François VERHEGGEN
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5/6/2025

Les meilleurs papas du règne animal

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Chez les animaux, la plupart des papas sont des incapables ou des fainéants. Ils laissent bien souvent les mamans seules pour la ponte, le nourrissage, la protection des petits, voire leur éducation. Mais … ! Il y a des exceptions. Il existe plusieurs papas animaux qui assurent vraiment. Alors, comme on est en période de fête des pères, j’avais envie de leur rendre hommage. Voici donc… mon TOP 10 des meilleurs papas du règne animal.

Chez les crocodiles, en général, les papas sont à classer dans la catégorie des déserteurs. Les bébés ne sauront jamais qui est leur père… et c’est peut-être pas plus mal. Parce que s’ils croisent un mâle adulte — même leur propre père — et bien ils risquent fort de finir dans son estomac. Mais il y a une exception chez les crocodiliens. Le gavial. On le retrouve en Inde et lui, il s’occupe vraiment de ses petits. Alors il n’est qu’à la 10ème place parce qu’il se limite à les protéger après la naissance. Ils ont régulièrement été observé en train de transporter des jeunes sur ta tête ou sur son dos. Des jeunes qui semblent être les siens et qui proviennent des différentes femelles avec lesquelles il s’est accouplé. 
Mais… est-ce qu’il fait ça par instinct paternel ? Par altruisme désintéressé ? Peut-être pas. Certains chercheurs pensent que ce comportement a un but un peu plus… stratégique. En gros, il ferait le malin en mode « regardez comme je suis un bon père, mesdames, comment je m’occupe bien des enfants. » Selon les spécialistes, en s’occupant des jeunes, il cherche à se rendre séduisant pour les femelles qui le regardent et qui devront se choisir un nouveau partenaire prochainement. Mais il en profite aussi pour protéger les petits. Le photographe qui a immortalisé ces différentes scènes explique que les gavials sont habituellement très timides, et prennent habituellement leurs distances avec les humains. Sauf quand un mâle transporte des petits, alors il devient agressif et n’hésite pas à charger les intrus, même les humains. Et ça, pour un reptile, c’est pas mal. Donc il mérite sa 10ème place.


Les papas suivants vont vraiment loin dans leur investissement parental. Chez certaines espèces de poissons, ce sont les mâles qui s’occupent seuls des œufs. Et pas n’importe comment : ils les gardent ses œufs puis ses alvins … dans leur gueule, et cela pendant plusieurs semaines. On appelle cela de l’« incubation buccale paternelle ». C’est classe, non ? Par contre cela signifie pour lui qu’il ne peut plus rien mâcher, donc pas de repas pendant toute la période d’incubation. Mais il y a beaucoup de différences entre les espèces de poissons. Chez un poisson-chat bleu c’est carré : monogamie stricte. Chaque mâle porte uniquement les œufs qu’il a lui-même fécondés. Un père exemplaire, fidèle, qui ne s’occupe que de ses enfants. Rien à dire. Chez Glossamia aprion, surnommé le "mouth almighty" en francais cela donne quelque chose comme ‘le poisson à la bouche toute-puissante’. Rien que ça. Chez lui c’est un peu plus freestyle. La plupart du temps, les mâles portent bien leurs propres œufs. Mais certains ont été observés avec des œufs qui ne sont pas du tout les leurs. On ne sait pas trop pourquoi ils se donnent cette peine, mais ce qui est sûr, c’est qu’ils les élèvent quand même. Et ça, c’est fascinant, parce que ce comportement est coûteux.
 
