’incruste dans les greniers et fait tellement de bruit la nuit qu’il réveillera toute ta famille. Ah ! Et s’il peut te refiler des parasites, à toi, tes enfants ou tes animaux, eh bien il n’hésitera pas. Au programme : comment le reconnaître, où l’observe-t-on et quand prévoit-il de poser ses bagages chez toi ? Ce qu’il mange, pourquoi on l’appelle LAVEUR, et surtout comment gérer sa présence autour de ton habitation. Accroche-toi, voici des infos solides qui pourraient bien t’être utiles, aujourd’hui ou très bientôt. Le raton laveur provient d’Amérique du Nord, ce qui nous change des espèces invasives d’origine asiatique dont je te parlais récemment. Les tout premiers individus sont arrivés chez nous dans les années 30, en Allemagne d’abord, dans le cadre du développement d’élevages destinés à récupérer sa fourrure. Mais son installation a sans doute été causée par ceux qui en ont ramené pour en faire des animaux de compagnie. Cela s’est particulièrement produit dans les bases de l’OTAN, qui ont éclos un peu partout en Europe après la Seconde Guerre mondiale. C’est vrai que les petits ratons sont assez facilement apprivoisés et, aux États-Unis, il n’est pas rare que les gens les utilisent comme animaux de compagnie. Malheureusement, à l’âge adulte, ces ratons laveurs vivant autour des fermes d’élevage ou dans ces bases de l’OTAN se sont rapidement évadés, poussés par leur instinct de vie sauvage. Selon la région où tu habites, ils sont peut-être déjà nombreux autour de chez toi, ou peut-être qu’ils vont bientôt arriver. Voici la carte actuelle de la répartition du raton laveur dans le monde. Son aire d’origine est en orange, et recouvre notamment les pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Nord. En Europe, la bête est omniprésente en Allemagne et se propage rapidement sur les territoires belges et français. Il faut dire qu’à en croire ces chercheurs, le climat européen actuel, comme futur, lui plaît beaucoup. En France, les premières introductions datent des années 60. Des ratons laveurs qui étaient détenus comme animaux de compagnie ont été relâchés par des troupes américaines et canadiennes basées dans l’Aisne. Cette population a considérablement grossi pour se répandre sur les départements limitrophes et, de proche en proche, vers l’est, le nord de la France ainsi que vers l’ouest, en direction de la région parisienne. Cette population semble désormais en contact avec la population belge, qui elle, est probablement issue des toutes premières introductions ayant eu lieu en Allemagne. En Belgique, d’ailleurs, le raton est observé pour la première fois dans les années 80. Aujourd’hui, il est partout en Wallonie et remonte rapidement vers la Flandre. Un deuxième foyer français est apparu en Auvergne, et une troisième population s’est ensuite installée en Gironde en 2007. En dehors de ces foyers, on en observe régulièrement sur l’ensemble du territoire. Ce sont soit des individus échappés de parcs zoologiques, soit des abandons intentionnels de particuliers qui les détiennent illégalement, vu que ces animaux deviennent imprévisibles et agressifs une fois adultes. Peut-être vis-tu dans une des zones que je viens de citer et pourtant, tu n’en as jamais croisé un ? Et c’est normal, car le raton laveur a ses préférences, notamment pour les bords de cours d’eau et les forêts de feuillus parcourues par des ruisseaux. Ça ne veut pas dire qu’on ne le retrouve jamais en milieu urbain, car le bougre s’adapte très rapidement. Et puis, si tu ne l’as encore jamais vu, ça ne veut pas dire qu’il n’est pas là. Ta poubelle renversée, ce n’était peut-être pas un chat. Des indices à proximité pourraient te renseigner, comme les traces de ses pattes, où l’on distingue clairement ses cinq longs doigts munis de longues griffes et étalés à la manière des doigts d’une main. Le risque de confusion est possible avec les empreintes du rat musqué, mais celles-ci sont plus petites et souvent associées à une traînée laissée par la queue. Il laisse aussi des traces de sa présence comme des tiges rompues dans les champs de maïs ou des amas de coquilles de palourdes sur la rive d’un cours d’eau. Si tu en croises un, tu peux rendre service en signalant sa présence. En France, tu peux utiliser l’application INPN Espèces, INPN pour Inventaire National du Patrimoine Naturel. Il suffit de prendre une photo, de renseigner le lieu d’observation de l’animal, et c’est envoyé aux experts qui peuvent ainsi mieux agir. En Belgique, tu peux rapporter leur présence sur le site Observations Biodiversité. Le raton laveur est un mammifère gris de la taille d’un gros chat. Son visage est blanc mais porte une bande noire sur le nez ainsi que de larges taches noires autour des yeux qui lui donnent cette forme de masque. Sa queue épaisse porte cinq à sept anneaux noirs. Tu ne le confondras pas avec le putois, beaucoup plus élancé et dont la queue ne présente pas