Avec la 8ème place, on entre dans la catégorie « papa insecte super-héros », avec les punaises d’eau géantes, de la famille des Belostomatidae, qui sont des prédateurs redoutables mais aussi des papas modèles. Après l’accouplement, la femelle grimpe sur le mâle, et dépose ses œufs fraîchement fécondés sur… son dos. Et là, ça rigole plus. Le papa prend son rôle de géniteur très au sérieux. Pendant des semaines, le père fait des allers-retours vers la surface de l’eau pour ventiler les œufs, qui ont besoin d’oxygène. Sinon, ils crèvent. Et il va même plus loin. Quand les œufs sont prêts à éclore, le mâle secoue son corps, pour secouer délicatement les œufs et les aider à éclore. Et après ? Ben… les petits partent. Et rapidement. Parce que – et c’est là que l’histoire devient un peu moins rose – même si papa s’est démené pour eux, ça reste un insecte carnivore. Et il arrive qu’il croque ses propres rejetons. C’est d’ailleurs pour ça que je ne le mets pas plus haut dans le classement. On ne mange pas ses enfants, quand même. Même en cas de petite fringale. 
Mais attends, j’ai encore une anecdote. Dans une étude scientifique, des chercheurs ont fait une expérience assez comique : ils ont présenté à une femelle deux mâles identiques. L’un portait déjà quelques œufs, l’autre non. Tu devines la suite ? La femelle a préféré celui qui avait déjà des œufs sur le dos. Un peu comme notre gavial : être un papa poule, c’est très séduisant ! Pourquoi ? Parce qu’aux yeux d’une dame, ce mâle-là prouve qu’il sait s’en occuper. C’est un père expérimenté, fiable. Un mâle avec des références, en quelque sorte. Et dans le monde des punaises d’eau géantes, avoir des œufs sur le dos, c’est comme avoir un super CV parental. Et pour moi, ça mérite largement la 8ème place.

Allez, on file en Amérique centrale, dans les forêts tropicales en bordure de la mer des Caraïbes, pour rencontrer de toutes petites grenouilles haute en couleur : Oophaga pumilio, qu’on surnomme grenouille des fraises, qui peuvent être de couleur variée.  Et surtout dont les mâles font de très bon papas. Tout commence par une parade, au cours de laquelle la femelle écoute le chant des mâles pour choisir son partenaire — parce que oui, le père va jouer un rôle crucial. Alors elle choisit bien. Quand elle a trouvé le bon, ils s’accouplent, et ensemble ils se mettent à la recherche d’un petit coin tranquille pour déposer les œufs. Et quand c’est fait, maman s’en va. Et c’est là que le super papa entre en scène. Au lieu d’abandonner ses futurs petits à la prédation, il s’installe à côté du chapelet d’œufs, et il ne bouge plus ou presque. Il reste là tout le jour et toute la nuit, en mode sentinelle. Dès qu’un intrus approche : il charge et joue son rôle protecteur. Mais ce n’est pas tout. Il veille aussi à leur bien-être. Si le sol est trop sec, il va chercher de l’eau et les humidifie. Et puis, un matin, les œufs éclosent. Les têtards gigotent. Et là, changement de relais : la mère revient. Elle ne les a pas abandonnés, elle avait fait du repérage. Alors elle charge les têtards sur son dos et les emmène dans des phytotelmes. Des sortes de mini-piscines naturelles formées dans les feuilles de broméliacées. Elle en place un par phytotelme. Puis chaque jour, pendant près de six semaines, elle rend visite à chaque têtard et leur dépose un œuf non fécondé en guise de repas du jour. Alors oui, on pourrait dire que la mère fait une bonne part du boulot… mais n’oublions pas que sans le mâle au départ, rien de tout ça ne serait possible. C’est lui qui hydrate et surveille. Et pour un batracien c’est franchement pas mal. Et ça méritait une 7ème place.
 
Direction l’Ouganda. Une grande prairie ensoleillée, une termitière abandonnée, et une petite communauté très soudée de… mangoustes rayées. Des petits mammifères hyper sociaux, au poil rayé façon pyjama zébré, qui vivent ensemble dans un vrai labyrinthe souterrain creusé sous la terre. Et dans cette colonie, il y a 1 jour par trimestre réservé à une petite fête entre adultes, disons-le comme ça. Ce jour-là les mâles se toisent et se bagarrent. Les poils se hérissent, ça crie, ça griffe… et ça sent un peu la testostérone dans les tunnels. Trois mois plus tard, les petits pointent le bout du museau. Et là… c’est la crèche XXL. Toutes les mères allaitent ensemble, sans distinction. Si une mamelle est libre, n’importe quel petit peut y téter. Et pendant que les mamans nourrissent… les papas ils assurent aussi. Enfin… certains. Certains mâles deviennent de véritables nounous. Ils surveillent les marmots dans les chambres sombres, ils montent la garde aux entrées des tunnels, ils se battent et repoussent les prédateur qui s’approcheraient trop près. D’autres mâles emmènent la marmaille dehors, pour leurs premières sorties en surface. Ils enseignent aux petits comment attraper un mille-pattes, ils leur font la toilette, ils jouent avec eux. Mais attention, tout n’est pas parfait. Car tous les mâles ne sont pas motivés. Certains, même s’ils sont les pères biologiques, détournent la tête au moment de s’occuper des petits. Alors que d’autres, qui ne sont même pas les géniteurs, s’investissent à fond. Pourquoi ? On ne sait pas encore. Les éthologues parlent simplement de traits de personnalité, il y a des mâles magoustes fainéants et des papa-gateau. Ce qui est certain c’est qu’on observe chez ces mangoustes un véritable système de parentalité partagée, où certains mâles s’impliquent avec une intensité rare chez les mammifères. Et c’est ça qui leur vaut leur 6ème place dans ce classement.
 