d’anneaux, ni avec le blaireau, qui n’a pas de masque sur le visage, qui est plutôt zébré de noir et de blanc et dont la queue est courte et non annelée. Finalement, il ressemble surtout au chien viverrin, qui est une autre espèce invasive dont le visage masqué et la taille sont proches du raton. Mais son pelage est plutôt gris que brun. Et c’est un Canidé, cousin de nos chiens donc, avec une queue courte et non annelée, et des doigts plus courts. Les ratons laveurs, eux, font partie d’une autre petite famille de mammifères carnivores qu’on appelle les Procyonidés, et qui inclut aussi les Coatis, qu’on ne retrouve qu’en Amérique centrale et en Amérique du Sud, comme le coati roux. Difficile de ne pas voir un petit air de famille avec le raton. Le raton laveur est un ramasseur-cueilleur… opportuniste et omnivore. Il se nourrit principalement de végétaux (fruits et céréales) et d’invertébrés comme les insectes, les vers ou les mollusques. Grâce à sa fourrure, il est protégé contre les piqûres et donc, il s’attaque par exemple aux colonies d’abeilles. Mais il chasse également des amphibiens, des poissons, des œufs et des poussins d’oiseaux ainsi que des micromammifères. Il est plutôt un collecteur-cueilleur qu’un véritable prédateur. Il consomme en fait la ressource la plus disponible et la plus accessible. S’il vit près de l’eau, il mangera avec plaisir des palourdes d’eau douce ou des batraciens. En été et en automne, il privilégie le maïs, les fruits, les baies, les glands et les noix. Et ce dégoûtant peut aussi manger des charognes. À la fin de l’été et en automne, il emmagasine des réserves de graisse pour se préparer à la saison froide et peut ainsi atteindre jusqu’à deux fois son poids d’origine. En hiver, le raton laveur n’hiberne pas, mais entre dans une période d’inactivité et de dormance, sauf dans les régions du Sud où l’animal continue d’être actif. On l’appelle raton laveur, non pas parce qu’il lave précautionneusement ta voiture pendant la nuit, mais parce qu’il a l’habitude de tremper son aliment dans l’eau et de le frotter entre ses mains comme pour le pétrir. Il peut ainsi déterminer si ce qu’il a trouvé est comestible. Et s’il n’y a pas d’eau, il frotte son futur repas précautionneusement dans ses petites mains. Avec son visage masqué et ses habitudes nocturnes, on aurait pu se douter qu’il avait tout du parfait petit brigand. Il est très anthropophile, ce qui signifie qu’il aime vivre à proximité des humains. Et il cause bien des ennuis. Par exemple, c’est un expert en ouverture de poubelles. Si tu pensais que tes déchets étaient en sécurité dans une poubelle verrouillée, détrompe-toi. Rien ne l’arrête : poignées ou couvercles lourds, il a tout vu et tout ouvert. Il en va de même pour ton poulailler, même fermé par une porte. Pas de problème, il se dresse sur ses pattes et tourne la poignée avec ses mains agiles. Et hop, l’insolent rentre et se sauve avec un œuf, quand il ne donne pas carrément un coup de griffe mortel à l’une de tes poules. Et ne parlons pas de sa capacité à s’inviter chez toi. Tu te dis que laisser une fenêtre légèrement ouverte en été, c’est parfait pour faire entrer une petite brise fraîche. Eh bien, pour un raton laveur, c’est une invitation VIP à entrer et à fouiller dans ton frigo. Surtout s’ils sont nombreux dehors et qu’ils ont faim. Ainsi, tu te réveilles le matin et tu te demandes pourquoi il y a des empreintes boueuses sur ton canapé, un pot de confiture vide sur le sol et les gamelles du chien et du chat vidées. Surprise ! C’est ton nouvel ami masqué qui s’est servi pendant que tu dormais. Le raton laveur est aussi un expert en escalade. Oui, s’il peut grimper aux arbres, il peut aussi gravir les murs de ta maison si ça lui chante. Il est agile et descend aisément d’un tronc la tête la première, en tournant ses pattes arrière à 180 degrés. Tu pensais que ton grenier était un endroit sûr pour stocker tes affaires ? C’est une erreur ! Le raton laveur y voit une chambre d’hôtel de luxe avec vue sur ton jardin. Tu t’en rendras vite compte, car ils ne sont pas du genre silencieux une fois la nuit tombée. Et s'il a envie d'un bain, il pourrait bien faire un plongeon dans ta piscine. S'il a longtemps été considéré comme inoffensif pour la faune européenne, de plus en plus d'études montrent que ce prédateur opportuniste peut constituer une menace sérieuse pour de nombreuses espèces menacées en Europe, je pense à certaines espèces d’oiseaux, de chauves-souris ou de reptiles. C’est particulièrement vrai dans les environnements où ces proies ne sont pas habituées à un prédateur comme le raton laveur. Mais le raton entre aussi en compétition avec les espèces locales, comme la martre, qui consomment la même nourriture que lui ou qui utilisent les mêmes abris pour la nuit. Aujourd’hui, le raton laveur est considéré comme une menace pour la biodiversité et a été classé par le Conseil de