On part dans les eaux glacées de l’Antarctique à présent, pour rencontrer un animal au look venu d’ailleurs : j’ai nommé Colossendeis megalonyx. Une araignée de mer. Mais pas comme celles qu’on croise dans nos salles de bain — elle appartient à un groupe appelé les pycnogonides. Certains diront qu’elles sont particulièrement effrayantes avec leurs longues pattes fines. D’ailleurs à ce propos, j’ai fait une vidéo sur les animaux moches des abysses, je te la proposerai en fin de vidéo. Mais si je vous en parle ici c’est parce que ce sont les papas qui élèvent les petits. Et ça, c’est rarissime dans le monde des invertébrés marins.


Chez la majorité des pycnogonides, c’est le mâle qui prend en charge les œufs. Juste après la fécondation, il les colle à ses pattes ovigères, une paire de pattes spécialisées, situées à l’avant du corps qui ne servent qu’à ça : porter et manipuler les œufs. Il les y fixe grâce à des glandes de ciment, qui produisent une sorte de colle biologique super efficace. Et ensuite… il les garde ainsi pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois selon l’espèce et les conditions, il les transporte partout avec lui. Il ne se contente pas de jouer au support passif. Il nettoie les œufs, il les aère, il les protège des prédateurs et des parasites. Du boulot de pro. Et puis un jour, les petites larves — qu’on appelle protonymphons — quittent les pattes à papa pour commencer leur vie. Et là, le job est fini. Donc ça c’est le schéma classique des pycnogonides. Mais le mâle de Colossendeis megalonyx, il fait un peu les choses différemment. Il ne trimballe pas les œufs pendant des semaines. Non. Mais il ne les abandonne pas non plus. Une fois la ponte faite, il reste à côté de la masse gélatineuse d’œufs. Il la nettoie, il la compacte, et il la fixe solidement au fond marin. Dans les conditions extrêmes de l’Antarctique, tous ces gestes comptent beaucoup. Et ces soins parentaux, aussi modestes soient-ils, font toute la différence pour la survie des embryons. 
Alors bon, c’est peut-être pas le papa le plus démonstratif du règne animal… Mais un père invertébré, avec un cerveau minuscule, qui s’occupe de ses jeunes, dans un milieu extrêmement hostile. Il fallait que quelqu’un en parle. 
 
Bon, je préviens tout de suite : le prochain papa vit dans un univers un peu glauque. Un monde de charognes, de cadavres, de chair en décomposition. Je veux parler du nécrophore ; Comme son nom l’indique, c’est un insecte nécrophage. Il mange des cadavres. Mais ils sont aussi d’excellents parents. Tout commence quand un couple de nécrophores détecte un cadavre grâce à leur flair exceptionnel. Une fois sur place, ils préparent soigneusement le futur casse-croute de leurs bébés. Ils retirent les poils ou les plumes, façonnent une boule bien compacte de chair, et l’enduisent de leurs sécrétions antimicrobiennes. Objectif : ralentir la décomposition pour garder la viande fraiche jusqu’à la naissance. La femelle pond alors ses œufs à proximité. Et c’est là que la magie opère : les parents restent. Ensemble. Et ils nourrissent activement les larves. Ils les nourrissent en leur vomissant de la viande prédigérée. Un peu comme le font certains oiseaux. Mais chez un insecte, c’est presque du jamais vu. Et attention, les larves ne sont pas en reste. Elles quémandent. Elles émettent des signaux, elles remuent, elles réclament à manger. Et les parents répondent. Ils les nourrissent, les surveillent, les protègent. Par contre la suite est cruelle : si la carcasse est trop petite pour nourrir toute la fratrie… il faut faire un choix. Et les parents peuvent éliminer certains œufs ou même certaines larves : mieux vaut en nourrir quelques-uns correctement que tous à moitié. Et ce qui rend ce comportement encore plus remarquable, c’est qu’il n’est pas rigide. Parfois, les soins sont assurés par les deux parents. Parfois par la femelle seule. Parfois même uniquement par le mâle. C’est flexible. Adaptatif. Et ça en dit long sur la complexité de leur comportement. Bref, on parle ici d’un insecte qui :
– enterre une carcasse,
– la prépare,
– la conserve,
– nourrit ses petits,
– ajuste sa progéniture en fonction des ressources,
– et peut le faire en solo ou en duo.
 C’est un modèle d’investissement parental, tout simplement. Et s’il fallait désigner un insecte comme papa de l’année… Nicrophorus vespilloides serait un très sérieux candidat. La 4ème place, elle est pour lui, sans l’ombre d’un doute.
 

On va complètement renverser les rôles. Chez le jacana noir, c’est pas la femelle qui couve, ni qui élève les petits. Non. Elle, elle gère les rancards amoureux. Et le mâle… il fait tout le reste. Et quand je dis tout, c’est vraiment tout. Sur plus de 500 nids observés par ces chercheurs, les femelles n’ont jamais été vues en train de couver. Jamais. Si le mâle meurt ? La femelle ne prend pas le relais. Elle recommence ailleurs avec un autre partenaire. Car oui c’est le père qui reste assis, immobile, à garder les œufs au chaud. En moyenne, il passe 41 % de son temps sur le nid. Et pendant ce temps-là, il maigrit. Parce qu’évidemment, couver et se nourrir ne vont pas toujours bien ensemble. Et ce n’est pas fini. Une fois les œufs éclos, c’est encore lui qui s’occupe des poussins. Il les guide, les protège, les réchauffe. Il reste avec eux jusqu’à ce qu’ils puissent voler, donc pendant huit à dix semaines. Deux mois et demi à jouer les nounous à plein temps. Pendant ce temps-là, la femelle ? Elle gère son harem de mâles. Car oui, madame est polyandre. Elle s’accouple avec plusieurs mâles, pond chez chacun, et les laisse se débrouiller. Chaque mâle est responsable de son propre nid. Et pourtant, la femelle n’est pas totalement absente. En cas de danger, elle peut intervenir. Si le mâle lance l’alerte — parce qu’en général, c’est lui qui repère la menace en premier — la femelle rapplique. Et là, ils défendent ensemble les œufs ou les poussins. Une coopération rare, mais efficace. Et malgré cette répartition franchement inégale des tâches, le système fonctionne. Le taux de survie des petits est bon. Le père est totalement investi. Et la mère, en quelque sorte, optimise sa stratégie reproductive. Le jacana noir, c’est donc un exemple fascinant d’inversion des rôles parentaux. Le mâle est le pilier de la famille, et il assure du début à la fin. Alors forcément… il décroche la 3ème place de ce classement sans forcer.
 