l'Europe comme espèce invasive dont l’éradication est conseillée en raison de son impact sur la faune locale. Il joue aussi un rôle de réservoir de maladies en transmettant des parasites aux animaux qui subissent son arrivée. Et en parlant de parasites, tu es aussi concerné. Parce que le raton laveur, c’est un peu comme ta fille de 14 ans quand elle te dit « je t’aime mon petit papa », avec ses yeux attendrissants, pour te demander sans aucune subtilité un nouveau smartphone 10 minutes plus tard. Le raton, lui, te fait les yeux doux, avec son visage adorable. Toi, tu succombes à son charme, tu baisses ta garde, tu t’en approches, tu as envie de lui faire une petite caresse sur sa petite bouille adorable. Et en deux secondes, tu te retrouves mordu et griffé, et tu n’as pas assez de doigts pour compter le nombre de germes infectieux qu’il t’a injectés dans le sang. Car oui, le raton laveur peut te transmettre le virus de la rage, mais aussi de dangereux parasites. Donc si tu croises un raton laveur au bord d’un chemin, fais sérieusement attention, car il pourrait être porteur de ces maladies. Par exemple, depuis plusieurs années, les ratons laveurs situés en Allemagne sont porteurs de la baylisascariose, des vers parasites intestinaux. Les premiers cas ont aussi été rapportés en 2024 en Belgique. Les œufs de ce nématode parasite se retrouvent dans les déjections de l’animal, sur son pelage et dans son environnement direct. L’infection n’est pas mortelle pour les ratons laveurs mais peut se transmettre à l’être humain par l’ingestion accidentelle de terre ou d’autres matériaux souillés par les matières fécales des ratons contaminés. Ça arrive plus vite que tu ne le penses, par exemple si tes enfants jouent dans leur bac à sable, par où est passé le raton pendant la nuit. Les infections humaines peuvent se révéler très dangereuses : les larves ingérées traversent la paroi du système digestif et se répandent dans tout le corps via les vaisseaux sanguins. Elles touchent alors surtout les muscles, mais aussi le système nerveux et le cerveau, générant des dégâts irréversibles aux organes atteints. S’il est partout aux États-Unis et au Canada, il n’y pullule pas autant puisqu’il est régulé. Ses populations sont en équilibre avec des espèces de plus grands prédateurs comme le puma, le loup, le lynx ou la martre. Des animaux tout à fait respectables pour le coup. Ce n’est pas le cas en Europe de l’Ouest. Résultat : le raton laveur y est inscrit depuis 2016 dans la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union. Cela signifie que cette espèce ne peut pas être importée, élevée, transportée, commercialisée ou libérée intentionnellement dans la nature, et ce, nulle part dans l’Union européenne. Pour éviter tous les désagréments liés aux ratons laveurs, mieux vaut adopter quelques gestes simples. Premier conseil : ne succombe pas à son charme ! Ne t’approche pas d’un raton, ne le nourris pas et SURTOUT ne le touche pas ! Il y a plusieurs petits aménagements que tu peux mettre en place autour de chez toi s’il y a des ratons dans le coin. Enferme les poules à clé pour la nuit (ça les protégera du renard aussi), élague les branches des arbres situées contre la maison pour maintenir un écart de plus d’un mètre, limite l'ouverture des fenêtres en utilisant l’oscillo-battant et installe un dispositif pour empêcher l'escalade par les gouttières et l'accès au grenier. Pour l’empêcher d’accéder aux nichoirs, tu peux installer sur le tronc un dispositif l’empêchant d'y grimper. Les chatières doivent être bloquées durant la nuit, tout comme tes poubelles, que tu peux attacher au mur pour éviter qu’ils ne les renversent. Ne laisse pas de nourriture pour oiseaux ou animaux domestiques accessible à l'extérieur de la maison durant la nuit. Ferme à clé le bac à sable quand il n’est pas utilisé et surveille les enfants en journée pour qu’ils ne mettent pas de sable ou de terre en bouche. Pendant une balade, ne cueille pas de baies sauvages à moins qu’elles ne paraissent inaccessibles, c’est-à-dire sur tige à plus de 50 centimètres du sol. Lave systématiquement les fruits et les légumes, et cuis ceux qui proviennent du potager, des champs, des forêts ou des jardins potentiellement accessibles aux ratons laveurs. Les chiens doivent également garder leurs distances. Ce sont sans doute les meilleurs prédateurs du raton laveur, mais il faut toujours les tenir en laisse pendant tes balades dans les milieux forestiers, et vérifie que ton chien a bien reçu son traitement vermifuge. J’espère que tu n’auras jamais à faire face aux ratons laveurs, et si c’est le cas, n’hésite pas à revenir sur cette vidéo ci-dessous pour te rappeler les gestes à appliquer. |
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AuteurFrançois Verheggen, Professeur de Zoologie, Université de Liège Archives
Décembre 2024
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