On va parler d’un cas très, très spécial. Un cas unique, même. Parce que chez les hippocampes, devine qui tombe enceinte ? Eh oui. C’est le mâle. Et dans sa famille — celle des Syngnathidés, qui regroupe hippocampes, syngnathes et dragons de mer — le papa fait tout un pan du boulot reproductif. Tout commence par une parade nuptiale. Une vraie chorégraphie : les deux partenaires se tournent autour, changent de couleur, synchronisent leurs mouvements… et ça dure longtemps ! Et quand ils sont prêts, la femelle utilise un ovipositeur — une sorte de petit tube — pour transférer ses œufs directement dans la poche incubatrice du mâle. Cette poche, située sur l’abdomen, c’est pas juste un sac. Non. C’est un vrai utérus miniature. Elle est vascularisée, elle régule les échanges d’oxygène, elle fournit des nutriments, elle élimine les déchets… Bref, c’est le grand luxe pour les embryons. Et ça dure. La gestation peut prendre de quelques jours à plusieurs semaines, selon l’espèce et la température de l’eau. Pendant ce temps, le mâle adapte le taux de sel, les conditions chimiques… pour optimiser le développement des petits. Franchement, c’est du soin prénatal de haut niveau. Et le jour J, il a de vraies contractions abdominales. Des spasmes musculaires puissants, qui peuvent durer plusieurs heures, pour expulser parfois des centaines de petits hippocampes, déjà formés, déjà autonomes. Et puis… il les laisse partir. Fini. Pas de couches, pas de biberons. Chacun sa route. Alors, oui, il ne s’occupe pas des petits une fois nés. Mais porter une grossesse, chez un mâle vertébré ? C’est totalement unique. Et en plus, ce système a un avantage : pendant que monsieur gère les œufs, madame peut déjà préparer la prochaine ponte. Résultat : certaines espèces peuvent enchaîner les grossesses. Et puis… il faut bien le dire : un papa qui tombe enceinte, qui a des contractions, et qui accouche… ça ne court pas les océans. C’est à la fois bizarre, fascinant et totalement unique. Rien que pour ça, pour cette inversion totale des rôles, et pour la performance physiologique que ça représente… l’hippocampe mérite haut la main la 2ème place de ce classement.
 
Et voilà. On y est. La première place. Le meilleur papa du règne animal, toutes catégories confondues. Et il a des plumes, il fait jusqu’à deux mètres de haut et il a des pattes de dinosaure. Oui, je parle bien de… l’émeu. L’émeu, c’est un grand oiseau incapable de voler, un peu comme une autruche mais qui aurait grandi en Australie et décidé de faire carrière dans la garde d’enfants. Après l’accouplement, la femelle pond … et s’en va. Tranquille. Elle abandonne tout à monsieur, qui doit assurer la couvaison seul. Et ce n’est pas une couvée banale. Souvent, les œufs viennent de plusieurs femelles. C’est-à-dire que monsieur émeu s’occupe d’enfants… dont il n’est pas forcément le père biologique. Pendant 2 mois, il reste statique sur la terre battue, les plumes gonflées pour se protéger des intempérie. Il ne passe que 5% de son temps hors du nid. Il ne mange pas. Il boit à peine et il peut perdre jusqu’à la moitié de son poids, pour protéger typiquement une 12aine d’œufs. C’est un jeûne très exigeant, et couteux. Et ce n’est pas fini. Parce qu’une fois les petits nés, on pourrait croire qu’il se dit : « bon, j’ai fait ma part, maintenant je me tire ». Eh bien non. Il continue. Il les guide durant leurs premiers mois de vie, on parle de soins qui durent 1 an et demi ! 1 an et demi pendant lesquels il les protège contre les intempéries, contre les prédateurs aussi qui ne feraient qu’une bouchées de ces oisillons. Ils les guide vers les sources de nourriture. Et pendant ces 18 mois, monsieur émeu ne se reproduit plus. Il consacre tout ce temps à ses petits. C’est exceptionnel un tel investissement. Et ce qui est fou c’est qu’il y va à fond, même quand sa paternité est incertaine — c’est-à-dire quand la couvée contient des œufs d’autres femelles, potentiellement fécondées par d’autres mâles. Ces eux, ils les recueille, il ne les rejette pas. Il ne les trie pas. Il les traite comme les siens. 
Les scientifiques s’arrachent encore les cheveux pour comprendre comment un tel investissement peut être rentable d’un point de vue évolutif. Parce que, soyons honnêtes, c’est un gros coût pour lui. Un coût énergétique, un risque face aux prédateurs, et une saison de reproduction mise en pause. Mais il y a des hypothèses : en prenant soin de nombreux petits, même s’il n’est pas certain que ce sont les siens, il maximise les chances qu’au moins une partie de ses gènes soient transmis à la génération suivante. Les chercheurs pensent aussi qu’il démontre à toutes les femelles des environs ses compétences et assure ainsi sa place dans ce système polyandrique. Difficile à trancher, mais une chose est sûre : ce modèle fascine les chercheurs. Et nous, il nous inspire. Parce que l’émeu, c’est un père résilient, obstiné, patient. Un modèle de dévouement parental. Et selon moi, c’est ainsi le meilleur papa du règne animal.

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    François Verheggen, Professeur de Zoologie, Université de Liège

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